Mercredi, dans leur témoignage
devant le comité du Sénat, les chefs civils et militaires du Pentagone ont
confirmé qu'ils étaient en train de préparer des plans de guerre contre la
Syrie à la demande de la Maison Blanche et d'Obama.
Les déclarations faites par le
Secrétaire à la Défense, Leon Panetta, et le président du conseil d'état-major interarmées
américaines, le général Martin Dempsey, sont survenues à un moment où les
preuves s'accumulaient que Washington et ses alliés clés européens, tout en
collaborant avec les régimes monarchiques de droite d'Arabie saoudite et du
Qatar, étaient en train d'intensifier une intervention secrète dans le but de
provoquer un changement de régime en Syrie.
La majeure partie de la
couverture médiatique du témoignage de mercredi s'est concentrée sur
l'intervention chauvine du sénateur de l'Arizona, John McCain, ancien candidat républicain
à l'élection présidentielle. Il exige des frappes aériennes contre la Syrie
pour établir des « zones refuges » dans lesquelles les groupes armés
soutenus par l'Occident peuvent préparer des frappes militaires contre le
gouvernement du président syrien Bachar al-Assad.
« Combien de civils doivent
encore perdre leur vie avant de vous convaincre que des mesures militaires telles
que nous les proposons sont nécessaires pour mettre fin aux meurtres et
contraindre Assad de quitter le pouvoir ? » a demandé McCain à
Panetta.
Le secrétaire à la Défense a répondu
en affirmant, « Nous sommes du même avis à ce sujet. » Il a insisté
en disant que le Pentagone « passait en revue toutes les mesures
supplémentaires possibles pouvant être prises » pour accélérer la chute du
régime Assad, « y compris des options militaires éventuelles, si
nécessaire. »
Le général Dempsey a mis en garde
qu'une intervention américaine en Syrie serait bien plus difficile que la
guerre de l'OTAN en Libye compte tenu du « mélange démographique, ethnique
et religieux très différent » du pays. Il a toutefois assuré au panel du
Sénat, « Si nous étions amenés à défendre les intérêts américains, nous
serions prêts. » Le président du conseil d'état-major interarmées a ajouté
que les opérations militaires envisagées comprenaient l'imposition d'une
« zone d'exclusion aérienne », l'ouverture d'un « corridor
humanitaire, » un blocus naval du littoral syrien et des frappes
aériennes.
Panetta et Dempsey ont tous deux
répété les déclarations faites la veille lors de la conférence de presse tenue
par Obama à la Maison Blanche comme quoi ce serait une « erreur » que
d'« entreprendre une action militaire unilatérale. »
Aucun d'eux n'a toutefois
mentionné une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant le recours
à la force militaire comme condition préalable à une intervention militaire en
Syrie.
Un responsable anonyme de haut
rang du département de la Défense a clairement dit à la chaîne de télévision
CNN que le gouvernement ne considérait pas qu'une résolution de l'ONU - qui jusque-là
a été bloquée par la Russie et la Chine exerçant tous deux un droit de veto au
Conseil de sécurité - était indispensable. « Un quelconque mandat d'une
organisation régionale » pourrait suffire, a précisé le haut responsable,
ou une couverture multilatérale pour une intervention américaine telle la
« coalition des volontaires » du gouvernement Bush rabibochée avant
la guerre en Irak.
La Turquie, qui accueille ce
mois-ci une conférence des « Amis de la Syrie » est particulièrement
importante à cet égard. Tout en s'opposant formellement à l'intervention
militaire d'une force militaire « extérieure à la région, » la
Turquie a réclamé la chute d'Assad et a exigé que la Syrie autorise l'ouverture
de « couloirs humanitaires. »
De la même façon, les Nations
unies ont planifié un « plan d'urgence » pour livrer une aide
alimentaire aux civils syriens. Le département d'Etat américain s'est servi de
ce plan qui exigeait « un accès immédiat, sûr et libre » à toutes
« les régions affectées » en Syrie.
En réponse, le ministre syrien
des Affaires étrangères, Walid al-Muallim, a dit que son gouvernement
s'opposerait à toute intervention étrangère. « Des corridors humanitaires
signifient des corridors militaires, » a-t-il dit. « Vous ne pouvez
pas avoir des corridors humanitaires sans protection militaire. »
Durant son témoignage, il fut
demandé à Panetta si les Etats-Unis fourniraient « des équipements de
communication » aux groupes armés qui cherchent à renverser le
gouvernement Assad. Panetta a répondu qu'il préférerait « discuter ceci
lors d'une session à huis clos, » tout en permettant au gouvernement d'« envisager
une suite de mesures d'assistance non létale. »
En fait, il y a une multitude de
rapports disant que le gouvernement américain est déjà allé bien au-delà de
tout ceci.
Dans un article paru mardi, le
magazine américain Foreign Policy a cité des responsables haut placés du
gouvernement qui ont confirmé qu'une réunion de la sous-commission du Conseil
de sécurité nationale des Etats-Unis avait déjà adopté une politique « pour
étendre l'engagement des Etats-Unis avec des militants syriens et leur donner
le moyen de s'organiser. »
« La politique américaine suit
à présent le principe de permettre à l'opposition de renverser le régime
Assad, » a dit un responsable au journal. « Ceci marque un changement
significatif de notre politique syrienne. »
Ce responsable a ajouté que des démarches
sont entreprises pour soutenir le comité militaire formé dernièrement par le
Conseil national syrien et que Washington considère comme étant une force
fantoche plus fiable que l'Armée syrienne libre. « Il y a une
reconnaissance que l'assistance létale à l'opposition pourrait s'avérer
nécessaire mais pas pour le moment, » a-t-il ajouté.
Mais un courriel
publié récemment par WikiLeaks et faisant
partie de documents internes obtenus de la société privée américaine de
renseignement Stratfor montre qu'une telle « assistance létale » existe
déjà depuis des mois.
Le courriel daté de décembre 2011
émanait de Reva Bhalla, le directeur de l'analyse chez Stratfor. Le courriel
décrit une réunion avec des agents du renseignement militaire au Pentagone et
comprenant un officier britannique et un officier français. Ces officiers qui
font partie d'un groupe d'études stratégiques des forces aériennes américaines
ont suggéré que « les équipes de SOF [forces d'opérations spéciales] sont
déjà sur le terrain et se concentrent sur la mission recce [reconnaissance] et
l'entraînement de forces de l'opposition. »
Selon Bhalla, les officiers ont
dit que l'objectif des équipes des forces spéciales était de « perpétrer
des attaques de guérilla, des campagnes d'assassinats, de tenter de faire
craquer les forces alaouites, et de provoquer l'effondrement de
l'intérieur. »
La veille de l'apparition de
Panetta et de Dempsey devant le comité des forces armées (Armed Services
Committee) du Sénat américain, le général James Mattis, le chef du Commandement
central (Centcom) qui supervise l'ensemble des forces américaines au
Moyen-Orient, s'est exprimé devant le même panel en donnant une évaluation
franche des objectifs américains en Syrie.
« Si nous devions proposer
des options, quelles qu'elles soient, pour accélérer la chute d'Assad, » a
témoigné Mattis, « ceci causerait beaucoup d'inquiétude et de
mécontentement à Téhéran. »
Déclarant que l'Iran était « la
menace la plus importante dans la région » Mattis a dit, « Pour
l'Iran, la chute d'Assad serait le plus grand revers stratégique de ces 20
dernières années. »
Les véritables méthodes et
objectifs de l'impérialisme américain se cachant derrière l'attitude de
Washington de défendre les civils en Syrie commencent à émerger clairement. Les
Etats-Unis mènent une campagne terroriste en Syrie dans le cadre de préparatifs
pour une intervention militaire directe.
Washington cherche à renverser
Assad non pas dans l'intérêt des droits humanitaires ou de la démocratie mais
pour promouvoir les intérêts stratégiques américains et affaiblir l'Iran, allié
de la Syrie, et que Washington considère être le principal obstacle à sa
tentative d'asseoir son hégémonie sur les régions riches en pétrole du Golfe
persique et d'Asie centrale. Ainsi l'escalade permanente de l'intervention
américaine en Syrie comporte des préparatifs pour une guerre bien plus vaste et
aux conséquences mondiales.