Les Etats-Unis ont fermé leur ambassade
syrienne et la Grande-Bretagne a rappelé hier son ambassadeur pour
consultations dans un contexte d'intensification des préparatifs de guerre américains
et européens. Ces décisions ont été prises après le veto émis samedi par la
Russie et la Chine à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, soutenue
par les Etats-Unis, contre le régime du président syrien Bachar al-Assad.
La porte-parole du Département d'Etat
américain, Victoria Nuland, a imputé la décision des Etats-Unis de transférer
son personnel diplomatique de Syrie à la Jordanie voisine à une
« dégradation de la situation sécuritaire. » Le New York Times
a toutefois précisé que les responsables du gouvernement Obama « pensaient
qu'il ne restait plus rien à discuter avec M. Assad. »
La décision a effectivement rompu les
relations diplomatiques américaines et britanniques avec la Syrie, intensifiant
davantage encore les tensions alors que les responsables américains et
européens réclament l'éviction d'Assad. Ces responsables ont critiqué la Russie
et la Chine pour leur vote et prédit une rapide propagation de la guerre civile
en Syrie et l'effondrement du régime Assad. D'ailleurs, de plus en plus de
combats intenses ont déjà lieu entre l'armée syrienne et les groupes armés de
« rebelles » soutenus par les Etats-Unis en Syrie même.
Le ministre britannique des Affaires
étrangères, William Hague, a dit à la télévision Sky TV, « C'est un régime
voué à l'échec et un régime meurtrier. Il ne peut en aucune manière retrouver
sa crédibilité, ni internationalement ni auprès de son propre peuple. » Il
a prédit que le gouvernement syrien était « en train de pousser certains
opposants à entreprendre eux aussi des actions violentes. Ceci rapproche encore
un peu plus la Syrie de ce qui commence à ressembler à une guerre
civile. »
Lors del'émission matinale
d'informations de la chaîne américaine CBS « This Morning »,
l'ambassadrice des Etats-Unis auprès des Nations Unies, Susan Rice, a menacé en
disant que les vétos de la Russie et de la Chine étaient « une décision
que, je pense, la Russie et la Chine viendront à regretter au fil du
temps. » Elle a mis en garde que les deux pays pourraient être confrontés à
un isolement international similaire à celui de la Syrie.
Interrogée sur la Syrie, Rice a affirmé de
manière rituelle que les Etats-Unis voulaient « une transition très
pacifique. » Elle a toutefois ajouté, « nous continuerons à
intensifier par tous les moyens la pression sur le régime d'Assad -
diplomatiques, économiques et autres. Mais le risque d'une guerre civile
s'accroît en effet. »
Rice n'a pas dit quels « autres »
moyens Washington envisagerait. Ceci a toutefois été précisé par le colonel
Riad al-Assas, commandant de l'Armée syrienne libre (ASL) qui est soutenue à la
fois par la Turquie et les Etats-Unis et qui lance des opérations militaires
continues à l'intérieur de la Syrie. Al-Assad a dit, « Il n'y a pas
d'autre voie » à part l'action militaire contre Assad, en ajoutant :
« Ce régime ne comprend pas le langage politique. Il ne comprend que le
langage de la force. »
Les affirmations des responsables américains
et européens selon lesquelles ils recherchent une voie pacifique pour résoudre
la crise en Syrie sont des mensonges éhontés. Après avoir soutenu l'ASL et des
forces « rebelles » similaires pro-occidentales dans une guerre
civile qui ne cesse de s'intensifier à l'intérieur de la Syrie depuis des mois,
ils décident à présent de soutenir ouvertement ces forces et, tout comme
l'année dernière dans le cas de la guerre de l'OTAN contre la Libye, ils
cherchent à écraser le régime.
Les projets de Washington ont été révélés
dans un discours prononcé dimanche par la secrétaire d'Etat américaine, Hillary
Clinton, à Sofia en Bulgarie. Exigeant la démission d'Assad et promettant de
« redoubler nos efforts en dehors des Nations Unies, » elle a dit que
les Etats-Unis appliqueraient des sanctions « pour assécher les sources de
financement et les livraisons d'armes qui permettent à la machine de guerre du
régime de continuer à fonctionner. »
Elle a ajouté, « Nous travaillerons
avec les amis d'une Syrie démocratique partout dans le monde pour soutenir les
projets de changement politique pacifique de l'opposition. Nous oeuvrerons pour
fournir toute l'aide humanitaire que nous pouvons. »
Le journal Sydney Morning Herald a
noté que de telles propositions suggéraient la prochaine « formation d'un
groupe officiel d'Etats partageant les mêmes vues pour coordonner l'aide
apportée à l'opposition syrienne, comparable au Groupe de contact sur la Libye
qui avait supervisé l'aide internationale pour les opposants du dirigeant
libyen déchu décédé, Mouammar Kadhafi. »
L'« aide humanitaire » fournie par
les membres du groupe aux « rebelles » libyens avait été largement
diffusée dans la presse comme comprenant des livraisons secrètes d'armes. La
guerre libyenne a pris fin avec le bombardement de Tripoli et de Syrte,
l'assassinat extra-judiciaire de Kadhafi et environ 80.000 victimes libyennes.
Les Etats-Unis et leurs alliés ne
s'orientent pas seulement vers un nouveau conflit catastrophique avec la Syrie,
mais potentiellement avec des puissances plus grandes telles l'Iran et la
Russie. La menace de Clinton de bloquer les livraisons d'armes à la Syrie
intensifiera les tensions des Etats-Unis avec les deux pays qui ont expédié
soit par transport routier soit par la mer Méditerranée des armes à Assad. Le
mois dernier, la Russie avait aussi dépêché son porte-avions Admiral
Kuznetsov et des navires d'escorte pour patrouiller dans les eaux syriennes
et se rendre dans le port syrien de Tartous qui abrite une base navale russe.
La Russie et la Chine ont défendu leur veto
de la veille à la résolution de l'ONU. Le ministre russe des Affaires
étrangères, Sergei Lavrov, a critiqué les « réactions au vote sur la Syrie
au Conseil de sécurité des Nations Unies qui ont un caractère, je dirai,
indécent et presque hystérique. »
Un éditorial du journal chinois People's
Daily a justifié le veto de la Chine à la résolution de l'ONU en remarquant
que l'OTAN avait « profité » de la résolution 1973 de l'ONU contre la
Libye l'année dernière pour fournir « des armes à feu à l'une des parties
en guerre. La promesse de protéger les civils a-t-elle été tenue ? »
Lavrov se rend aujourd'hui en Syrie en
compagnie du directeur du Service de renseignement extérieur, Mikhail Fradkov,
pour des pourparlers avec Assad. Le ministère russe des Affaires étrangères a
diffusé un communiqué déclarant que la Russie « entend fermement chercher
la stabilisation la plus rapide de la situation en Syrie sur la base de
l'application la plus rapide des réformes démocratiques dont le moment est
venu. »
Les médias américains se sont demandé si ces
remarques pourraient être un signal que le Kremlin a décidé d'accepter une
« sortie contrôlée » d'Assad et un alignement derrière l'intervention
américaine.
Hier, Washington a aussi entrepris une série
de démarches menaçantes contre l'Iran. Obama a signé un décret renforçant les
sanctions contre l'Iran et sa banque centrale qui supervise les transactions
concernant les exportations pétrolières essentielles de l'Iran. Le décret
empêche le virement, le paiement, l'exportation ou le retrait, à partir de
l'Iran ou vers l'Iran, de tous les capitaux jugés sous contrôle américain, y
compris les filiales étrangères des banques américaines.
Obama a ajouté que Washington travaillerait
« en étroite collaboration » avec Israël contre le programme
nucléaire iranien. Israël a, à plusieurs reprises, menacé d'attaquer l'Iran et
il est fortement présumé qu'il se trouve derrière une vague d'assassinats de
scientifiques nucléaires iraniens.