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Canada: le géant des médias Quebecor mène la guerre contre les employés de sa nouvelle acquisition, VidéotronFrançois Legras Les 2200 employés de Vidéotron - l'une des plus importantes compagnies au Québec, et contrôlée depuis deux ans par le géant des médias Quebecor - sont en grève depuis le 8 mai dernier. Ils font face à un employeur déterminé à réduire drastiquement leurs salaires et conditions de travail. La direction de Quebecor exige une augmentation de la semaine de travail de 35 à 37,5 heures sans augmentation de salaire; une baisse des jours de congé et de vacances ainsi que la levée du plafond de 15% sur la sous-traitance. Ces demandes ont été rejetées par un vote massif à 99% en faveur du déclenchement de la grève. Quelques jours après le début du conflit, Quebecor annonçait la vente de son service technique et le transfert de ses 649 techniciens à Alentron, une entreprise créée juste avant le déclenchement de la grève pour «cueillir» les techniciens et reprendre en sous-traitance le service d'entretien de Vidéotron. Cette transaction a été décriée par Henri Massé, président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), à laquelle est affilié le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente les employés de Vidéotron. Mais Alentron est une filiale de la compagnie Entourage, créée en 1996 par le Fonds de solidarité de la FTQ, après que la compagnie de téléphone Bell Canada se soit débarrassée de ses 1000 techniciens à l'entretien. Ces derniers furent embauchés par Entourage pour faire le même travail, en tant que sous-traitants de Bell, mais avec une réduction importante de leurs salaires et conditions de travail. Pour la prochaine année, Vidéotron va maintenir les salaires actuels des techniciens chez Alentron. Par contre, leur semaine de travail va passer de 35 à 40 heures et dans un an, leurs salaires devront être renégociés avec la direction d'Alentron. Il est à prévoir qu'ils seront ramenés à parité avec les techniciens d'Entourage, et donc réduits dans certains cas de plus de moitié (de $17 à $29 l'heure, aux $12 que reçoivent les techniciens d'Entourage). La direction de Quebecor maintient que les concessions qu'elle exige lui sont dictées par les besoins de la compétitivité mondiale: «Le monde a changé nos concurrents sont extrêmement compétitifs», a déclaré Luc Lavoie, porte-parole de Quebecor. Vidéotron a été acheté par Quebecor pour la somme record au Québec de 4,9 milliards de dollars en plein boom des point com. En plus de ce prix élevé, Quebecor devra investir des sommes colossales pour moderniser son réseau et lui faire prendre le virage de la technologie du numérique. L'effondrement de la bourse au cours de la dernière année, et les attentes de profits mirobolants non réalisés, ont transformé l'achat de Vidéotron par Quebecor en boulet financier. L'énorme taux d'endettement de la compagnie, et la concurrence féroce à l'échelle du globe dans le domaine des télécommunications pour attirer les capitaux, sont à la base du conflit actuel. Ce conflit oppose les employés de Vidéotron, non seulement à Quebecor, mais aussi au gouvernement du Québec, qui contrôle une partie de Vidéotron par l'intermédiaire de la Caisse de dépôt et de placement. Comme l'a expliqué Pierre Dupuis, directeur du SCFP et vice-président de la FTQ: «En voulant éviter à tout prix que Vidéotron ne soit vendue à Rogers Communications [une compagnie ontarienne], la Caisse est allée chercher Pierre Karl Péladeau pour créer, avec lui, Quebecor Média, qui a ensuite acheté Vidéotron et TVA [une station de télévision privée]. Dans cette aventure, la Caisse a englouti près de 3 milliards de dollars.» L'utilisation de la sous-traitance, l'intransigeance de l'employeur, et un climat de travail déjà tendu ont envenimé la situation sur les lignes de piquetage. Ce qui a donné l'occasion à la direction de Vidéotron de demander, et d'obtenir, une injonction limitant le nombre de grévistes sur les lignes. Face à cette offensive lancée par Quebecor, la seule stratégie offerte par la direction syndicale est de faire appel, non pas aux milliers de travailleurs employés par Quebecor au Canada et dans le monde, mais aux tribunaux et au gouvernement du Québec - des forces inféodées au grand patronat et qui, dans le conflit de travail actuel, ont pesé de tout leur poids du côté de Quebecor. La bureaucratie syndicale a essayé de défendre son appel aux tribunaux en rappelant sa prétendue «victoire» obtenue en Cour pour les chauffeurs de camion des épiceries Métro qui avaient aussi été vendues. Mais cette saga judiciaire a duré plus de dix ans, plusieurs chauffeurs sont morts de vieillesse, et d'autres se sont suicidés devant le cul-de-sac dans lequel ils avaient été entraînés. Ces derniers jours, c'est l'appel à l'aide au gouvernement, notamment via une campagne de pétitions, qui domine les activités du syndicat. «Le SCFP exige que la Caisse de dépôt et le gouvernement du Québec sortent de leur mutisme et condamnent l'utilisation de briseurs de grève et le démantèlement de Vidéotron auxquels se livre Quebecor», a déclaré le président du syndicat, Pierre Dupuis. En faisant appel à des forces qui sont partie prenante de l'assaut patronal sur les employés de Vidéotron, et qui vont en bénéficier financièrement, les syndicats conduisent une fois de plus les travailleurs vers une défaite. Les emplois et les conditions de travail des membres de base, sans parler des travailleurs en général, n'entrent aucunement dans les préoccupations de la bureaucratie syndicale. Celles-ci sont toutes autres, comme on peut le voir dans le communiqué suivant, émis le 13 juin par le SCFP: «[A]u cours des 25 dernières années, les gouvernements successifs ont créé chez nous un véritable "modèle québécois". Ce modèle repose, entre autres, sur la loi anti-briseurs de grève et diverses politiques qui assurent une certaine paix sociale et facilitent les relations de travail harmonieuses. Pour le SCFP, Quebecor, par toutes ses actions, remet en question le consensus social au Québec». Afin de maintenir ses nombreux privilèges, la bureaucratie syndicale veut convaincre le grand patronat de sa capacité d'assurer la «paix sociale» et des «relations de travail harmonieuses». Pour ce faire, elle vise à bloquer toute véritable mobilisation des travailleurs qui remette en question les exigences anti-ouvrières et anti-sociales des marchés financiers. C'est pourquoi elle cherche à mener les grévistes de Vidéotron dans le cul-de-sac des protestations futiles adressées au gouvernement pro-patronal.
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