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Grève au port de Montréal : le gouvernement du Québec passe une loi draconienne de retour au travail

Par Jacques Richard
6 novembre 2000

Le gouvernement du Québec a adotpé jeudi le 2 novembre une loi spéciale ordonnant le retour au travail de 1200 camionneurs du port de Montréal en grève depuis deux semaines, ainsi que la levée immédiate des lignes de piquetage bloquant l'accès au port.

La loi prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à $1000 par jour par travailleur, jusqu'à $7000 pour un représentant syndical, et jusqu'à $125 000 pour leur syndicat (CSN); les agents de police peuvent saisir les camions de ceux qui refusent de se plier à la loi; et les employeurs ont l'autorisation explicite de licencier ceux qui ne rentrent pas au travail.

En d'autres mots, des centaines de camionneurs risquent de perdre leur gagne-pain pour avoir osé prendre position pour améliorer leurs conditions de travail, dans un domaine où l'absence de règles établies et la prolifération d'intermédiaires les rend totalement à la merci des grandes entreprises déterminées à réduire au minimum leurs coûts de transport.

La férocité de la loi de retour au travail serait, à elle seule, un motif d'inquiétude en ce qui a trait à la protection d'un droit aussi élémentaire que celui de porter à l'attention du grand public la situation intolérable qu'endure une couche importante de la population.

D'autant plus que le gouvernement Bouchard montre depuis quelque temps une tendance, pour ne pas dire un réflexe primaire, à sortir le gros bâton au moindre signe d'opposition de la part des travailleurs. Mentionnons entre autres l'adoption en été 1999 d'une loi spéciale pour briser une grève des infirmières québécoises, ou les mesures musclées, allant jusqu'à des arrestations illégales, prises l'automne dernier contre un précédent mouvement de protestation des camionneurs.

Ces dernières mesures avaient d'ailleurs en ce temps-là poussé la Ligue des droits et libertés à condamner les « méthodes abusives du gouvernement québécois à l'endroit des camionneurs. () Dans une société libre et démocratique, la liberté d'expression inclut le droit de faire passer un message à la population au moyen de manifestation pacifique, de piquetage, de distribution de tracts. () Nier les libertés fondamentales par ordonnance judiciaire et ordonner d'arrêter et d'emmener toute personne en train de poser de telles actions n'a pas de place dans une société dite libre et démocratique ».

L'arbitraire gouvernemental avait alors atteint le niveau grotesque de policiers infligeant une contravention de $150 à un automobiliste sympathisant qui avait klaxonné pour saluer des camionneurs garés aux abords d'une route.

Dans le conflit actuel impliquant plus d'un millier de camionneurs au port de Montréal, le premier ministre Bouchard a cherché à justifier le passage d'une loi spéciale en alléguant que « ce n'est pas un conflit de relations de travail ou une grève dans le vrai sens du mot ». Mais un simple survol de l'histoire de ce conflit démontre que ces travailleurs ont été acculés à de tels moyens de pression par l'intransigence de leurs employeurs et la complicité du gouvernement.

Les conditions intolérables que vivent actuellement les travailleurs de l'industrie du camionnage tirent leurs origines de la déréglementation générale imposée par le gouvernement fédéral en 1988. Depuis cette date, les grandes entreprises manufacturières se sont délestées à la fois de leurs entrepôts et de leurs flottes de camions, refilant ainsi la facture de leurs coûts de transport et d'entreposage aux petits entrepreneurs indépendants.

Il en a résulté pour ceux-ci un allongement considérable des heures de travail, afin de compenser le fait qu'ils ne sont pas payés pour les heures (de 33 à 43 par semaine selon l'American Truck Load Association) qu'ils font à attendre le chargement et le déchargement de leurs véhicules. Ainsi, 32 % des camionneurs travaillent plus de 60 heures, et 37 % plus de 70 heures par semaine, selon une étude du Camo-route.

De plus, il a été évalué que la rémunération des camionneurs propriétaires est inférieure au salaire horaire minimum. Les prix payés actuellement pour un voyage sont sensiblement les mêmes que ceux d'il y a 10 ans, et une part est déduite par les intermédiaires. Ces revenus déjà insuffisants ont subi une nouvelle ponction suite à la hausse vertigineuse du prix du fioul et le refus net des compagnies de transport d'absorber même une fraction des coûts additionnels.

Ce sont de telles conditions qu'ont vivement dénoncées l'automne dernier les camionneurs du Québec, ainsi que leurs confrères à travers le Canada, au moyen de manifestations et de blocus routiers. Mais le gouvernement péquiste a préférer faire la sourde oreille et utiliser la ligne dure pour réduire au silence les protestataires.

À ce moment, comme l'a reconnu le vice-président de la CSN Roger Valois, « la CSN et son Syndicat national du transport routier ont grandement contribué à canaliser, aux prix d'immenses efforts, une situation explosive dans un cadre de négotiation récemment confirmé par les recommandations du ministre Chevrette et qui sera bientôt l'objet d'un projet de loi. »

En d'autres mots, les syndicats ont détourné les camionneurs de la seule véritable voie qui s'offrait à eux, celle d'un appel direct à tous les travailleurs, en faveur d'un appel illusoire à un gouvernement qui avait déjà fait la preuve qu'il était entièrement voué aux intérêts de la grande entreprise et des marchés financiers.

Comme il fallait s'y attendre, le projet de loi 135 a tout simplement ignoré la revendication essentielle des camionneurs indépendants, à savoir qu'ils soient considérés comme des salariés et protégés par les lois du travail, en particulier le droit à une convention collective qui pourrait fixer un taux horaire, une semaine de travail de 40 heures et une rémunération obligatoire pour le temps supplémentaire.

Les quelque 40 compagnies de transport concernées ont ainsi reçu du gouvernement un feu vert pour la poursuite de leur campagne consistant à contester systématiquement en cour, et à faire traîner en longueur, les demandes d'accréditation syndicale déposées par la CSN au nom d'une grande partie des camionneurs du port.

Ces compagnies sont allées jusqu'à congédier les camionneurs impliqués dans la tentative de syndicalisation et à encourager leurs remplaçants à se joindre au syndicat rival des Teamsters, dans une tentative flagrante de diviser les travailleurs.

Ainsi, l'histoire de ce conflit démontre clairement que le gouvernement du Québec, loin d'être l'arbitre neutre et intéressé au bien commun pour lequel il veut se faire passer, a agi tout au long en tant que complice des compagnies de transport.

Après avoir barré aux camionneurs du port de Montréal toute voie légale à la formulation de leurs revendications, en premier lieu le droit à la syndicalisation, le gouvernement les accuse maintenant de ne pas suivre les mécanismes prévus par la loi et met en branle son arsenal répressif pour les bâillonner, les punir et les acculer à la faillite.

Cet assaut frontal mené par le gouvernement péquiste sur les droits syndicaux porte aussi un rude coup à la tentative des chefs syndicaux du Québec, en cette période d'élections nationales, de rallier leurs membres, sous la bannière de plus en plus discréditée des soi-disant intérêts communs de tous les Québécois, derrière le Bloc Québécois, le pendant au niveau fédéral du Parti Québécois pro-patronal.

 

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