Le veto sino-russe à la résolution de l'ONU
ouvrant la voie à une intervention en Syrie a provoqué une réaction furieuse
des États-Unis et de leurs alliés impérialistes.
Susan Rice, ambassadrice américaine auprès
des Nations Unies et représentante influente des va-t-en-guerre des
« droits de l'homme » qui exigent l'acceptation universelle des
manigances de l'impérialisme américain, a qualifié la décision des émissaires
du veto de « honteuse et écourante » et dit d'un ton menaçant que
c'était « une décision qu'ils [la Russie et la Chine] viendront à
regretter ».
La secrétaire d'État, Hillary Clinton, a qualifié le vote de
« farce » qui a « castré » l'ONU.
La France, ne voulant pas être en reste dans
la poursuite d'objectifs impérialistes dans un pays sur lequel elle a exercé
une tutelle coloniale pendant un quart de siècle, a réagi avec la même attitude
belligérante. Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a déclaré que
le double veto était une « sorte de tache morale » sur les Nations
unies et le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a décrit la Russie et la
Chine comme des pays qui « méritent des coups de pied au cul. »
On n'avait entendu aucune inquiétude de ce
genre sur une « neutralisation » de l'ONU ou des « taches
morales » lorsque la délégation américaine avait à maintes reprises émis
des vetos aux résolutions dénonçant l'agression par son principal allié dans la
région, Israël, au moment où celui-ci menait des guerres contre des populations
sans défense au Liban, à Gaza et en Cisjordanie, coûtant la vie à des milliers
de civils.
La moralité et les droits de l'homme n'ont
rien à voir avec cela. L'indignation émanant de Washington et des capitales de
l'Europe de l'Ouest porte sur le fait que Moscou et Beijing refusent de
s'aligner derrière la stratégie de l'impérialisme américain visant à
réorganiser le monde selon ses propres intérêts et ceux de l'élite financière.
Les soi-disant « principes »
sous-jacents à l'initiative américaine - à savoir que les principales
puissances impérialistes ont le droit d'intervenir et de renverser les
gouvernements des anciens pays coloniaux qu'ils jugent coupables de violer les droits
de l'homme - sont en contradiction totale avec le droit international. Comme
pour tout le reste, l'aristocratie financière américaine établit les règles du
jeu au fur et à mesure qu'elle avance.
Le raisonnement des gouvernements russe et
chinois est assez clair. Ils voient les États-Unis se présenter une fois de
plus en champions de la démocratie et des droits de l'homme alors qu'ils mènent
une campagne d'agression incessante visant à transformer l'Iran et la Syrie,
tous deux des partenaires commerciaux et stratégiques clé de Moscou et de
Beijing, en États coloniaux fantoches de l'impérialisme américain.
L'enjeu pour la Russie est la perte de
l'unique allié qui lui reste dans le monde arabe, ainsi que des contrats
d'armement s'élevant à plusieurs milliards de dollars, l'accès de sa marine à
son unique port sur la Méditerranée et des dizaines d'autres milliards de
dollars en investissement. La Chine a des intérêts similaires, bien que
moindres, en Syrie. Les deux pays reconnaissent toutefois que la Syrie a été
ciblée pour un changement de régime dans le cadre d'une campagne plus large
visant à renverser le gouvernement d'Iran, fournisseur clé d'énergie de la
Chine, et à placer sous hégémonie américaine la totalité de la région riche en
pétrole et stratégiquement cruciale qui s'étend du golfe Persique à la mer
Caspienne.
Le modus operandi de la poursuite de ces
objectifs impérialistes n'est désormais que par trop familier. Un régime ciblé
est dénoncé à l'aide d'allégations hypocrites de violation des droits de
l'homme, puis les États-Unis et leurs alliés promeuvent la guerre civile dans
le pays pour ensuite utiliser l'inévitable répression comme prétexte à une
intervention.
Ce fut la recette utilisée avec succès en
Libye, soi-disant pour protéger la population civile, après l'abstention de la
Russie et de la Chine qui n'avaient pas exercé leur droit de veto à une
résolution autorisant la mise en place d'une « zone d'exclusion
aérienne ». Cette résolution avait ensuite servi de caution
pseudo-juridique à une guerre d'agression coloniale des États-Unis et de
l'OTAN, impliquant le bombardement incessant de la Libye. Des forces spéciales
et des agents secrets avaient mené les prétendus rebelles au renversement et
finalement à l'assassinat de Mouammar Kadhafi.
Les sentiments de défense des « droits
de l'homme » exprimés par Obama, Clinton, Rice et les autres ont la même
sincérité que la réaction d'indignation d'Adolf Hitler face aux prétendus
crimes commis par la Tchécoslovaquie à l'égard des Allemands des Sudètes.
Et pourtant, ces sentiments assument une
fonction politique cruciale. La croisade en faveur des droits de l'homme est le
moyen par lequel toute une couche sociale de membres jadis de gauche et
libéraux des sections les plus aisées de la classe moyenne, une base clé du
Parti démocrate, a abandonné l'attitude anti-guerre qu'elle avait adoptée sous
le gouvernement Bush et s'est largement intégrée dans la course à la guerre
impérialiste sous Obama.
L'animatrice du magazine d'information de la
chaîne MSNBC, Rachel Maddow, est caractéristique de cette couche. On l'a vue
mardi matin dans l'émission de télévision « Today » diffusée sur NBC
où elle a déclaré que « le monde entier » s'est rangé contre l'Iran
et que « tout le monde s'attend à ce qu'Israël prenne l'initiative »
de l'attaque contre le programme nucléaire du pays.
Le « monde entier » est, pour
Maddow et ses pairs, représenté par les gouvernements capitalistes des États-Unis
et de l'Europe occidentale et exclut sans doute la Russie, la Chine et l'Inde,
qui englobent près de la moitié de la population de la planète, sans mentionner
les centaines de millions de travailleurs de par le monde qui sont opposés à
une nouvelle guerre encore plus meurtrière au Moyen-Orient.
De plus en plus, tant le langage que la
pratique de la politique internationale, employés par les États-Unis et leurs
alliés, reprennent les méthodes qui ont caractérisé les périodes précédant 1914
et 1939. Dans la situation d'une crise capitaliste mondiale qui dure,
l'humanité une fois de plus est confrontée à la menace d'une guerre mondiale.
La seule force sociale capable de répondre à cette menace est la classe
ouvrière internationale, mobilisée sur la base d'un programme socialiste pour
mettre un terme aux causes de la guerre, à savoir le système capitaliste.