Les dirigeants
des partis politiques constituant la coalition gouvernementale grecque
rencontreront plus tard dans la journée le premier ministre, Lucas Papademos,
pour lui donner leur réponse sur les vastes mesures d'austérité exigées en
échange d'un nouveau renflouement de 130 milliards d'euros.
En l'absence d'un accord sur les exigences
imposées par ce que l'on appelle la troïka - la Commission européenne, la
Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international - la Grèce
pourrait déjà faire défaut sur ses prêts dès le mois prochain.
Intervenant dimanche après de longs
pourparlers avec Papademos, les dirigeants des trois partis au gouvernement ont
dit qu'ils n'avaient pas accepté les exigences de vastes réductions.
Les mesures sont supposées inclure une
réduction de 25 pour cent du salaire minimum dans le secteur privé et une
réduction de 35 pour cent des retraites complémentaires. De plus, les
entreprises contrôlées à 100 pour cent par l'État pourraient être fermées,
entraînant des pertes d'emplois immédiates et le licenciement de 150.000 postes
dans le secteur public d'ici 2015.
Alors qu'un accord final n'a pas été conclu,
Papademos a dit que les partenaires de la coalition étaient tombés d'accord sur
certaines « questions fondamentales, » dont la réduction cette année
des dépenses publiques de l'ordre de 15 points de pourcentage du produit
intérieur brut, soit environ 4 milliards d'euros.
Toutefois, redoutant visiblement des
conséquences politiques, les membres de la coalition ont exprimé leur
opposition quant à l'ampleur des récentes exigences de la « troïka. »
À l'issue des négociations, Antonis Samaras,
dirigeant du soi-disant parti de centre-droit Nouvelle Démocratie, a dit :
« Ils demandent plus de récession que le pays ne peut en supporter. »
Samaras a mis en garde que les réductions de salaire aggraveraient la
dépression qui dure déjà depuis cinq ans.
George Karatzaferis, dirigeant du parti
droitier Laos, partenaire minoritaire de la coalition, a été le plus explicite
sur les éventuelles conséquences. « Je ne vais pas contribuer à une
révolution qui nous humiliera et qui incendiera l'Europe, » a-t-il dit.
La semaine passée, le dirigeant du parti
Laos avait prévenu du risque d'une « explosion sociale » en Grèce
suite aux coupes sociales. Dans une lettre adressée au président de la
Commission européenne, José Manuel Barroso, il avait dit que la prochaine série
de mesures d'austérité causerait un effondrement économique et des troubles
sociaux « d'un genre que l'Europe n'avait pas vu depuis des
décennies. »
Karatzaferis a ajouté : « Les
réformes ne peuvent pas se faire à la pointe du fusil, notamment lorsqu'elles
requièrent la participation de la structure complexe de l'ensemble de la
société. C'est une bombe à retardement pour l'ensemble du monde
occidental. »
Le ministre des Finances, Evangelos
Venizelos (parti socialiste), cherche à parvenir à un accord concernant les
coupes sociales selon l'argument que l'alternative - la faillite - serait pire.
« Oui, c'est terrible d'imposer des réductions des retraites et des
salaires, mais ce que nous tentons d'éviter est indescriptible, » a-t-il dit
en réponse aux critiques à l'égard des mesures proposées.
La réduction du salaire minimum verrait ce
salaire passer d'à peu près 1.000 dollars (760 euros) à 750 dollars (580 euros)
par mois, soit à peu près le même niveau qu'au Portugal. Ceci aura un impact
dévastateur sur de vastes couches de la population dans une situation où les
prix à la consommation sont relativement élevés. Le carburant par exemple se
vend à environ 8 dollars (6 euros) le gallon (3,8 litres). Le taux de chômage
est déjà de 20 pour cent en Grèce, tous les jours des commerces mettent la clé
sous la porte et le nombre des sans-abri est en hausse.
La réduction des salaires est mise en avant
sous prétexte qu'elle est nécessaire pour améliorer la compétitivité. Ces
affirmations sont toutefois contestées. « L'effet sur la compétitivité est
minime, mais l'impact social est énorme, » a dit au New York Times
l'économiste Yannis Stournaras.
Les récentes réductions font partie d'un
paquet de 4,4 milliards d'euros de réductions que la « troïka » veut
voir introduire sur le champ. Faute d'un accord, la Grèce se rapprochera d'un
pas de plus du défaut de remboursement d'obligations s'élevant à 14,5 milliards
d'euros et arrivant à échéance le 20 mars prochain. Un défaut de paiement
pourrait déclencher une crise dans l'ensemble de la zone euro avec le risque de
« contagion » qui s'étend presque immédiatement au Portugal et à
l'Italie. Malgré l'injection de fonds par la Banque centrale européenne dans le
système financier qui avait apaisé en janvier les turbulences sur le marché,
les taux d'intérêt des obligations portugaises sont restés ou ont avoisiné des
niveaux record.
L'aggravation de la crise grecque s'est
accompagnée de mises en garde de la part de responsables européens quant aux
conséquences désastreuses d'un défaut de paiement. De telles déclarations
visent en partie à exercer un niveau de pression maximum sur les partis
siégeant au gouvernement grec. Elles sont aussi le reflet de la crainte que la
crise financière pourrait rapidement se transformer en une spirale hors de
contrôle.
Le dirigeant du groupe des ministres des
Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a dit au magazine Der Spiegel
que la possibilité d'une faillite devrait encourager Athènes à « se faire
des muscles » pour la mise en ouvre des mesures d'austérité.
En plus de la crise relative aux mesures à
long terme, il reste encore à régler la question du montant de la décote
(« haircut ») que les détenteurs d'obligations doivent accepter sur
leurs investissements et qui fait partie de la restructuration de la dette.
Le patron de Deutsche Bank, Josef Ackermann,
a mis en garde ce week-end que l'absence d'accord sur un rééchelonnement
volontaire de la dette de la Grèce pourrait ouvrir « une nouvelle boîte de
Pandore » dans la crise de la zone euro. « Nous nous trouvons dans
une situation de 'ça passe ou ça casse', » a-t-il dit.
Un défaut de la Grèce ne se répercuterait
pas seulement à travers l'Europe, mais pourrait avoir un impact majeur sur les
banques et les institutions financières américaines qui, bien que n'étant pas
fortement impliquées dans des prêts directs, sont confrontées à d'énormes
paiements de couvertures de défaillance (« credit default swaps ») si
la faillite est déclarée.
L'ampleur des mesures d'austérité exigées
est un avertissement à la classe ouvrière quant à la dévastation sociale qui
sera imposée par l'aristocratie financière en Europe et internationalement.