Les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et
la Ligue arabe font pression sur le Conseil de sécurité des Nations unies
pour l’adoption d’une résolution sur la Syrie en niant qu’elle est destinée
à ouvrir la voie à un changement de régime et à une intervention de l’armée
occidentale en Syrie.
C’est un mensonge. Alors que les puissances
impérialistes et leurs mandataires contribuent à armer les forces
« rebelles » qui sont engagées dans une guerre civile qui s’aggrave en
Syrie, elles tentent simultanément d’intimider la Russie et la Chine qui
sont opposées à l’intervention, les rendant responsables de l’aggravation du
carnage en Syrie.
La résolution exige explicitement un changement de
régime, en pressant le président Bashir al-Assad à démissionner au profit de
son adjoint et à préparer la voie à des élections multipartites.
Le débat sur la résolution de la Ligue arabe est
au point mort, avec la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité,
censée la voter. Le 1er février, des diplomates à l’ONU en quittant les
négociations à la fin de la journée, ont dit que des « divergences clé »
subsistaient entre les différents pays.
Dans une offensive de propagande, des
personnalités politiques influentes ont, les unes après les autres, mêlé des
demandes de changement de régime à des assurances qu’aucune opération du
style de l'opération en Libye n'est envisagée pour y parvenir.
La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton,
a déclaré que le « règne de la terreur » d’Assad prendrait fin mais a
affirmé qu’il n’y avait aucune intention « d’intervenir militairement. »
Le ministre français de la Défense, Alain Juppé, a
qualifié de « mythe » l'idée d'une intervention étrangère.
Le ministre britannique des Affaires étrangères,
William Hague, a dit, « La résolution n'appelle pas à une action militaire
et ne pourrait pas servir à en autoriser une, » mais il a prévenu que « des
mesures seront envisagées par le conseil s’il n’y a pas un arrêt immédiat
des violences. »
Moscou a rejeté ces assurances. Le ministre russe
des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a catégoriquement refusé d’assister
à la réunion. La porte-parole de Clinton a dit que Lavrov n’était pas
disponible lorsqu’elle l’avait appelé pour discuter de la situation.
Lavrov a mis en garde que la résolution pourrait
entraîner « une autre Libye. » Si l’opposition « refuse de s’asseoir à la
table des négociations avec le régime, » a-t-il demandé, « quelle est
l’alternative ? Bombarder le régime ? J’ai déjà vu cela avant. Je peux
garantir que le Conseil de sécurité n’approuvera jamais cela. »
L’ambassadeur de Russie auprès de l’ONU, Vitali
Tchourkine, a déclaré, « La communauté internationale ne devrait pas se
mêler en imposant des sanctions économiques ou en ayant recours à la force
armée. »
L’ambassadeur chinois auprès de l’ONU, Li Baodong,
s’est déclaré fermement opposé à « un changement forcé du régime en Syrie,
qui violerait les principes de base de la charte de l’ONU et des normes
fondamentales guidant les relations internationales. »
Le projet est présenté comme une proposition pour
un transfert de pouvoir pacifique, déclarant que le Conseil de sécurité
« réaffirme son engagement ferme d’assurer la protection de la souveraineté
syrienne, de son indépendance, de son unité et de son intégrité territoriale
en vue d’un règlement pacifique de la crise syrienne en insistant que rien
dans cette résolution ne contraint les Etats à recourir à l'utilisation de
la force ou à la menace de la force. »
Cependant, alors que le projet n’appelle pas à une
intervention militaire, il ne l’exclut pas non plus. Au contraire, il promet
« de revoir l’application de cette résolution dans les 15 jours et dans le
cas où la Syrie ne respecte pas ses engagements, d’adopter de nouvelles
mesures, en consultation avec la Ligue des Etats arabes. »
C’est la Ligue des Etats arabes qui avait fourni
aux Etats-Unis un casus belli contre la Libye lorsqu’elle avait
approuvé la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne, conduisant aux
bombardements et à l’intervention militaire de l’OTAN.
C’est pourquoi, avant-hier, Vladimir Chizhov,
l’envoyé russe auprès de l’Union européenne, a réitéré l’exigence que la
résolution inclue « la chose la plus importante : une clause claire excluant
la possibilité que la résolution puisse être utilisée pour justifier une
intervention militaire de l’extérieur dans les affaires syriennes. »
En coulisses, les Etats-Unis ont fait de très gros
efforts pour courtiser le soutien de la Russie. Le journal Financial
Times a rapporté que, « Les dirigeants de l’opposition syrienne ont
rejoint les responsables occidentaux et arabes à New York pour faire
pression sur Moscou. Burhan Ghalioun, chef du Conseil national syrien,
principal groupe d’opposition, a rencontré lundi l’ambassadeur russe auprès
de l’ONU pour réaffirmer que les intérêts de la Russie seraient préservés
dans l’ère post-Assad.
Le gouvernement russe a jusqu’à ce jour refusé les
assurances américaines sur la Syrie.
La Syrie est le principal allié de la Russie dans
la région. Elle a signé des contrats avec Damas dans le secteur de la
défense et du pétrole dont la valeur s’élève à plusieurs milliards et sa
seule base en Mer Méditerranée est située au port de Tartous. De plus, la
Russie comme la Chine savent que les efforts entrepris pour évincer Assad ne
sont qu’un moyen d’isoler la principale cible de Washington, l’Iran, dans le
but de garantir l’hégémonie incontestée sur les richesses pétrolières au
Moyen-Orient et dans le bassin de la mer Caspienne.
Ce mois-ci, Moscou a envoyé trois navires de
guerre à Tartous y compris son unique porte-avions. Les Etats-Unis, la
Grande-Bretagne et la France ayant déployé six navires de guerre dans le
détroit d’Hormuz, dirigé par le porte-avion USS Abraham Lincoln après la
menace de l’Iran de fermer le canal, le danger d’une guerre régionale ne
pourrait être plus évident.
Des projets pour une intervention militaire en
Syrie sont déjà en cours.
Les Etats-Unis collaborent avec les Etats du
Golfe, menés par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie pour déstabiliser
le régime Assad. L’armée syrienne libre (ASL) et ses partisans politiques au
sein du Conseil national syrien (CNS) jouent un rôle de couverture pour
leurs opérations militaires. Dans la période précédant la réunion du Conseil
de sécurité de l’ONU, l'ASL a intensifié son offensive dans les quartiers de
Damas et de la ville de Hama.
Les médias américains se demandent ouvertement si
l'ASL devrait être armée par le gouvernement Obama. La chaîne CNN a posé la
question : « Quelle genre d’assistance les Etats-Unis et leurs alliés
peuvent-ils et devraient-ils fournir à l'ASL comme partie intégrante de la
stratégie d’aider le président Obama à parvenir à l’objectif, présenté en
août dernier, d’obliger Assad à ‘céder la place’ ? Ou bien Washington
devrait-il passer aux alliés régionaux le contrat pour une telle assistance
en sous-traitance … »
Nicholas Blandford a écrit dans un article paru
dans le Christian Science Monitor, « L’armée syrienne libre : un
meilleur outil que l’ONU pour renverser Assad de Syrie ? »
« Insister en faveur d’une résolution de l’ONU sur
la Syrie est l’une des dernières démarches que la communauté internationale
peut entreprendre avant de réfléchir plus sérieusement à une solution
militaire que certains militants syriens sont déjà en train de préconiser
ouvertement, » a-t-il déclaré.
Il cite « le militant syrien basé aux Etats-Unis,
Ammar Abdulhamid », représentant de la fondation néoconservatrice Défense de
la Démocratie, qui affirme qu’une, « résolution n’est plus nécessaire et
pourrait même être contre-productive… Ce qu’il faut à ce stade c’est la
capacité et la volonté de fournir aux rebelles le matériel et le soutien
logistique nécessaires et de fournir aux dirigeants des protestataires la
formation et les conseils requis pour qu'ils dirigent eux-mêmes la période
transitionnelle.
Il existe d'abondantes preuves que les Etats-Unis
arment l'ASL, et des reportages faisant état de l'arrivée à Iskenderum près
de la frontière syrienne, d’avions de guerre de l’OTAN banalisés, livrant
des volontaires libyens et des armes, et de forces spéciales américaies,
françaises et britanniques pour assurer l’entraînement.
La Turquie a clairement indiqué qu’elle soutenait
une solution militaire. Le président Abdullah Gül a dit au journal Zaman
le 31 janvier que la Syrie était à présent arrivée à « un point de non
retour. »
« La fin viendra à coup sûr, » a-t-il dit. Si
« les dirigeants autoritaires » ne procèdent pas à des réformes, une
« intervention étrangère sera inévitable. »
La Turquie est la base d’opération du CNS et de l'ASL.
Elle se présente maintenant comme le point de ralliement du Hamas, assurant
soi-disant un financement à hauteur de 300 millions de dollars. L'équipe
dirigeante du Hamas, groupe sunnite provenant des Frères musulmans, a déjà
quitté Damas. Il entretient des liens étroits avec l’opposition syrienne qui
est également dominée par les Frères musulmans.
(Article original paru le 2 février 2012)