De nouvelles élections semblent de plus en plus
probables en Grèce. Le parti conservateur Nouvelle Democratie (ND) et la
Gauche démocratique (DIMAR) ont exigé la participation de la Coalition de la
Gauche radicale (SYRIZA) comme une condition nécessaire à la formation d’une
coalition avec le parti social-démocrate PASOK. SYRIZA a rejeté la demande
en faisant clairement comprendre qu’elle ne voulait pas, pour le moment,
participer à une telle alliance.
SYRIZA a déjà signalé sa volonté de participer à
un gouvernement qui appliquera les dictats de l’UE. Durant la campagne
électorale, elle a déclaré que la Grèce ne devrait en aucun cas quitter la
zone euro, mais plutôt chercher à renégocier les réductions budgétaires et
le remboursement de la dette. Compte tenu de l’attitude intransigeante de
l’UE, qui reçoit ses ordres des principales banques, ceci équivaut à une
offre de participation à l’imposition des coupes sociales.
Mais, SYRIZA refuse d’assumer, dans l'immédiat, la
responsabilité de la politique de rigueur en préférant entreprendre des
manoeuvres qui entraîneront une deuxième élection susceptible de renforcer
sa position au sein du parlement grec.
la
semaine passée, ND, qui avait obtenu le plus grand nombre de suffrages lors
des élections, et les partis arrivés en deuxième et troisième place, SYRIZA
et PASOK, ont tous échoué à former une majorité gouvernementale viable.
Durant le week-end, le président grec, Carolos Papoulias, a eu des
entretiens avec les dirigeants de PASOK, de ND et de SYRIZA puis a ensuite
eu des discussions individuelles avec des représentants des autres partis.
Après ces réunions, le dirigeant de SYRIZA, Alexis
Tsipras, a une fois de plus déclaré que, dans les circonstances actuelles,
il n’était pas prêt à former une coalition avec les deux anciens partis au
pouvoir, le PASOK et ND, qui avaient appliqué le programme d’austérité de
l’Union européenne (UE) en Grèce.
Tsipras a dit qu’une coalition avec les deux
partis reviendrait à ignorer la volonté de l’électorat qui a voté de façon
écrasante en faveur de partis s'opposant à la politique du gouvernement.
Ensemble, ND, PASOK et DIMAR représentent une
majorité appréciable de 168 sièges sur 300, a signalé Tsipras en ajoutant :
« Leur souhait de voir SYRIZA participer est sans précédent et illogique. »
Il a aussi demandé à Papoulias de rendre publics les entretiens relatifs au
nouveau gouvernement.
Le dirigeant de DIMAR, Fotis Kouvelis, a ensuite
dit que son parti n’était toujours pas disposé à soutenir une coalition qui
ne comprendrait pas SYRIZA. « Un gouvernement sans SYRIZA ne disposerait pas
du soutien populaire et parlementaire nécessaire, » a-t-il dit.
La semaine passée, le dirigeant conservateur,
Antonis Samaras, a émis des commentaires similaires. Suites aux
négociations, il s’est plaint du refus de Tsipras de rejoindre un quelconque
gouvernement. « Honnêtement, je ne sais pas où ils vont avec ça, » a-t-il
dit.
Le président a appelé à une réunion lundi soir des
dirigeants des quatre principaux partis en vue d’une dernière tentative de
former une coalition, mais Tsipras a déclaré qu’il ne participerait à de
telles discussions que si le parti populiste droitier Grecs Indépendants et
le Parti communiste grec (KKE) y participaient aussi.
L’élite dirigeante grecque et l’UE sont
apparemment convaincues que la meilleure façon de reprendre le contrôle sur
une opposition populaire grandissante contre les mesures de rigueur est
d'avoir l'aide de SYRIZA. Lors des élections, SYRIZA a émergé comme la
deuxième force politique du pays sur la base de son opposition déclarée aux
mesures d’austérité.
Les résultats électoraux reflètent l’ampleur du
rejet des dictats de l’UE de la part de vastes couches de la population.
Seul un cinquième de l’électorat a voté pour les deux partis gouvernementaux
qui dominent la politique du pays depuis la fin de la dictature militaire en
1974 et qui ont formé une coalition gouvernementale ces derniers mois.
Le fait que ces deux partis discrédités soient
encore en mesure de rassembler une majorité est dû au système électoral
antidémocratique en Grèce qui garantit au parti qui obtient le meilleur
résultat, si minime soit-il, une prime de 50 sièges. Nouvelle Démocratie
avait obtenu 18,8 pour cent des suffrages contre 16,8 pour cent pour SYRIZA,
mais détient 108 sièges au parlement contre 52 sièges pour le parti
soi-disant de « gauche. »
Entre-temps, les responsables de l’UE ont
clairement fait comprendre qu’ils ne feront pas de concessions sur les
objectifs de réduction du déficit et qui ont déjà conduit à un chômage de
masse et à la pauvreté. De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer
l’exclusion de la Grèce de la zone euro – une démarche qui entraînerait une
hyperinflation et même une misère plus grande encore d'une grande partie de
la population.
Dans cette situation critique, la priorité absolue
pour les élites grecques et européennes est de trouver un mécanisme pour
maîtriser la résistance populaire. Un gouvernement comprenant SYRIZA est
considéré avoir plus de chances d’imposer les coupes prévues, avec peut-être
quelques changements cosmétiques, qu’un gouvernement ne dépendant que de
PASOK, de ND et de DIMAR.
SYRIZA n’a aucune opposition de principe contre
une participation à un tel régime. La semaine dernière, c’est SYRIZA qui a
débuté les pourparlers avec ND et PASOK au sujet d’une coalition
gouvernementale quand Samaras, de ND, a jeté l'éponge au bout de quelques
heures seulement. Tsipras a dit qu’il était même prêt à collaborer avec les
Grecs Indépendants, une scission de droite de Nouvelle Démocratie, dans le
but de constituer un éventuel gouvernement.
Ce n'est qu’après la publication de nouveaux
sondages d’opinion montrant que SYRIZA pourrait émerger comme le vainqueur
d’une nouvelle élection que le parti a reconsidéré sa position. Tsipras a
ensuite déclaré qu’il ne coopérerait pas avec les deux partis
gouvernementaux et qu’il chercherait plutôt à former une coalition de forces
opposées aux coupes sociales.
Dans le même temps, il a modéré sa rhétorique
anti-austérité, en omettant dans sa déclaration ses précédents appels à un
moratoire sur le remboursement de la dette et en soulignant le besoin de
renégocier les conditions des exigences de l’UE.
Le principal objectif d’une coalition comprenant
SYRIZA serait de préserver l’UE, la monnaie euro et le capitalisme européen.
Il négocierait avec l’UE pour obtenir au mieux quelques modifications
mineures puis – masqué par un verbiage gauchiste et en recourant à ses liens
avec les syndicats – imposerait de nouvelles coupes à l’encontre de la
résistance des travailleurs.
(Article original paru le 15 mai 2012)