Les Etats du Golfe ont déclaré qu'armer
l'opposition syrienne était leur politique après l'avoir fait secrètement des
mois durant.
Jeudi, le ministre qatari, Sheikh
Hamad bin Jassim Al-Thani, a annoncé que la monarchie qatarie ferait dorénavant
« tout ce qu'il faut pour aider [l'opposition], y compris lui donner des
armes pour sa défense. » Cette annonce fut suivie par une autre disant que
la Libye mettait 100 millions de dollars à la disposition de l'opposition, de
l'argent qui sort très certainement des coffres du Qatar.
Le Qatar, en même temps que
l'Arabie saoudite, avait fourni une vaste quantité d'armement au Conseil
national de transition de la Libye en créant une force qui fut ensuite utilisée
comme mandataire par Washington et les puissances de l'OTAN.
La nouvelle politique de l'aide
militaire ouverte fut soutenue par le ministre des Affaires étrangères de
l'Arabie saoudite, Saud al-Faisal, et par le parlement du Koweït. La décision
visait tout d'abord à renforcer l'Armée syrienne libre (ASL) suite à la déroute
qu'elle avait endurée dans son bastion de Homs, à Baba Amr. Politiquement,
pourtant, l'objectif reste de garantir un soutien militaire complet de
Washington, Paris et Londres pour le renversement du régime de Bachar al-Assad.
Les Etats-Unis, la France et le
Royaume Uni ont tous déclaré leur soutien à un changement de régime. Mais, ils
ont été consternés par le manque de soutien en faveur de l'opposition dans les
principaux centres urbains de Damas et d'Alep et par les capacités militaires
limitées des groupements oppositionnels indisciplinés et disparates dominés par
les islamistes sunnites et dirigés par les Frères musulmans en incluant des
forces de type al-Qaïda.
Le renforcement de l'armement de
l'opposition est lié aux efforts visant à assurer le contrôle du mouvement par
le Conseil national syrien (CNS) et à convaincre les principales puissances que
la chute d'Assad leur donnera ce qu'elles veulent - l'isolement de l'Iran -
sans provoquer le genre d'instabilité à long terme et de conflit sectaire qui
ont suivi la chute de Saddam Hussein en Irak.
Le CNS a coordonné son annonce mercredi
dernier concernant la formation d'un nouveau bureau militaire pour resserrer
les liens avec l'ASL. La décision fut annoncée par le président du CNS, Burhan
Ghalioun lors d'une conférence de presse. Le bureau sera « libre de demander
expertise et assistance comme bon lui semble, » a dit le CNS.
Vingt membres influents du CNS au
moins avaient précédemment formé le Groupe patriotique syrien pour soutenir
« l'effort national visant à renverser le régime avec tous les moyens de
résistance disponibles, y compris le soutien à l'Armée syrienne libre. »
Pendant des mois, des armes ont
été fournies à l'ASL et au CNS, y compris de la part des puissances
occidentales. Lors de la conférence des Amis de la Syrie le mois dernier en
Tunisie, la porte-parole du CNS, Bassma Kodmani, avait dit que plusieurs pays,
qu'elle refusa de nommer, fournissaient de l'équipement à l'ASL dont une
technologie des communications militaires, des vestes pare-balles et des
lunettes de vision nocturne, ainsi que des armes meurtrières.
Les centaines de millions dont on
parle à présent publiquement seront utilisés pour fournir du matériel militaire
lourd afin de faciliter l'intention déclarée de l'ASL de découper une
« zone refuge » près de la frontière turque et qui nécessitera ensuite
une protection militaire allant dans le sens d'initiatives identiques et préparatoires
aux guerres en Libye, en Irak et dans l'ancienne Yougoslavie.
Un rôle clé devra être joué par
la Turquie qui abrite à la fois le CNS et le commandement pour l'heure quelque
peu nominal de l'ASL dirigée par le colonel Riad al-Assad. Le colonel Assad a
dit au Financial Times, « Si nous avions des missiles antichars,
nous pourrions imposer un abri sûr et envahir une région. »
La Turquie a une nouvelle fois
renforcé ses attaques rhétoriques contre le régime Assad et le ministre turc
des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a comparé les événements syriens avec
la « situation à Srebrenica » en 1995. Il s'était exprimé samedi aux
côtés du ministre italien des Affaires étrangères, Guilio Terzi. Le meurtre de
Musulmans de Bosnie par la Serbie fut désigné plus tard d'acte de génocide.
Davutoglu en a appelé à la communauté internationale pour prendre des mesures y
compris fournir une aide militaire aux forces de l'opposition.
La Turquie a indiqué à plusieurs
reprises qu'elle consentait à mener une campagne militaire contre la Syrie mais
a réclamé au préalable le soutien officiel de l'OTAN - ce que l'OTAN n'a pas fait
jusque-là.
L'irritation entre les puissances
régionales et les impérialistes est compréhensible compte tenu de l'importance
de l'enjeu. Un changement de régime en Syrie est considéré comme le premier
jalon vers l'élimination de l'Iran en tant qu'adversaire régional et, ce
faisant, coupant l'accès aux richesses pétrolières de la région à la Russie et
à la Chine. Malgré leurs réserves et une certaine précaution et dissimulation
requises, les principales puissances sont lourdement impliquées dans la
campagne de déstabilisation du régime baathiste d'Assad.
Vendredi, le président Nicolas
Sarkozy a appelé à la mise en place d'une zone humanitaire près de la frontière
syrienne comme celle réclamée par l'ASL et le CNS, dans le même temps il fermait
l'ambassade de France en Syrie. « Nous ne ferons rien tant qu'il n'y aura
pas une résolution du Conseil de sécurité, » a-t-il affirmé et qui
établirait « les conditions juridiques d'un cran supplémentaire, que ce
soit les zones humanitaires, les livraisons d'armes pour l'opposition, des
corridors. »
Légalement ou pas, la France veut
clairement les trois objectifs - une zone tampon, des couloirs humanitaires et
l'armement de l'opposition - et oeuvre dans ce sens.
Il est significatif de noter que
lundi, le journal libanais Daily Star a rapporté, qu'« environ 13
officiers français étaient détenus par les autorités syriennes. en détention
dans la ville centrale de Homs ». Le journal britannique le Daily
Telegraph a fait état d'un démenti officiel du ministère français des
Affaires étrangères mais a ajouté que « le ministère de la Défense avait
été moins catégorique disant n'avoir ni confirmé ni nié l'affirmation. »
Tous les moyens possibles sont
employés pour encourager Moscou et Beijing à prendre leur distance par rapport
à Assad et pour mettre fin à leur opposition à la résolution du Conseil de
sécurité de l'ONU qui ouvre la voie à la guerre au motif de la
« responsabilité de protéger. »Tous deux ont réitéré leur opposition
à une intervention militaire. Néanmoins, les médias pro-guerre n'ont pu cacher
leur joie lorsque Vladimir Poutine a déclaré vendredi « Nous n'avons
aucune relation particulière avec la Syrie. »
Ses commentaires étaient survenus
lorsque le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Alexander
Lukashevich, a dit que la Russie ne fournirait pas d'aide militaire à la Syrie
si elle était attaquée - comme l'exige les dispositions du traité remontant à
l'existence de l'Union soviétique.
La Russie et la Chine ont également
souscrit à la déclaration du Conseil de sécurité demandant à la Syrie de laisser
entrer dans le pays la coordonnatrice des secours d'urgence des Nations unies,
la baronne Valerie Amos, et d'autoriser « un accès libre, total et
immédiat du personnel humanitaire aux populations dans le besoin. »
Dans une démarche profondément
embarrassante pour les Etats du Golfe et d'autres promoteurs de l'opposition
syrienne, le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a dit
à la radio militaire qu'Israël était « prêt à fournir toute aide
humanitaire nécessaire » via la Croix Rouge internationale (ICRC). Il l'a
dit tout en citant la Syrie comme preuve qu'Israël ne peut compter sur personne
d'autre pour se protéger contre l'Iran et qu'en cas d'attaque contre Téhéran,
le gouvernement israélien « prendra les décisions les plus appropriées en
fonction de son évaluation de la situation. »