Dans une interview accordée au quotidien
britannique The Guardianet et publiée vendredi, la directrice du Fonds
monétaire International (FMI), Christine Lagarde, a donné libre cours à sa
haine de classe des travailleurs grecs, en les appelant des fraudeurs fiscaux
et en excluant tout répit sur les mesures d'austérité qui ont dévasté le pays.
Dans cette interview, Lagarde était
interrogée sur la catastrophe sociale qui a résulté des cinq années de crise
économique et de mesures d'austérité dictées par le FMI et l'Union européenne.
Elle a été invitée en particulier à s'exprimer sur le sort des femmes enceintes
qui « n'ont pas accès à une sage-femme pour leur accouchement, » des
patients qui « n'obtiennent pas de médicaments qui pourraient leur sauver
la vie » et sur les personnes âgées qui « mourront uniquement en
raison d'un manque de soins ».
Rejetant avec mépris la souffrance et la
mort causées par la politique qu'elle contribue à imposer, Lagarde a
répondu : « Je pense plus aux petits enfants d'une école dans un
petit village du Niger qui ont cours deux heures par jour. Je pense à eux tout
le temps. Parce que j'estime qu'ils ont encore plus besoin d'aide que les gens
d'Athènes. »
Les larmes de crocodile versées par
Lagarde, ancienne ministre des Finances du président français, Nicolas Sarkozy,
pour les enfants défavorisés d'Afrique n'ont guère de poids compte tenu du
bilan quasi génocidaire de l'impérialisme français en Afrique et de ses
interventions néo-coloniales entreprises par le régime Sarkozy en Côte
d'Ivoire, en Libye et dans d'autres parties du continent.
La patronne du FMI a poursuivi en
disant: « Puisqu'il s'agit d'Athènes, je pense aussi à tous ces gens. en
Grèce qui essaient d'échapper aux taxes. »
A la question de savoir si elle pensait
davantage au non-paiement des impôts qu'à « tous ceux qui luttent pour
survivre sans emploi et sans services publics, » Lagarde a répondu,
« Je pense à eux également. Et je pense qu'ils devraient aussi tous
s'aider eux-mêmes collectivement. en payant tous leurs impôts. »
L'article du Guardian poursuit:
« Il semble qu'elle est essentiellement en train de dire aux Grecs et à
d'autres en Europe, vous avez eu du bon temps et maintenant c'est l'heure du
remboursement. 'C'est
juste'. Elle hoche calmement la tête. »
Lagarde, qui gagne plus d'un demi
million de dollars net en tant que patronne du FMI, reflète la perspective de
l'aristocratie financière qui dicte la politique en Europe et dans le monde. En
condamnant la population de la Grèce à une souffrance et à une misère
inqualifiables, elle parle au nom de l'ensemble de la bourgeoisie européenne,
de tous ses gouvernements nationaux ainsi que des institutions de l'Union
européenne.
Son attitude du style « qu'ils
mangent de la brioche » résume le dégoût et la crainte de sa classe à
l'égard de la classe ouvrière partout en Europe et internationalement. Ses
remarques soulignent le fait que la Grèce a été sélectionnée pour servir de
niveau de référence pour une politique délibérée d'exploitation de la crise
capitaliste dans le but d'effectuer une restructuration fondamentale et
permanente des relations de classes. La bourgeoisie est déterminée à annihiler
tous les acquis sociaux passés de la classe ouvrière et de faire passer une
contre-révolution en imposant des conditions de pauvreté et d'exploitation
jamais vues depuis la fin du 19ème siècle.
Suite à la défaite de Sarkozy et de
l'élection le 6 mai du candidat du Parti socialiste, François Hollande lors de
l'élection présidentielle, une multitude de commentaires médiatiques ont prédit
que la « situation se retournait contre l'austérité en Europe » en
faveur d'une stratégie de « croissance ». On sème des illusions sur
le nouveau gouvernement français, notamment des politiciens tels Alexis
Tsipras, le dirigeant de la Coalition de la Gauche radicale (SYRIZA) en Grèce,
qui affirme que Hollande servirait de contrepoids à l'Allemagne, en donnant
lieu à un assouplissement de la politique d'austérité prescrite par Berlin et
approuvée par Bruxelles.
De récents événements ont montré la
nullité de telles affirmations. Quelques jours à peine après l'élection
présidentielle française, le nouveau ministre de l'Economie, Pierre Moscovici,
a accordé une interview au quotidien britannique Financial Times pour
rassurer les marchés financiers en disant que Hollande était un partisan de
« l'économie de l'offre » et en aucun cas un « keynésien, »
autrement dit qu'on pourrait compter sur lui pour soutenir la politique
d'austérité exigée par les banques.
Un jour avant le sommet de l'UE du 23
mai qui s'est tenu pour discuter de la crise européenne, Hollande a rencontré
le dirigeant de PASOK, Evangelos Venizelos, qui avait joué en tant que ministre
des Finances dans le gouvernement de George Papandreou un rôle crucial dans
l'application de la politique d'austérité du FMI et de l'UE. La rencontre aurait
été chaleureuse et amicale.
Le jour du sommet de l'UE, le Financial
Times Deutschland a clairement fait savoir que la question de la
« croissance » avait été abordée par le camp Hollande principalement
pour des raisons de politique électorale. Le journal a écrit : « Les
élections parlementaires sont prévues mi-juin en France, ce qui signifie qu'il
est encore trop tôt pour que le président (Hollande) revienne sur les
positions exprimées lors de sa campagne électorale. »
En affichant les priorités qui se
cachent derrière le programme de « croissance » promis par Hollande,
le premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, a réclamé la semaine dernière
des changements afin de permettre à la Banque centrale européenne de prêter de
l'argent directement aux pays en crise. La proposition est farouchement contrée
par l'Allemagne mais soutenue par les marchés financiers et le premier ministre
espagnol qui a instamment réclamé de nouvelles injections de capital dans les
banques en déroute de son pays. Vendredi, les directeurs de la Bankia espagnole
ont sollicité du gouvernement une aide financière supplémentaire de 19
milliards d'euros (23,8 milliards de dollars.)
Alors que le gouvernement français se
prépare à rapidement abandonner ses promesses électorales, le gouvernement
allemand et les banques sont en train de planifier une nouvelle offensive
contre la Grèce.
Il y a une semaine, la plus grande
banque allemande, Deutsche Bank, a annoncé qu'elle avait entamé des discussions
au sujet d'un soi-disant « geuro » - une monnaie spéciale pour la
Grèce. Selon l'économiste en chef de la Deutsche Bank, Thomas Mayer, le geuro
permettrait à la Grèce de dévaluer sa propre monnaie tout en lui permettant de
réduire immédiatement les salaires réels et de gagner du temps pour l'application
de nouvelles « réformes » gouvernementales. Dans un discours séparé,
le PDG nouvellement nommé de la banque, Jürgen Fitschen, a décrit la Grèce
comme un « Etat failli. un Etat corrompu. »
La Banque centrale allemande,
Bundesbank, a également pris part à la mêlée au sujet de l'avenir de la Grèce
en publiant la semaine passée un papier déclarant qu'une sortie de l'euro de la
Grèce serait « gérable. » Il a à présent été confirmé que tous deux,
la Bundesbank et la Banque centrale européenne, sont en train d'élaborer des
plans d'urgence pour une sortie de de l'euro de la Grèce - décision qui
déclencherait une ruée sur les banques et une inflation drastique qui
provoqueraient aussitôt des conséquences catastrophiques pour la population
grecque.
Le gouvernement allemand a fait circuler
des propositions pour la « restructuration » de l'économie grecque et
d'autres économies en déroute. Selon un article paru dans le magazine Der
Spiegel, le plan prévoit une variante de la « thérapie de choc »
introduite par le gouvernement d'Allemagne de l'Ouest après l'effondrement de
l'Allemagne de l'Est stalinienne (République démocratique allemande - RDA).
Le plan allemand en six points renferme
davantage encore de privatisations à grande échelle, l'élimination massive de
la réglementation commerciale, des « réformes » du marché du travail
pour faciliter le licenciement des travailleurs et la réduction des impôts sur
les sociétés. Le plan prévoit aussi la mise en place de zones économiques et la
création d'agences de privatisation identiques à celles qui ont dévasté les
industries de l'ancienne RDA en condamnant de vastes régions de l'Allemagne de
l'Est à un chômage élevé et à la pauvreté.
Le principal objectif du plan est
d'établir partout en Europe le type de vaste secteur à bas salaire qui existe à
présent en Allemagne. Le principal parti d'opposition en Allemagne, le Parti
social-démocrate, a indiqué son soutien à ce projet.
Alors qu'il existe des différences
significatives entre les grandes puissances capitalistes outre Atlantique et au
sein de l'Europe quant à la meilleure façon de sauver les banques, il y a
unanimité au sein de l'élite bourgeoise sur le fait que c'est à la classe
ouvrière qu'il revient de payer le coût total de la crise.