La nouvelle année commence avec d'importants lock-out
industriels au Canada et la poursuite du lock-out des travailleurs de Cooper Tire
à Findlay en Ohio.
Au jour de l'An, la filiale de Caterpillar, Electro-Motive
Diesel (EMD), a mis 425 travailleurs en lock-out à London en Ontario, exigeant
d'eux qu'ils acceptent des baisses de salaire de 55 pour cent (ce qui ferait
passer les salaires de 35 à 16,50 dollars l'heure), et d'importantes coupes
dans leurs avantages sociaux. Lors du même week-end, Rio Tinto Alcan a mis en
lock-out 750 travailleurs à une aluminerie d'Alma au Québec, demandant des
concessions au niveau des salaires et des avantages sociaux, et une
augmentation de la sous-traitance.
Au même moment, 1050 travailleurs de Findlay en Ohio en
sont à leur septième semaine de piquetage chez Cooper Tire, qui les a mis en
lock-out le 28 novembre après qu'ils ont rejeté les demandes de la société pour
de vastes concessions qui se seraient ajoutées à celles déjà faites en 2008.
Rio Tinto et Caterpillar sont deux des plus grandes
sociétés au monde, évaluées à plusieurs dizaines de milliards de dollars. Leurs
activités prennent place sur tous les continents, exploitant la main-d'oeuvre
et les richesses naturelles pour générer d'immenses revenus. Rio Tinto a
engrangé 7,5 milliards $ en profit pour la première moitié de 2001, tandis
que Caterpillar a fait 14 milliards $ l'an dernier. Cooper Tire est aussi
une multinationale, qui possède des usines aux États-Unis, au Mexique, en
Europe et en Asie.
Ces lock-out font partie d'une intensification de l'assaut
du patronat sur la classe ouvrière, à travers l'Amérique du Nord et
internationalement, dont l'objectif est la destruction des gains réalisés par
les travailleurs durant un siècle de luttes de classe amères et sanglantes. Cet
assaut a l'appui total des gouvernements à tous les niveaux, y compris
l'administration Obama aux États-Unis et le gouvernement conservateur de
Stephen Harper à Ottawa, ainsi que les gouvernements libéraux de Dalton
McGuinty en Ontario et de Jean Charest au Québec.
À chaque lieu de travail où un lock-out a été décrété, le
scénario est le même : les travailleurs rejettent un contrat qui vise à
réduire leurs salaires et l'entreprise réplique en imposant un lock-out et en
ayant recours ou en menaçant d'avoir recours à des briseurs de grève. Les
syndicats (les métallos à Findley et au Québec, le syndicat des Travailleurs
canadiens de l'automobile (TCA) en Ontario) se limitent à de futiles demandes
aux gouvernements tout en faisant de leur mieux pour garder les travailleurs
isolés et impuissants.
En coulisse, les dirigeants syndicaux tentent d'en arriver
à des ententes pourries qui satisferaient une bonne partie, ou la totalité, des
demandes de l'entreprise. Les syndicats des métallos et des TCA espèrent
négocier de tels contrats après que les travailleurs aient bravé le froid
pendant des semaines ou des mois, n'ayant pour seul revenu à ramener dans leur
famille, peut-être, qu'une maigre indemnité de grève.
Dans tous ces cas, le syndicat a laissé l'initiative à
l'employeur, refusant de déclencher une grève et permettant que les portes de
l'usine soient claquées au nez des travailleurs.
EMD, filiale de Caterpillar, possède des usines, que
quelques centaines de kilomètres séparent, de chaque côté de la frontière
canado-américaine, et pourtant, les travailleurs sont maintenus entièrement
isolés les uns des autres par leur syndicat respectif.
Le syndicat des TCA prône le nationalisme canadien et dit
aux travailleurs de faire pression sur le gouvernement Harper pour qu'il
enquête sur la vente, survenue en 2010, d'EMD à la « société américaine
Caterpillar ». Au même moment, les syndicats des UAW et des métallos font
campagne pour que les travailleurs aux États-Unis « achètent
américain », même si les travailleurs des deux pays fabriquent les mêmes
produits.
L'an dernier, la division ferroviaire de Caterpillar a
ouvert une usine d'assemblage à Muncie en Indiana, où les salaires pouvaient
être en deçà de 14 dollars l'heure, soit environ le tiers des salaires payés
aux travailleurs de London en Ontario. Certains articles mentionnent que si les
travailleurs de l'Ontario n'acceptent pas les demandes de concessions de la
société, Caterpillar pourrait mettre fin à la production à London et la
déplacer en Indiana.
Sur la base du nationalisme et de la collaboration de
classe, les syndicats américains participent à la baisse des salaires du
secteur manufacturier aux États-Unis jusqu'à ce qu'ils soient misérables. Par
la délocalisation, ces bas salaires menacent maintenant les revenus des
travailleurs d'autres pays développés, comme le Canada, l'Allemagne, l'Italie
et la France. Comme l'a dit tristement un travailleur d'EMD de London au World
Socialist Web Site, « C'est une course vers le bas. »
Rien ne pourrait mieux illustrer le besoin d'une
perspective internationaliste dans la lutte pour défendre les salaires et les
conditions de vie. Les travailleurs doivent rejeter le programme chauvin des
syndicats et s'allier à leurs frères et soeurs de classe au-delà des
frontières nationales pour combattre leur ennemi commun : les grandes
sociétés et leurs agents dans les partis politiques de la grande entreprise.
Les travailleurs entraînés dans ces conflits commencent à
réaliser que leur lutte n'est pas dirigée que contre une seule entreprise ou
une seule usine, mais que c'est un combat beaucoup plus vaste contre le système
économique et politique actuel. Aussitôt qu'ils s'engagent à défendre leurs
emplois et leurs conditions de vie, ils font face à certaines réalités
fondamentales : les divers gouvernements (démocrate, républicain,
conservateur, libéral, néo-démocrate) répondent aux ordres des grandes sociétés;
les syndicats jouent le rôle de policier pour les sociétés en imposant les
concessions; les travailleurs sont impliqués dans une lutte contre des
conglomérats géants dont les opérations sont réparties à travers de nombreux
pays et qui opposent les travailleurs de différents pays les uns aux autres.
Les travailleurs doivent comprendre que la seule façon de
défendre leur gagne-pain est à travers une lutte industrielle et politique,
résolue et implacable, contre le capitalisme. La conception, défendue par les syndicats
et leurs alliés de la fausse gauche, que l'avidité des grandes sociétés peut
être combattue sans une lutte contre le système capitaliste qui défend et
entretient les actions rapaces des oligarques, sert à désarmer la classe
ouvrière.
L'alternative à cette situation est le socialisme :
la réorganisation de la vie économique par la classe ouvrière dans le but de
satisfaire les besoins sociaux et non les profits des milliardaires.
Il faut mobiliser les travailleurs dans chaque usine et
chaque milieu de travail contre les baisses de salaire et les concessions. Les
travailleurs en lock-out au Canada et aux États-Unis doivent former des comités
de la base afin de mener leurs propres luttes et coordonner leurs actions avec
celles des travailleurs d'autres industries, régions et pays. Ces nouvelles
organisations de lutte doivent être indépendantes des syndicats, car ceux-ci
feront tout ce qui est en leur pouvoir pour saboter un mouvement de masse
international contre le système de profit.
La lutte des travailleurs pour défendre leurs intérêts ne
peut se limiter qu'aux milieux de travail. Les travailleurs ont besoin de leur
propre parti politique socialiste qui aura pour objectif l'établissement d'un
gouvernement ouvrier pour nationaliser des sociétés telles que Cooper,
Caterpillar et Rio Tinto et en faire des services publics qui seraient
contrôlés démocratiquement par les travailleurs et qui auraient pour but de
servir les intérêts de la société dans son ensemble.