Le massacre de plus d'une centaine de
personnes à Houla est utilisé par les Etats-Unis, les autres puissances
occidentales et les Etats du Golfe pour intensifier leur décision en faveur
d'un changement de régime en Syrie. Trente-deux enfants et 34 femmes figurent
parmi les morts de vendredi, d'après les Nations unies.
S'exprimant hier sur Fox News, le chef
d'état-major des armées américaines, le général Martin Dempsey, a dit,
« Bien sûr, il y a toujours une option militaire. nous pourrions y
recourir en Syrie à cause des atrocités. »
Ses commentaires font suite à une série
de déclarations belliqueuses de Washington. La secrétaire d'Etat américaine,
Hillary Clinton, a dit, « Les Etats-Unis travailleront avec la communauté
internationale pour intensifier notre pression sur [le président syrien Bachar]
Assad et ses acolytes dont le règne par le meurtre et la crainte doit
cesser. » La Maison Blanche a qualifié l'attaque contre Houla de
« vil témoignage d'un régime illégitime. »
Le Conseil de coopération du Golfe, mené
par l'Arabie saoudite et le Qatar, réclame également, une fois de plus, une
intervention militaire directe. Le Koweït, qui dirige actuellement la Ligue
arabe, a annoncé qu'il demandait une réunion ministérielle pour « prendre
des mesures afin de mettre fin aux pratiques répressives exercées contre le
peuple syrien. »
L'Armée syrienne libre (ASL), basée en
Turquie, financée et organisée par Washington et ses alliés, a déclaré qu'elle
n'était plus liée par la trêve négociée par l'ancien secrétaire général des
Nations unies, Kofi Annan. Elle a publié un communiqué disant qu'à « moins
que le Conseil de sécurité de l'ONU ne prenne des mesures urgentes pour la
protection des civils, le plan Annan est condamné. »
Le Conseil national syrien (CNS) soutenu
par l'Occident a fait appel au Conseil de sécurité des Nations unies pour
convoquer une réunion d'urgence et prendre des décisions contraignantes afin de
« protéger le peuple syrien » en invoquant le Chapitre VII qui autorise
le recours à la force.
Le gouvernement Obama a, à ce jour,
limité ses efforts visant à déstabiliser le régime Assad à un soutien secret de
forces se basant sur les Sunnites et agissant par procuration, tels l'ASL et le
CNS. Mais, il cherche à capitaliser sur les événements tragiques survenus à
Houla pour obtenir le soutien politique nécessaire à une intervention directe.
Ceci signifie soit chercher l'appui de la Russie, soit neutraliser l'opposition
de Moscou à toute décision d'évincer Assad.
Dimanche, le Conseil de sécurité a
approuvé à l'unanimité une déclaration non contraignante condamnant le massacre
de Houla « lors d'attaques impliquant une série de tirs d'artillerie et de
chars contre un quartier résidentiel. » La déclaration a poursuivi en
condamnant « les meurtres de civils par des tirs à bout portant et de
graves exactions physiques. »
De nettes différences demeurent
néanmoins. Moscou craint qu'un changement de régime ne la prive de sa
principale base au Moyen-Orient en garantissant une hégémonie incontestable des
Etats-Unis sur la région riche en pétrole avec l'encerclement de l'Iran chiite
par une ceinture de régimes sunnites favorables à Washington.
Le ministre russe des Affaires
étrangères, Sergei Lavrov, a dit hier lors d'une conférence de presse en
compagnie du ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, qu'il
souhaitait que Damas règle ses problèmes « sans ingérence
étrangère. »
Il a poursuivi en disant: « Les
deux parties ont à l'évidence été impliquées dans la mort de gens innocents,
dont plusieurs dizaines de femmes et d'enfants. Ce secteur est contrôlé par les
rebelles mais est aussi encerclé par les troupes gouvernementales. » Il ne
fait pas de doute que les forces gouvernementales ont utilisé l'artillerie et
les chars pour bombarder Houla, a-t-il dit, mais de nombreuses victimes
semblent avoir été tuées à bout portant ou torturées.
Le gouvernement Assad « porte la
principale responsabilité pour ce qui se passe, » a-t-il ajouté, mais il
était confronté à des terroristes dont les bombardements portent
« clairement la signature d'Al Qaïda. »
Publiquement, le gouvernement Obama
concentre ses efforts pour l'obtention de l'appui de la Russie en vue d'un
départ progressif d'Assad, inspiré par le transfert de pouvoir au Yémen. Le
sénateur républicain John McCain a accusé Obama d'adopter une politique
étrangère « inepte » en négociant avec la Russie alors que
l'adversaire républicain d'Obama dans les élections présidentielles, Mitt
Romney, insiste pour que les Etats-Unis « collaborent avec des partenaires
pour organiser et armer les groupes d'opposition syriens de façon à ce qu'ils
puissent se défendre eux-mêmes. »
Obama hésite à lancer le genre
d'offensive directe dirigée par l'OTAN et menée l'année dernière en Libye.
Mais, ses critiques républicains ne font que dire ouvertement ce que la Maison
Blanche est déjà en train de faire secrètement dans ce qui pourrait bientôt
devenir une guerre totale par procuration menée au nom de l'Amérique par la
Turquie et les régimes du Golfe.
Rien de ce qui est dit par les
principales puissances ou médias de masse sur Houla et la guerre civile en
Syrie ne peut être pris au sérieux. Houla est présenté de façon à remplir la
même fonction politique que les atrocités perpétrées dans l'ancienne
Yougoslavie et ailleurs en fournissant une justification pour une intervention
impérialiste.
Pour commencer, il n'existe pas même de
compte rendu complet des événements en soi et qui sont contestés.
Le porte-parole du ministère syrien des
Affaires étrangères, Jihad Maskdissi, a dit que les combats avaient débuté
après que des « centaines de tireurs lourdement armés et portant des
mitrailleuses, des mortiers et des missiles antichars, » ont lancé une
attaque contre cinq positions de l'armée syrienne, attaque qui a duré neuf
heures. Trois soldats sont morts et 16 autres blessés. Accusant les terroristes
pour les morts qui s'ensuivirent, il a dit que durant le conflit, « Des
enfants, des femmes et d'autres gens innocents ont été tués chez eux et ce
n'est pas ce que l'armée syrienne fait. La méthode pour tuer a été
brutale. »
Les militants de l'opposition ont admis
des affrontements entre l'armée et les insurgés mais accusent les miliciens
« Shabiha » pro-régime pour ces morts.
Le chef de la mission d'observation de
l'ONU en Syrie, le général Robert Mood, a publié un rapport déclarant que
« des obus d'artillerie et de chars ont été tirés sur un quartier
résidentiel, » tout en reconnaissant que des blessures occasionnées par
des tirs à bout portant, des coups de poignards et de « graves exactions
physiques » étaient les causes principales des décès.
Mood est cité pour avoir dit,
« Tout ce que j'ai pu apprendre sur le terrain en Syrie. c'est qu'il ne
faut pas que je tire des conclusions hâtives. »
Il convient aussi de rappeler que les
médias et les politiciens occidentaux ont réagi aux précédentes atrocités, tels
les attentats à la voiture piégée du 10 mai à Damas qui a tué 55 personnes,
avec beaucoup moins d'indignation et une plus grande prudence quand il s'est
agi d'en répartir la responsabilité. A l'époque, ils s'étaient accordés pour
que ces attaques et d'autres identiques ne soient pas présumées être l'oeuvre
d'Al Qaïda et ont cité sans la moindre critique des accusations de l'opposition
selon lesquelles il s'agissait de provocations de la part du régime d'Assad. Et
pourtant, le 18 mai, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, a
déclaré publiquement et sans que ses commentaires aient été relayés par les
médias, « Je crois qu'Al Qaïda doit être derrière cet attentat. Cela crée
à nouveau de très graves problèmes. »
Les Etats-Unis et leurs alliés européens
et au Moyen-Orient sont totalement indifférents à ce qui s'est réellement passé
à Houla, tout comme ils le sont envers la souffrance en général des masses
syriennes. Comme l'a déclaré l'ambassadeur britannique, Mark Lyall Grant,
« Donc honnêtement, peu importe quelles sont les circonstances exactes de
cette atrocité. Le fait est que c'est une atrocité et qu'elle a été perpétrée
par le gouvernement syrien. »
La responsabilité finale de Houla
incombe à Washington et à ses alliés qui ont encouragé et armé une insurrection
sectaire sunnite consacrée au renversement du régime Assad et à son
remplacement par un gouvernement totalement subordonné à une alliance
stratégique au Moyen-Orient, dominée par les Etats-Unis.
L'unique réponse légitime au massacre de
Houla est de réitérer la demande que Washington et ses complices mettent un
terme à leurs intrigues et à leur subversion contre la Syrie. Il revient aux
masses des travailleurs et des paysans syriens de déterminer leur propre avenir
et de faire rendre des comptes politiques à la fois au régime bourgeois d'Assad
et aux forces bourgeoises sectaires qui dominent actuellement l'opposition
grâce à leurs promoteurs internationaux.