Après avoir remporté dimanche l'élection
présidentielle, le candidat du Parti socialiste (PS), François Hollande, se
positionne déjà pour abandonner ses promesses électorales limitées relatives
aux dépenses sociales et attaquer la classe ouvrière au moyen de vastes coupes
budgétaires.
La victoire de Hollande est le reflet d'
un vaste rejet populaire de la politique d'austérité du président sortant,
Nicolas Sarkozy, et de ses guerres impérialistes impopulaires. Toutefois, tout
espoir de changement de la part du nouveau gouvernement sera rapidement déçu
par Hollande et sa décision d'appliquer une politique réactionnaire. Durant sa
campagne électorale, Hollande s'est engagé à réduire le déficit public de 100
milliards d'euros pour avoir un budget équilibré d'ici 2017 tout en présentant
quelques propositions de mesures sociales telles une plus grande subvention des
écoles et le recrutement d'un plus grand nombre d'enseignants.
Mardi, l'équipe de campagne de Hollande
a dit à Reuters que les conseillers de Hollande le poussaient à recourir à un
rapport de la Cour des Comptes, principale institution de contrôle de France,
pour justifier l'abandon de ses promesses électorales limitées et pour
intensifier les coupes sociales.
Le rapport devrait être publié après les
élections législatives des 10 et 17 juin. Ceci permettrait au PS de dissimuler
aux électeurs son programme d'austérité sociale au moment où il cherche à
constituer un gouvernement, puis ensuite, une fois la majorité parlementaire
acquise et un gouvernement formé sur la base de promesses trompeuses, de
procéder rapidement à l'application des coupes sociales.
Selon Reuters, « Conscient du
risque politique de susciter la colère des électeurs de gauche, les conseillers
de Hollande disent qu'il doit agir dans les deux mois de son entrée en
fonction, le 15 mai, de façon à permettre aux socialistes de montrer du doigt
le gouvernement sortant de Sarkozy. Toute annonce sera probablement faite après
les élections parlementaires des 10 et 17 juin, ce qui est essentiel pour que
Hollande obtienne une majorité lui permettant de légiférer. »
Reuters a cité le président du groupe
parlementaire du PS, Jean-Marc Ayrault, qui a dit au sujet de l'audit :
« Il y a certainement des déficits, des choses cachées dans l'ombre. Nous
allons découvrir la réalité et trouver un équilibre entre stimuler la
croissance et faire les efforts nécessaires pour réduite la dette. »
Reuters a souligné que le PS compterait
sur les syndicats, qui ont salué la victoire de Hollande, pour imposer des
réductions et entraver l'opposition de la classe ouvrière. L'agence a remarqué
que les liens plus étroits des responsables du PS avec eux - notamment la CFDT
modérée [Confédération française démocratique du Travail] - pourraient leur
permettre d'accomplir « des réformes plus audacieuses. »
L'annonce de l'équipe de Hollande
relative au rapport de la Cour des Comptes rappelle la manière dont le premier
ministre grec, George Papandreou, avait justifié en 2009 l'abandon de ses
promesses électorales concernant un plan de relance de l'économie grecque, pour
s'embarquer au lieu de cela, des années durant, dans la voie de coupes sociales
dévastatrices. Il avait aussi affirmé que le déficit budgétaire grec était plus
important que prévu pour s'adonner ensuite à des attaques massives contre la
classe ouvrière.
Selon des rapports de presse, Berlin
aussi a projeté d'intervenir en juin pour insister sur des mesures d'austérité,
en accordant à Hollande davantage de soutien pour attaquer la classe ouvrière
après les élections législatives.
Selon Le Monde, les
collaborateurs de la chancelière allemande, Angela Merkel, « estiment que
le nouveau président français ne sera pas en mesure de faire d'importantes
concessions avant le second tour des élections législatives, le 17 juin. Selon
ce scénario, tout se débloquerait entre le 18 juin et le conseil européen des
28 et 29 juin. »
Alors qu'ils sont d'accord sur les
attaques contre la classe ouvrière, Merkel et Hollande, semblent prêts à aller
à l'affrontement concernant les projets de Hollande de renégocier le pacte
fiscal qui impose aux gouvernements européens de strictes limites des déficits
budgétaires.
Hollande a souligné qu'il n'était pas
opposé à des limites budgétaires qui engagent des coupes sociales
anti-ouvrières mais il veut ajouter un « volet de croissance » au
plan fiscal. Merkel a répété lundi, qu'à son avis, « Le pacte budgétaire
n'est pas négociable. »
Ce débat sur la « croissance »
est une escroquerie politique. Il vise non pas à fournir des emplois aux
travailleurs mais à garantir davantage de cadeaux en deniers publics aux
banques qui ont prêté de l'argent aux gouvernements européens. Hollande
souhaite que le remboursement des fonds aux banques soit garanti - soit par des
« euro obligations » conjointement soutenues par les Etats de l'Union
européenne soit par la planche à billet de la Banque centrale européenne (BCE).
Berlin s'oppose à ces deux mesures.
Celles-ci forceraient l'Allemagne soit à subventionner les dettes des autres
Etats, dans le cas des euro obligations, soit à accepter une inflation
substantielle des prix.
Hollande a dit que la politique de
Berlin était inacceptable. Dans une interview accordée à Slate.fr, il a
précisé : « Nous aurons des discussions avec nos partenaires et
particulièrement avec nos amis allemands, mais ils ne peuvent pas poser deux
verrous à la fois, un sur les eurobonds et un autre sur le refinancement direct
des dettes par la Banque centrale européenne. »
Il semble que Hollande soit en train
d'agir avec le soutien du gouvernement Obama. Washington s'oppose à la
politique d'austérité de Berlin au motif qu'en bloquant de rapides versements
de fonds publics aux banques, Berlin mine la confiance des banques et aggrave
la crise financière. Contrairement aux Etats-Unis, où la Réserve fédérale
américaine a imprimé approximativement 7,7 mille milliards de dollars après la
crise de 2008 pour octroyer des prêts à faibles taux à Wall Street, la BCE est
intervenue plus parcimonieusement, souvent après des affrontements
diplomatiques entre Berlin et Paris.
Dans un article intitulé « Un
changement à Paris pourrait mieux convenir aux positions économiques
américaines, » le New York Times écrit : « M. Sarkozy
s'est dissocié de la Maison Blanche dans son soutien du projet d'austérité
appuyé par l'Allemagne dans la zone euro fortement endettée, projet que la
Maison Blanche conteste au motif que des réductions budgétaires survenant trop
tôt mènent à une croissance lente et à un chômage élevé dans l'ensemble de
l'Europe et sans satisfaire les exigences des investisseurs d'obligations
frileux. »
La politique exigée par Hollande et
l'impérialisme américain ne serait pas plus favorable à la classe ouvrière que
la politique d'austérité réclamée par Berlin. Aux Etats-Unis, la décision du
gouvernement américain et de la Réserve fédérale d'accorder d'énormes fonds
publics aux banques était à la base des attaques sévères contre de la classe
ouvrière : la réduction drastique des salaires pour le sauvetage de l'industrie
automobile, des coupes sociales en masse et une augmentation en flèche du
chômage.
La politique anti-ouvrière, que le futur
gouvernement de Hollande projette, constitue un réquisitoire accablant contre
la politique en faillite des partis petits bourgeois de « gauche »,
dont le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon et le Nouveau Parti
anticapitaliste (NPA). Ces partis ont appelé inconditionnellement à voter
Hollande. Lorsque Hollande commencera à imposer des coupes sociales, il n'est
pas difficile de prévoir que ces forces feront tout leur possible pour
démobiliser l'opposition de la classe ouvrière, comme elles l'ont fait durant
le mandat de Sarkozy.
Ces forces sont également complices de
la poursuite par Hollande de l'alignement de Sarkozy sur la politique étrangère
américaine. Hollande a soutenu la guerre contre la Libye et il a clairement
précisé dans des interviews qu'il soutenait la politique de Sarkozy, politique
de menace de guerre contre l'Iran et d'intervention militaire en Syrie.
Il a promis de ne pas revenir sur la
décision de Sarkozy de faire réintégrer la France dans le commandement intégré
de l'OTAN. En commentant son rôle dans l'OTAN, Hollande a dit à Slate :
« Je n'entends pas pour autant revenir à la situation antérieure. Je
demanderai une évaluation sur la place de la France et les responsabilités qui
nous ont été confiées dans le commandement militaire. »