Le nouveau gouvernement de droite du Parti populaire, dirigé
par le Premier ministre Mariano Rajoy, a annoncé des coupes budgétaires
s’élevant à 16.5 milliards d’euros et a présenté certains aspects
des mesures prises concernant les neuf premiers milliards.
Le paquet de mesure d'austérité d’une ampleur sans
précédent sera présenté au parlement le 31 mars. Cependant, il est déjà clair
que même ces coupes s'avéreront insuffisantes pour atteindre les cibles de
réductions budgétaires qui ont été approuvées avec l'Union Européenne et les
institutions financières internationales et que des mesures supplémentaires
seront imposées ultérieurement.
Ces mesures sont une attaque frontale contre les conditions de
vie des travailleurs, surtout de ceux qui sont employés dans le secteur public.
Elles comprennent :
• Une augmentation de la durée hebdomadaire des heures
de travail pour les fonctionnaires de 35 heures par semaine à 37.5 heures sans
augmentation de salaire. En 2010 leur salaire a été diminué d’un montant
allant jusqu'à 15 pour cent. Tout fonctionnaire refusant d'effectuer davantage
d'heures verra son salaire proportionnellement réduit.
• Les vacances de postes du secteur public ne seront pas
pourvues en 2012, sauf pour celles des hôpitaux, des professeurs d'université,
des inspecteurs du travail ainsi que pour les militaires et les forces de
l’ordre où seulement 10 pour cent des postes vacants pourront être
pourvus.
• La suppression de l'aide publique de 210 €
accordée mensuellement aux jeunes (dont plus de la moitié sont sans emploi)
pour payer leur loyer.
• Le blocage du salaire minimum, perçu par plus de 30
pour cent de la main-d'œuvre espagnole, à 641.40 € par mois
pendant toute l’année 2012. La promesse de l'augmenter annuellement a été
présentée par les syndicats comme une raison importante de la poursuite de leur
coopération avec le gouvernement du Parti socialiste ouvrier (PSOE), qui a perdu
les élections de novembre.
• Des coupes dans les subventions et les prêts pour la
recherche et le développement de 600 millions d’euros, surtout dans le
domaine de la politique de coopération internationale.
• L'augmentation de l'impôt sur le revenu de 0.75 pour
cent pour ceux dont les revenus sont les plus bas et de 7 pour cent pour ceux
qui gagnent plus de 300 000 € par an.
• Une augmentation de l'impôt foncier pour tous ceux se
trouvant “au-dessus de la valeur moyenne”, ce qui, en réalité,
signifie 50 pour cent des biens immobiliers.
• Des coupes dans les subventions aux partis politiques
et aux syndicats qui devraient permettre d’économiser près de 85 millions
d’euros.
• Des coupes budgétaires dans les ministères : 485
millions d’euros à l'emploi, 439 millions d’euros au service des
impôts, 409 millions d’euros au ministère de la Santé, 401 millions
d’euros à l'agriculture, 340 millions d’euros à la défense,163
millions d’euros au ministère de l'Intérieur, 48 millions d’euros
au ministère de la justice, 1,6 milliards d’euros au ministère des
travaux publics et 1 milliard d’euros à chacun pour les affaires
étrangères, l'industrie et le ministère des finances. Les emplois et les
services seront drastiquement réduits.
A été également annoncée une augmentation des pensions de 1
pour cent, mais une grande partie de celle-ci sera engloutie par l'augmentation
des taxes sur les revenus individuels.
Rajoy a déclaré que les coupes budgétaires étaient nécessaires
pour maintenir la confiance des marchés obligataires européens et il les a
rendu responsables du déficit budgétaire, qui est plus élevé que prévu
précédemment par le gouvernement PSOE sortant. On s'attend maintenant à ce que
celui-ci atteigne les 8 pour cent du PIB cette année, soit deux points de
pourcentage au-dessus de la cible fixée avec l’Union Européenne.
La ministre de la Présidence, Soraya Sáenz de Santamaría a
déclaré, “Nous sommes forcés de prendre des décisions extraordinaires et
d’adopter des mesures inattendues,” et elle a prévenu que
“Ces mesures sont le tout début d'un paquet de réformes structurelles
conçues pour réduire le déficit et stimuler l'économie.”
Le ministre du Trésor, Cristobal Montoro, a fait porter la
responsabilité de l'augmentation du déficit sur le dépassement continuel des
dépenses par les régions autonomes, qui ont la responsabilité de services
publics essentiels tels que l'éducation, la santé et les services sociaux. Bien
que le PP ait gagné le contrôle de la plupart des gouvernements régionaux au
cours des élections de début 2011, beaucoup d'entre eux étaient déjà sous leur
contrôle depuis des années.
Le mois dernier, la Banque d'Espagne a indiqué que la dette
combinée des 17 régions du pays s'était élevée à plus de 135 milliards
d’euros, soit 12.6 pour cent du PIB, en hausse de 22 pour cent sur
l'année précédente. Pourtant, les estimations de la banque omettent les
dizaines de milliards d'euros de factures impayées dont on estime
qu’elles constituent la “dette cachée” des régions. En
Catalogne, l'estimation de la dette rapportée au PIB régional a été récemment
doublée, de moins de 2 pour cent à 3.8 pour cent.
L'élite dirigeante, à l'intérieur du pays et au niveau
international, continue à faire pression sur Rajoy pour qu’il ne recule
pas et prépare ceux des travailleurs qui bénéficient encore de rémunérations
relativement correctes et de conditions de travail stables à devoir accepter la
destruction de celles-ci.
Le journal Público a
indiqué que, “Au total, les mesures prises par le gouvernement
s’élèvent à 15.1 milliards d’euros, et à seulement 40 pour cent du
douloureux ajustage que l'exécutif devra réaliser cette année … Aussi, le
gouvernement devra couper le déficit de 21.4 milliards d’euros
supplémentaires et sera probablement contraint d’adopter de nouvelles
coupes et des mesures dans le budget 2012, qu’il [le gouvernement]
élaborera au premier trimestre et qui devrait être prêt avant le 1 mars.”
Le Guardiana indiqué de son côté que,
“Rajoy, qui a gagné l'élection sans promettre quoi que ce soit, semble
continuer à retarder les réformes de fond. Les coupes sont faites davantage
selon la pratique de la terre brûlée, que de façon structurelle et le
gouvernement esquive toujours la question de la réforme du marché de l'emploi.
Les lois espagnoles sur l'emploi ont créé un système à deux vitesses, avec
d’une part des employés avec des contrats en béton rendant le
licenciement quasiment impossible, défendus avec acharnement par les syndicats,
et de l'autre, un groupe de travailleurs beaucoup plus vaste sans sécurité
d'emploi.”
La description des syndicats comme “les défenseurs
acharnés” de la classe ouvrière est tout le contraire de la vérité.
Depuis l'éruption de la crise, le CCOO aligné sur le Parti communiste tout
comme l'UGT contrôlée par PSOE ont négocié toute une série de paquet de
"réformes" portant sur des droits qui avaient été durement acquis par
les travailleurs, concernant les salaires, les conditions de travail et les
pensions, toutes ces réformes ayant aggravé les conditions de vie des
travailleurs.
Tandis que les dirigeants syndicaux dénoncent les dernières
coupes comme étant "injustes", dans le même temps ils ont accepté de
prendre part aux négociations sur les réformes de l’emploi à côté de la
Confédération espagnole des organisations d'employeurs (CEOE).
Dans la capitale, à Madrid, les trois syndicats les plus
importants, le CCOO, l’UGT et le CSI-CSIF, viennent de signer un accord
avec la nouvelle administration PP menée par Ana Botello, épouse de l'ancien
Premier ministre du PP, José María Aznar. Les salaires seront gelés en échange
de la promesse qu’il n'y aura aucun licenciement, mais cela suppose que
le gouvernement central ne décide pas de mesures d’austérité
supplémentaires. Un responsable de la municipalité a indiqué que l’accord
“garantira une absence de mouvements sociaux pour les quatre prochaines
années ” alors même que la ville supprime des services publics, augmente
les impôts municipaux, relève les taxes municipales, retarde ou annule une
multitude de projets d'infrastructure et procède à la vente de biens
immobiliers dans une tentative de réduire de moitié la dette de 6.34 milliards
d’euros de la ville vers la fin de 2016. Certains économistes disent que
c'est une tâche impossible sur la base des propositions actuelles du PP et que
des coupes supplémentaires sont inévitables.
Les syndicats portent la responsabilité d’une véritable
catastrophe sociale en Espagne. Le taux de chômage a atteint 22 pour cent (et
50 pour cent pour les plus jeunes). Un rapport récent de l'organisation de
consommateurs OCU montre qu'entre 2002 et 2012, les salaires ont augmenté en
moyenne de 14 pour cent tandis que les prix de la nourriture augmentaient de 48
pour cent, le logement de 66 pour cent, les transports jusqu'à 58 pour cent et
le carburant de 82 pour cent.