Dans une interview sur la chaîne de télévision
Canal Plus, le 12 février, François Hollande, candidat du Parti socialiste à
la présidentielle à venir, a proposé comme « solution » à la présence en
France de citoyens Roms de l'Union européenne «qu'on crée des camps....pour
les accueillir. »
L'association du terme « solution » par rapport à
des groupes ethniques spécifiques et « camps spéciaux » ne peut que rappeler
la période du régime nazi en Europe durant laquelle non seulement les Juifs
et les homosexuels, mais aussi les Roms et les gitans étaient raflés et
envoyés dans des camps d'extermination. Nombreux sont les Français qui ont
fait ce rapprochement.
Hollande a demandé que soient instaurées « des
règles européennes pour éviter que nous reconnaissions cette circulation
encore et encore [des Roms.] Ensuite, qu’il y ait des camps qui puissent
être ceux de notre propre décision,c’est-à-dire éviter que ces populations
s’installent n’importe où ….permettre à ces populations de revenir en
Roumanie, et pas de, ensuite, arriver en Roumanie et de revenir ensuite en
France. »
Pour le dire de façon plus concrète, les Roms
seraient raflés et après le démantèlement de leurs campements improvisés,
ils seraient renvoyés en Roumanie. C'est la même politique que celle menée
actuellement par le gouvernement droitier du président Nicolas Sarkozy.
L'innovation du « socialiste » Hollande est de
suggérer la construction de camps d'internement puis d'empêcher le retour
des Roms par une sorte de contrôle aux frontières. Hollande attaque ainsi la
liberté de circulation au sein de l'UE de ces citoyens européens, liberté
qui était l'une des rares mesures progressistes provisoirement concédées par
le capitalisme européen dans l'accord de Schengen de 1985.
Les députés de l'UMP (Union pour un mouvement
populaire) au pouvoir se sont rués sur la déclaration de Hollande pour
justifier la brutalité de la politique actuelle du gouvernement. A la radio
RTL, la ministre de l'Apprentissage Nadine Morano, d'un racisme fanatique, a
déclaré qu'elle était «profondément choquée » par cette «proposition
totalement ubuesque... Nous, nous avons mis en place le démantèlement
des camps des Roms avec les procédures judiciaires, conformément à la loi
française» alors que «M. Hollande propose la création de camps de
Roms en France. »
Quelque 12 000 à 15 000 Roms, ressortissants de
Roumanie et de Bulgarie, sont venus légalement en France depuis que leur
pays a rejoint l'Union européenne en 2007. Selon la BBC, dix autres pays de
l'UE, dont l'Allemagne, l'Italie, le Danemark et la Suède, qui ont aussi
accueilli des Roms, sont également en train de mettre en place des mesures
de déportation. Les mesures adoptées par un certain nombre de pays
européens, dont la France, limitent l'accès au travail et au droit de séjour
pour les immigrés roumains et bulgares jusqu'au 12 décembre 2013, date à
laquelle ces restrictions prendront fin. Il apparaît clairement que Hollande
ne veut pas voir ces restrictions prendre fin, il souhaiterait plutôt les
étendre et les renforcer.
Il est difficile de faire une distinction entre
les déclarations de Hollande et le tristement célèbre discours de Grenoble
de Sarkozy prononcé le 30 juin 2010: « Nous allons donc évaluer les droits
et les prestations auxquelles ont aujourd’hui accès les étrangers en
situation irrégulière…La règle générale est claire : les clandestins doivent
être reconduits dans leur pays, » a dit Sarkozy. Le ministre de l’Intérieur
a déjà été chargé de « mettre un terme aux implantations sauvages de
campements de Roms. Ce sont des zones de non-droit qu’on ne peut pas tolérer
en France. »
La commissaire à la Justice, aux droits
fondamentaux et à la citoyenneté de l'UE, Viviane Reding, avait accusé le
gouvernement Sarkozy de «discrimination fondée sur l'origine ethnique ou la
race » et de remettre en question «les valeurs et les lois communes à notre
Union européenne. » Elle avait qualifié la politique française de «honte. »
Elle avait implicitement comparé les actions du gouvernement français à
celles des fascistes durant la Deuxième guerre mondiale. Puis elle avait
fait marche arrière et Sarkozy avait été en mesure de poursuivre cette
«honte. »
Hollande est actuellement en train de justifier la
pratique courante des municipalités dirigées par le Parti socialiste
concernant les campements Roms. Essonne Info rapporte le 13 février que son
directeur de campagne Manuel Valls, maire d'Evry, a demandé par arrêté
municipal au préfet de faire évacuer par la force les enfants et leurs
parents et de faire intervenir les bulldozers. Il n'existe aucun rapport
laissant entendre que le maire leur ait proposé un hébergement alternatif.
La discussion concernant la fermeture des
frontières entre pays de l'UE s'est enflammée en 2011 lorsque des réfugiés
tunisiens fuyant par l'Italie la répression d'Etat et la destruction des
conditions de vie dans leur pays, avaient été empêchés par le gouvernement
français de traverser la frontière italienne, où ils se trouvaient en toute
légalité, pour entrer en France où un grand nombre d'entre eux avait de la
famille et des amis.
L'annonce de la « solution » de Hollande
concernant les Roms est venue juste quelques jours après la controverse crée
par le député de Martinique Serge Latchimi sur les propos du ministre de
l'Intérieur Claude Guéant qui avait déclaré que certaines civilisations
étaient supérieures à d'autres. Latchimi avait dit que ces propos se
rapprochaient du nazisme. Hollande avait refusé de soutenir la position de
Latchimi.
Hollande en appelle aux éléments les plus arriérés
de la société française et se distance des larges couches de la population
qui sont profondément opposées à la brutalité des attaques de l'Etat contre
les droits de l'Homme.
Lorsqu'il est accusé de manquer de fermeté envers
les immigrés clandestins, Hollande se plaît à citer son programme électoral:
«Je conduirai une lutte implacable contre l’immigration illégale... Les
régularisations seront opérées au cas par cas sur la base de critères
objectifs.»
Le candidat du Parti socialiste n'a fait aucune
critique des actions dont s'enorgueillit le ministre de l'Intérieur Claude
Guéant qui a expulsé 32 912 sans-papiers en 2011, soit une hausse de 17,55
pour cent par rapport aux 28 026 de 2010.
Répondant à une remarque de Sarkozy qui suggérait
que Hollande était en faveur de la régularisation massive des sans-papiers,
Mireille Le Corre chargée de la politique d' « immigration-intégration » du
Parti socialiste précise avec insistance: « François Hollande … [ne s'est
pas engagé] pour procéder à des régularisations massives mais pour rétablir
une procédure juste et transparente. Les étrangers dont la situation ne
correspond pas à une régularisation possible feront l'objet de procédures
d'éloignement, dans des conditions qui respectent leurs droits et leur
dignité. »
Les positions anti-immigrés de Hollande sont
renforcées par le fait que l'ensemble de la « gauche » bourgeoise et
petite-bourgeoise, Parti socialiste, Parti communiste, Parti de Gauche et
Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), ont travaillé activement avec Sarkozy
dans ses campagnes islamophobes pour interdire la burqa et avant cela, le
voile islamique dans les établissements scolaires. Ils se mobilisent tous à
présent derrière Hollande pour l'élection présidentielle d'avril-mai pour
permettre à la bourgeoisie française de surmonter la crise économique en
détruisant les droits et le niveau de vie de la classe ouvrière, ce que l'on
voit se produire aujourd'hui en Grèce.
(Article original paru le 24 février 2012)