L’administration Obama a construit un vaste appareil ayant pour but
l’exécution d’assassinats et comprenant des engins volants sans pilote
(drones), opérés par la CIA et l’armée. Ce réseau de « machines à tuer » est
géré dans le secret, derrière le dos du peuple américain et virtuellement en
dehors de tout contrôle de la part du Congrès américain.
Le programme dans le cadre duquel opèrent ces « drones » a fait l’objet
d’un article publié par le Washington Post le 28 décembre et intitulé
« Sous Obama, l’émergence d’un appareil mondial du meurtre par drone ». Si
l’article est de présentation plutôt discrète, ce qu’il montre n’en est pas
moins effrayant : un gouvernement s’est arrogé le droit de tuer n’importe
qui dans le monde sans même se soucier d’une apparence de légalité. On a
déjà tué de cette façon des milliers de personnes.
Selon le Washington Post, ce ‘programme drones’, « comprend des
dizaines de sites secrets dont deux sites principaux opérationnels sur la
côte Est, des cockpits virtuels de l’US Air Force dans le Sud-est et des
bases clandestines dans six pays sur deux continents. »
Selon les conclusions d’une étude du Bureau du Budget du Congrès
américain, les Etats-Unis ont 775 drones ‘Predator’ et autres, plus un
nombre inconnu de drones opérés par la CIA et faisant partie d’opérations
secrètes. Les assassinats ont jusqu’à présent eu lieu dans au moins trois
pays, en dehors des guerres en Irak et en Afghanistan. Le drone abattu
récemment au dessus de l’Iran indique cependant des opérations bien plus
étendues.
Un des premiers actes d’Obama en tant que président a été d’ordonner une
attaque de drone Predator au Pakistan. 240 attaques ont été effectuées
depuis contre ce pays, entraînant la mort de milliers de personnes, pour la
plupart des civils. Quelque quinze attaques ont été effectuées au Yémen et
d’autres encore en Somalie.
Le quotidien donne une description des « listes de sujets à assassiner »
compilées par la CIA et le Joint Special Operation Command (JSOC) de l’armée
américaine, sans que les critères utilisés pour la sélection des personnes
ciblées soient rendus publics. La liste de la CIA est apparemment plus
courte que celle de l’armée, ce que certains de ceux qui sont impliqués dans
le programme de drones attribuent au fait qu’elle a eu moins de temps pour
la dresser. Selon certains responsables, « L’Agence finira par rattraper le
temps perdu. »
Parmi les gens assassinés, se trouvent trois citoyens américains, dont
Anwar Al-Awlaki qui fut tué le 30 septembre et son fils de 16 ans, tué lui,
par le JSOC quelques semaines plus tard. Tous deux furent tués au Yémen. Le
Washinton Post affirme que le jeune Awlaki n’était pas la cible
prévue. Ce « citoyen américain sans implication passée avec Al-Quaida »
était au contraire une « victime non intentionnée. »
Pour expliquer l’augmentation des assassinats par drone, le journal
mentionne la fermeture officielle de programmes de détention et la fin des
transferts à Guantanamo Bay. Cela laissait « peu d’options mis à part
les attaques par drones… » En d’autres mots, au lieu d’enfermer des
‘terroristes’ présumés dans des camps et des centres de torture,
l’administration Obama s’est dit qu’il serait simplement plus efficace de
les tuer en secret.
Ces deux programmes différents sont soi-disant contrôlés par diverses
commissions du Congrès. Mais, précise le Post, « aucune de ces
commissions n’est en mesure de comparer les listes de sujets à abattre de la
CIA et de la JSOC ou même de parvenir à une compréhension générale des
règles selon lesquelles chacune de ces listes est fabriquée. »
Les dirigeants des deux fractions parlementaires sont tout à fait
complices car les responsables des commissions sur les services de
renseignement et l’armée acceptent de limiter ce qui peut être discuté
publiquement. « Le fait qu’un président de leur parti ait monté une machine
aussi efficace dans le but d’éliminer de façon ciblée des gens suspectés de
terrorisme ne trouble pas outre mesure les dirigeants démocrates. »
Le président Lyndon Johnson, arrivé au pouvoir à la suite de l’assassinat
de John F. Kennedy, avait en son temps admis que la CIA avait monté une
entreprise qu’il appela, dans une remarque restée fameuse, une « damnée
‘Meurtre S.A.’ dans les Caraïbes ». Celle-ci avait plusieurs fois tenté
d’assassiner le dirigeant cubain Fidel Castro. Le gouvernement Nixon fut
lui, impliqué dans de nombreux complots d’assassinat. Cela avait contribué
aux enquêtes à des fins de destitution qui conduisirent finalement à sa
démission. Des enquêtes menées par la Commission Church du Sénat américain
dans les années 1970 ont finalement conduit à un ordre exécutif interdisant
officiellement la pratique de l’assassinat.
Les actes de l’administration Obama et la vaste augmentation des pouvoirs
secrets de la CIA et de l’Armée dépassent de loin les crimes commis à cette
époque.
Les assassinats extra-judicaires sanctionnés par l’Etat sont une
métastase de la « guerre à la terreur » menée sur tout le globe, un
élargissement d’une criminalité internationale qui comprend le lancement de
guerres d’agression, l’emprisonnement indéfini et la torture. Ils sont
devenus une importante composante de la politique militaire américaine.
Celle-ci comprend aussi la guerre en Libye qui s’est conclue par
l’assassinat, soutenu par les Etats-Unis, de Mouammar Kadhafi. Obama a fait
du meurtre extra judicaire de Osama ben laden un des hauts faits et un des
événements charnière de son administration.
La violence sans frein et l’abolition de la démocratie sont deux aspects
d’un même processus. Les révélations du Washington Post suivent de
deux semaines à peine le passage du National Defense Authorization Act.
Cette loi donne, pour la première fois explicitement, un sceau d’approbation
parlementaire à la détention militaire indéfinie de citoyens, américains ou
non, selon le bon vouloir du président. La loi abolit dans les faits le
recours d’habeas corpus et les garanties constitutionnelles d’application
régulière de la loi.
L’administration qui préside à cette affirmation de pouvoirs quasi
dictatoriaux, dirigée par Obama, est pour l’essentiel une alliance entre de
puissants intérêts financiers et l’appareil militaire et des services de
renseignements.
Ce gouvernement de la réaction extrême jouit du soutien déterminant d’une
partie de la classe moyenne argentée qui, sur la base de la politique
identitaire, s’est réconciliée avec une politique qui va au-delà même de
celle de l’administration Bush. Tout est bon et même « progressiste » du
moment que c’est un président afro-américain qui le fait.
La conduite d’un réseau destiné à exécuter des gens n’a rencontré qu’une
objection de pure forme de la part de journaux comme La Nation et
d’autres gens et partis ‘de « gauche’ qui soutiennent le Parti démocrate. Un
commentateur libéral, Ta-Nehisi Coates, un des principaux rédacteurs en chef
du magazine Atlantic, fit en réponse à l’article du Washington
Post, ce commentaire réjoui: « Les drones sont l’arme parfaite de la
démocratie. On obtient tout le mérite d’avoir tué les ennemis du pays et on
ne porte pas le blâme de pertes militaires. Le massacre occasionnel d’un
garçon de 16 ans est certes regrettable, mais pratiquement sans conséquence
du point de vue politique. »
La défense des droits démocratiques, la défaite de l’impérialisme
américain, la lutte contre l’inégalité sociale dépendent de la formation
d’un mouvement politique de masse de la classe ouvrière sur la base d’un
programme socialiste. Ce mouvement entrera directement en conflit avec
l’administration Obama, le Parti démocrate et ses apologues ‘de gauche’.
(Article original publié le 29 décembre 2011)