Un article publié par le journal économique
français La Tribune sur une alliance imminente entre General Motors
et la firme française PSA Peugeot-Citroën signale des fermetures d’usines,
des licenciements de masse et des réductions de salaire dans l’industrie
automobile européenne.
Selon La Tribune, le président de PSA,
Philippe Varin, aurait rencontré les patrons de GM durant le Salon de
l’automobile à Detroit en janvier. Une source anonyme a rapporté que des
négociations étaient déjà à un stade « avancé ». La réunion aurait concerné
une « alliance, pas des coopérations ponctuelles » entre la plus grande
entreprise automobile du monde, GM Europe, et le deuxième constructeur
européen, PSA Peugeot Citroën.
Le cabinet de conseil Brunswick consulting, qui
est actuellement engagé par Peugeot et qui travaille aussi pour Opel, a dit
que les modalités de la future coopération n’étaient pas encore claires.
Brunswick a suggéré, qu’« il était probable qu’une attention particulière
sera donnée entre autres au développement d’une plateforme automobile
commune. »
Selon les médias, la réussite des négociations
pourrait donner, lieu début mars à l’occasion du Salon de l’auto de Genève,
à une annonce sur un accord entre GM et PSA.
Peugeot collabore d’ores et déjà étroitement avec
des concurrents dont Fiat, BMW, Mitsubishi et Toyota. Mais la coopération
est limitée à certaines sections de la production, par exemple les moteurs
et certains modèles particuliers. L’alliance à présent envisagée par GM vise
à aller bien au-delà.
La Tribune, prévient que cette alliance n’ira pas
« sans faire de mal ». Elle pourrait provoquer « une forte casse sociale sur
le vieux continent. »
General Motors a considérablement sapé les
conditions de travail ces dernières années aux Etats-Unis en imposant des
réductions de salaire allant jusqu’à 50 pour cent. A présent, les usines de
construction automobile en Europe doivent être américanisées. La
collaboration entre Fiat et Chrysler a déjà occasionné l’année dernière de
brutales coupes des salaires et des prestations sociales.
A présent, les pertes de PSA et d’Opel-Vauxhall
doivent être rejetées sur leurs salariés. La semaine passée, le patron de
PSA, Varin, avait annoncé une perte pour la division automobile de 92
millions d’euros (124 millions de dollars) sur l’année 2011. Le plus
important constructeur automobile français n’a pu écouler qu’environ 3,6
millions de véhicules. Avec 621 millions d’euros (836 millions de dollars),
les bénéfices enregistrés étaient pourtant au même niveau que ceux de
l’année précédente.
Le groupe PSA a déjà réagi aux pertes en
instaurant des conditions de travail plus stressantes et des licenciements
de masse. La semaine passée, les travailleurs de l’automobile de l’usine
d’Aulnay-sous-Bois, dans la banlieue nord-est de Paris, avaient manifesté
contre la fermeture de leur usine, projetée pour 2014. Plus de 3.000
travailleurs y sont employés pour la production de la Citroën C3.
La stratégie de la direction, connue sous le nom
de « compactage » (c’est-à-dire la réduction des capacités de production)
prévoit aussi la fermeture de l’usine de Madrid (2.200 salariés) et de celle
de Sevelnord, près de Valenciennes dans le Nord où PSA coopère avec Fiat,
employant plus de 2.700 personnes.
L’Alliance prévue entre PSA et Opel-Vauxhall
regroupera deux entreprises automobiles européennes qui ont enregistré
toutes deux de larges pertes parce que leurs véhicules sont vendus presque
exclusivement en Europe. Vu que le coût de la crise financière et économique
est rejeté sur le dos de la classe ouvrière en Europe – surtout dans les
pays d’Europe méridionale – et que la récession économique s’y aggrave, de
moins en moins de gens sont à même de s’acheter une voiture.
Opel-Vauxhall vend environ 1,2 million de voitures
par an et l’année dernière les pertes s’étaient élevées à 537 millions
d’euros (747 millions de dollars). L’usine principale à Detroit a par
conséquent annoncé un nouveau programme de réduction des coûts qui sera
appliqué aux dépens des travailleurs en Europe. Il y a deux semaines, le
Wall Street Journal avait cité un responsable anonyme de GM disant :
« Si on veut régler le problème chez Opel, c’est maintenant que ça va se
régler et les réductions seront drastiques. »
Ces réductions comprendront des fermetures
d’usines à Ellesmere Port près de Liverpool (Royaume-Uni) et à Bochum en
Rhénanie-du-Nord/Westphalie (Allemagne). Depuis des mois déjà, les comités
d’entreprise européens ont des discussions avec la direction d’Opel à l’insu
des travailleurs au sujet de réductions supplémentaires tout en attirant
continuellement l’attention sur un accord avec GM qui est censé exclure des
fermetures d’usines et des licenciements jusqu’à la fin de 2014.
En réalité, il s’agit d’un stratagème destiné à
tranquilliser les travailleurs alors que les suppressions graduelles
d’emplois se poursuivent et que les comités d’entreprise acceptent toutes
sortes de dégradation des conditions de travail. L’usine Opel de Bochum en
est un parfait exemple. Le comité d’entreprise y avait signé fin janvier un
accord interne stipulant qu’entre autres choses 90 travailleurs de l’usine
Opel de Gliwice en Pologne seraient provisoirement employés pour trois mois
à Bochum. Ils devraient être rémunérés au même taux que leur salaires
polonais et donc ne recevoir qu’environ 770 euros par mois, en plus d’une
indemnité d’éloignement de 42 euros par jour.
D’ici deux ans au plus tard, plus de 5.000
travailleurs d’Opel et de Vauxhall ainsi que des dizaines de milliers de
travailleurs du secteur de la sous-traitance perdront leur emploi.
Cela a également été confirmé par la visite que le
ministre de l’Economie du Land de Rhénanie-du-Nord/Westphalie, Harry
Voigtsberger (SPD) a rendue au patron d’Opel, Karl-Friedrich Stracke. Une
fermeture de l’usine de Bochum et celle des fournisseurs, pourrait coûter
près de 20.000 emplois. Le ministre, qui fait partie du gouvernement
régional social-démocrate-Verts, a dit vouloir entendre quelque chose
concernant une éventuelle continuation de l’usine de Bochum au-delà de 2014,
parce qu’il craignait des troubles sociaux dans la région. Le fait que
Stracke a délibérément renoncé à lui donner une telle concession sans même
en indiquer la possibilité, indique que la décision concernant Bochum a déjà
été prise.
La bourse et une grande partie des médias ont
réagi positivement à l’alliance imminente entre GM et PSA Peugeot-Citroën
malgré ce que La Tribune a mentionné comme étant une « casse
sociale » concomitante. Le journal Süddeutsche Zeitung a écrit
jeudi : « Contrairement aux fabricants américains, nombre d’entre eux en
Europe ont évité d’utiliser la crise pour prendre un nouveau départ. » Ils
ont la réputation d’être trop grands et trop peu flexibles.
Le journal reprend ainsi la perspective des
patrons de l’automobile américaine et approuve les arguments du président
américain. Lorsque GM a annoncé ses bénéfices record de 7,6 milliards de
dollars en 2011, Barack Obama s’était immédiatement attribué le crédit du
nouveau record. Il a dit que son intervention avait sauvé l’industrie
automobile américaine – et tout spécialement GM. Ce sur quoi lui et les
médias allemands restent silencieux est que le « sauvetage » de l’industrie
automobile du gouvernement était basée sur une réduction de 50 pour cent des
salaires des travailleurs nouvellement embauchés chez Chrysler et General
Motors ainsi qu’une réductions des prestations de santé de tous les salariés
et retraités de GM. De plus, un nombre d’usines automobiles ont été fermées.
Ce genre de « nouveau départ » est à présent
imposé en Europe aussi. L’alliance proposée entre GM et Peugeot-Citroën
déclenchera inévitablement de violentes luttes de classe dans lesquelles la
coopération entre les travailleurs de l’automobile européens et américains
sera extrêmement cruciale.
(Article original paru le 27 février 2012)