Suite à la manifestation de 150 000
personnes, mardi, en soutien aux étudiants québécois en grève et en opposition
à la loi draconienne 78 du gouvernement provincial libéral, l'État a intensifié
sa campagne de répression.
La police a arrêté près de 700
manifestants à Montréal et dans la ville de Québec mercredi soir.
La police de la ville de Québec a arrêté
176 personnes pour avoir manifesté en violation aux nouvelles restrictions
radicales imposées aux manifestations par la loi 78. Adoptée en moins de 24
heures tard la semaine dernière, la loi 78 rend toute manifestation illégale -
peu importe sa cause - à moins que les organisateurs ne fournissent à la police
l'itinéraire écrit et la durée de la manifestation huit heures d'avance, et
respectent tout changement exigé par la police.
À Montréal, la plupart des arrestations
se sont produites lorsque la police antiémeute s'en est pris soudainement à une
manifestation pacifique ayant duré trois heures, supposément parce que les
manifestants n'avaient pas suivi les instructions de la police quant à
l'endroit où ils devaient se diriger par la suite. Ayant utilisé la tactique du
« kettling » - un encerclement qui ne laisse aucune issue - contre
les étudiants, la police a arrêté les 450 personnes présentes. « L'action
rapide de la police a pressé de plus en plus la foule contre elle comme les
officiers avançaient, et des gens suppliaient de les laisser sortir », a
rapporté la Canadian Broadcasting Corporation. « Un photographe a été a
aperçu se faisant projeter au sol et on aurait entendu une pièce d'équipement
briser ».
Les gens arrêtés à Montréal n'ont pas
été accusés selon la loi 78, qui entraîne une amende minimale de mille dollars
pour une première infraction, mais plutôt selon un règlement municipal qui
impose des amendes moins radicales.
Aussi, mercredi, le ministre de la
Sécurité publique du Québec, Robert Dutil a indiqué que toutes les accusations
sous la loi 78 pourraient bientôt être portées contre l'association étudiante
CLASSE et ses dirigeants. La CLASSE (Coalition large de l'Association pour une
solidarité syndicale étudiante), qui représente environ la moitié des plus de
150 000 étudiants en grève, a juré de ne pas se soumettre à la loi 78. Peu
de temps après qu'ait débuté la manifestation de mardi, elle a mené des
dizaines de milliers d'étudiants sur un trajet différent de celui imposé
par la police.
« Cette loi doit être
appliquée » a dit Dutil, ajoutant que si la CLASSE « a décidé de ne
pas respecter la loi, elle devra vivre avec ». Dutil a aussi critiqué la
police de Montréal, qui a invoqué les dispositions de la loi 78 concernant
l'approbation préalable des manifestations pour justifier les dispersions
violentes d'étudiants, mais s'est abstenu d'accuser des personnes pour avoir
violé ses dispositions draconiennes.
Depuis que la loi 78 a été promulguée
vendredi dernier, la police à travers le Québec a arrêté bien au-delà de 1000
étudiants en grève et leurs sympathisants sous diverses accusations, dont la
participation à un rassemblement illégal ou la résistance une à arrestation.
Plusieurs personnes ont été accusées d'avoir porté un masque en manifestant. Le
même jour que l'Assemblée nationale du Québec a adopté la loi 78, le Conseil
municipal de Montréal, aussi réuni en session extraordinaire, a adopté un
nouveau règlement interdisant le port de toute forme de masque, y compris du
maquillage, un hijab ou un foulard.
Le gouvernement libéral espérait que la
loi 78 choque et intimide les étudiants, qui sont en grève depuis plus de 100
jours contre la hausse des frais de scolarité universitaires de 82 pour cent
sur sept ans par le gouvernement. Plutôt, la criminalisation des étudiants par
le gouvernement et son attaque générale sur le droit de manifester a galvanisé
l'opposition au gouvernement.
Un nombre significatif de travailleurs
ont participé à la gigantesque manifestation de mardi, bien que les délégations
syndicales officielles, qui incluent les enseignants, les cols bleus et les
travailleurs des transports publics, étaient relativement petites.
Au cours des derniers jours, des
protestations de soir, annoncées par des percussions de casseroles, se sont
tenues dans plusieurs quartiers ouvriers de Montréal.
Le gouvernement, qui s'était
initialement opposé à la tenue de nouvelles négociations avec les trois
fédérations étudiantes en disant qu'elles seraient vaines, prétend maintenant
outre ouvert à des pourparlers, même s'il soutient qu'il n'est pas question de
discuter de changements à la hausse des frais de scolarité ou à la loi 78. Les
associations étudiantes, la CLASSE comprise, ont fait savoir néanmoins qu'elles
étaient impatientes de reprendre les négociations avec le gouvernement. Des
discussions sont déjà en cours en coulisse.
L'élite dirigeante canadienne appuie
fortement les mesures répressives que le gouvernement libéral déploie contre
les étudiants, car elle considère cette opposition à la hausse des frais de
scolarité comme un défi inacceptable lancé à son programme visant à faire
porter le fardeau de la crise économique mondiale aux travailleurs.
La hausse des droits de scolarité fait
partie de toute une série de mesures de droite que le gouvernement libéral de
Jean Charest a imposées au cours des deux dernières années. Il a effectué des
coupes brutales dans les dépenses sociales, augmenté les tarifs dans les
services publics, imposé une nouvelle taxe santé, augmenté les taxes
régressives et a favorisé encore plus la privatisation des soins de santé.
Dans son budget de mars, le gouvernement
conservateur fédéral a réduit les dépenses discrétionnaires de plus de 6 pour
cent, a fait passer l'âge de la retraite de 65 à 67 ans et a modifié le
programme canadien d'assurance-emploi pour forcer les chômeurs à accepter des
réductions de salaire de 30 pour cent. Avant même que les travailleurs du
Canadian Pacific n'entament leur grève mercredi, le gouvernement conservateur
avait déjà annoncé qu'il était prêt à imposer une loi spéciale pour briser la
grève.
Les représentants les plus influents
dans les médias exigent une confrontation avec les étudiants. Le journal le
plus influent du Canada, le Globe and Mail, a critiqué le gouvernement Charest
pour être trop " mou ". Dans son éditorial principal de jeudi, le
Globe - qui est la propriété des Thomson, la famille la plus riche du Canada -
a écrit que les étudiants " n'ont encore rien perdu. Tant que les
manifestants et les dirigeants n'auront pas vraiment goûté à la loi, les
négociations risquent fort de mener à une capitulation qui va être dommageable
pour les universités de la province et les intérêts à long terme de la province
pour empêcher la loi de la rue. "
Le Globe a aussi dénoncé des "
étrangers ", comme le président de la Fédération du travail de l'Ontario
(FTO), Sid Ryan, pour avoir appuyé les étudiants.
En fait, les syndicats canadiens ont
systématiquement isolé la grève étudiante au Québec. Il y a trois semaines, les
présidents des trois principales centrales syndicales de la province ont incité
les chefs étudiants à accepter une entente à rabais qui a été par la suite
rejetée massivement par les étudiants eux-mêmes. Pendant que les étudiants
affrontent la répression étatique, le NPD - le parti qu'appuient les syndicats
au Canada anglais - a facilité l'adoption du budget d'austérité du gouvernement
libéral ontarien.
Cela étant dit, que le Globe tente de
présenter les Canadiens à l'extérieur du Québec qui appuient les étudiants
comme des " étrangers " en dit long sur la peur considérable qu'il
entretient face à la possibilité que les manifestations de masse puissent
dépasser les frontières du Québec et se propager au Canada anglais et aux
États-Unis. Cela montre comment l'élite dirigeante canadienne manipule les
différences ethnolinguistiques du Canada pour tenter de diviser la classe
ouvrière et imposer ses politiques réactionnaires.
Mais plutôt que de faire de la grève
étudiante le catalyseur d'une mobilisation de la classe ouvrière à travers le
Québec et le Canada contre le programme d'austérité de la classe dirigeante,
les associations étudiantes, y compris la CLASSE, tentent de la limiter qu'à
une manifestation à enjeu unique, maintenue à l'intérieure des frontières de la
province et ayant pour but de négocier avec le gouvernement Charest
Les travailleurs de partout à travers
les Canada doivent intervenir pour que la grève des étudiants au Québec ne soit
pas brisée et pour abroger la loi 78. Sinon, les conditions sont créées pour
que l'élite dirigeante intensifie son programme d'austérité et la criminalisation
des luttes de la classe ouvrière.
Cela exige le développement d'une
offensive industrielle et politique de la classe ouvrière, indépendamment des
syndicats et du NPD procapitalistes, et contre eux, et en opposition à
toutes coupes dans les emplois et les salaires et au démantèlement des services
publics.