Lors de conférences prononcées aux universités de Glasgow en Écosse
et Cardiff au Pays de Galles, David North, le président du comité de rédaction
du World Socialist Web Site, a contesté la falsification du rôle
historique de Léon Trotsky contenue dans deux récentes biographies rédigées par
les historiens britanniques Ian Thatcher et Geoffrey Swain.
North débuta la conférence, intitulée « En défense de
Léon Trotsky : une réplique à l’école postsoviétique de
falsification », en soulignant qu’il s’était écoulé
soixante-dix ans depuis le point culminant de la terreur stalinienne, qui avait
pour but de détruire ce qui restait de la pensée politique et de la culture
marxistes en Union soviétique.
« Même après 70 ans, le nombre de personnes tuées par le
régime stalinien en 1937-38 n’a pas été clairement établi et fait toujours
l’objet d’un débat. Selon une analyse récente du professeur Michael
Ellman de l’Université d’Amsterdam, la “meilleure évaluation
du nombre de morts dues à la répression en 1937-38 que l’on puisse faire
se situe entre 950 000 et 1,2 million, c’est-à-dire environ un
million”. »
« Quiconque a étudié les origines de la terreur
stalinienne et sérieusement pesé ses conséquences n’est porté à
sous-estimer les implications politiquement réactionnaires et socialement
destructrices de la falsification historique », a déclaré North.
« Nous savons d’après l’exemple de
l’Union soviétique que le processus politique qui s’est
d’abord manifesté par la falsification de l’histoire de la
Révolution russe s’est par la suite intensifié pour prendre la forme
d’une extermination massive des révolutionnaires russes. »
Les mensonges et calomnies staliniennes étaient d’abord
et avant tout dirigés contre Léon Trotsky et ceux qui l’appuyaient.
Trotsky, le codirigeant de la Révolution russe avec Lénine, avait mené une
brillante campagne militaire en tant que chef de l’Armée rouge pour
défendre le tout jeune Etat ouvrier contre les armées impérialistes et les
réactionnaires russes qui lui avaient fait la guerre au lendemain de la
révolution. Plus tard, alors que la bureaucratie stalinienne cherchait à
consolider son emprise sur le pouvoir, elle chercha à dépeindre Trotsky comme
un agent de diverses puissances impérialistes et fascistes.
North a cité ces paroles de Trotsky : « Afin de
justifier ses privilèges, l’élite dirigeante pervertit la théorie qui a
pour but l’élimination de tous les privilèges. Ainsi, le mensonge forme
le ciment idéologique fondamental de la bureaucratie ».
Cependant, certains libéraux et gauchistes de l’Occident
étaient prêts à croire les mensonges staliniens.
North a expliqué qu’il s’est écoulé près de deux
décennies avant que « l’édifice de mensonges érigé lors des Procès
de Moscou » ne commence à s’effondrer, mentionnant le discours
« secret » prononcé par le dirigeant soviétique Nikita Khrushchev en
1956, qui reconnaissait le caractère criminel de la terreur stalinienne.
North a attiré l’attention sur d’importants
ouvrages produits durant les années 1950, 1960 et 1970 par l’historien
E.H. Carr ainsi que d’autres, et la biographie en trois volumes de
Trotsky par Isaac Deutscher, qui contestaient les falsifications staliniennes
sur la base des faits historiques objectifs.
« La signification durable de leurs efforts
collectifs... est qu’ils ont contribué significativement à la réfutation
des mensonges, des distorsions et des demi vérités qui ont masqué durant tant
de décennies l’histoire de la Révolution russe et de l’Union
soviétique », a affirmé North.
La principale partie de la conférence de North a été consacrée
à démasquer ce qu’il a appelé « l’école postsoviétique de
falsification de l’histoire ».
« L’objectif principal de cette école est de
discréditer Léon Trostsky en tant que figure historique significative, de nier
le fait qu’il représentait une alternative au stalinisme, et
d’insinuer que son héritage politique ne contient rien de pertinent pour
aujourd’hui ou de valeur pour l’avenir. »
North a expliqué que bien que chaque historien ait le droit
d’avoir son propre point de vue, « ce point de vue doit être fondé
sur une attitude de principe, sérieuse et honnête envers la compilation des
faits et la présentation des preuves appuyant telle ou telle interprétation
historique. »
« C’est cette qualité essentielle qui est absente
de façon déplorable dans les deux nouvelles biographies sur Léon Trotsky, écrites
par le professeur Geoffrey Swain et le professeur Ian Tatcher. »
Une analyse détaillée a suivi, mettant à nu les falsifications
contenues dans les deux livres, durant laquelle le conférencier a attiré l’attention
sur le contraste entre les efforts déployés par les auteurs pour dénigrer et
minimiser Trotsky, et leur apologie ouverte des actions de Staline.
En conclusion à sa présentation, North a abordé la
signification objective des deux biographies. Le discrédit quasi universel de
tous les principaux partis, particulièrement ceux traditionnellement associés
au mouvement ouvrier, va inévitablement soulever la question de
l’alternative politique.
Dans ces conditions, un regain d’intérêt pour la vie et
l’œuvre de Léon Trotsky est inévitable. « C’est ce qui
c’est produit durant la dernière grande vague de radicalisation des
travailleurs et des étudiants. Les sections les plus sensibles de la
bourgeoisie reconnaissent ce danger et le craignent. C’est la raison pour
laquelle de distinguées maisons d’édition comme Routledge et Longman
publient des œuvres comme celles de Swain et Tatcher. Nous sommes, comme
vous le savez, dans l’ère de la guerre préventive, et ces livres
représentent une frappe préventive contre la réapparition du trotskysme.
North a souligné comment le mensonge a été utilisé pour
préparer l’opinion publique à la guerre en Irak. « Les “armes
de destruction massive” étaient un mensonge qui a déjà entraîné la mort
de centaines et de milliers de gens.
« L’avenir même de la planète est en jeu si
l’on ne trouve pas de réponse à la crise du système capitaliste mondial. L’étude
de l’histoire doit jouer un rôle central dans la découverte des réponses
requises. Mais comment peut-on étudier l’histoire si elle est truquée et
falsifiée? La jeunesse d’aujourd’hui a besoin de vérité, car la
découverte de la vérité objective est le moteur intellectuel du progrès
humain. »
La conférence, qui sera publiée sur le World Socialist Web
Site, a reçu un accueil chaleureux et sérieux des jeunes auditoires, composés
d’étudiants, de chercheurs et de travailleurs à Glasgow et Cardiff.
Un étudiant a suggéré que chaque événement politique était
unique et a demandé s’il était possible d’appliquer les leçons précédentes
de l’histoire. North a dit que malgré les nombreux changements survenus,
les grandes questions de l’époque restaient les mêmes.
« La contradiction entre l’économie mondiale et le
système d’Etats-nations, entre la propriété privée des moyens de
production et la production sociale, l’éruption de la guerre
impérialiste, les inégalités sociales montantes et les problèmes de la
bureaucratie demeurent les mêmes », a expliqué North. « Tous ces
problèmes donnent aux écrits de Trotsky une extraordinaire signification
contemporaine. C’étaient les questions qui ont dominé le début du
vingtième siècle et qui continuent de projeter leur ombre menaçante sur les
événements politiques de ce siècle. »