Lundi, les sénateurs républicains des États-Unis
John McCain et Lindsey Graham ont rencontré des généraux de la junte
militaire égyptienne qu'ils soutiennent ainsi que des dirigeants du groupe
islamiste des Frères musulmans au Caire. Les deux sénateurs sont membres du
Comité du Sénat chargé des forces armées et font campagne pour armer
l'opposition syrienne et pour un changement de régime à Damas.
La junte égyptienne contre-révolutionnaire, qui
est en train de noyer la révolution égyptienne dans le sang tout en restant
le principal allié de l'impérialisme américain dans le monde arabe, soutient
les préparatifs américains pour une intervention impérialiste en Syrie. La
semaine dernière, des responsables américains de haut rang ont déclaré que
les 1,3 milliards de dollars annuels d'aide militaire américaine à l'Égypte
ne seraient pas revus à la baisse, malgré des dissensions au sujet des ONG
américaines opérant en Égypte.
De passage à Kaboul peu avant leur visite au
Caire, McCain a défendu l'idée d'armer les rebelles syriens par
l'intermédiaire de « pays du tiers-monde » et Graham a dit que la Ligue
arabe, installée au Caire, pourrait être un « conduit » pour l'influence
américaine en Syrie. Ils ont insisté sur le fait que c'était « le devoir et
non le privilège des nations libres de venir à l'aide des Syriens qui sont
massacrés par le régime d'Assad. »
Au Caire, McCain a accordé un entretien à CBS
News, insistant sur le besoin d'armer et de donner une assistance technique
aux rebelles syriens. McCain a comparé la situation à celle de l'année
dernière en Libye, déclarant : « Par exemple, en Libye, sans notre
implication directe, des armes ont été obtenues par les rebelles libyens.
L'une des idées qui étaient dans l'air est une sorte de sanctuaire qui
permettrait aux gens de s'entraîner et de s'équiper. Nous n'avons pas besoin
de faire ça directement. Mais je pense qu'il y a des moyens d'obtenir des
armes pour la résistance et les Turcs ainsi que la Ligue arabe peuvent jouer
un rôle énorme, un rôle très significatif. »
La comparaison avec la Libye est significative. La
junte égyptienne du Conseil suprême des forces armées (CSFA) a aidé à
préparer la guerre impérialiste contre la Libye. Le CSFA aurait fourni des
armes aux rebelles libyens soutenus par l'occident en se coordonnant avec
Washington, même avant que les forces de l'OTAN commencent officiellement à
bombarder la Libye le 19 mars. Alors que les États-Unis préparent une
confrontation militaire avec la Syrie, Washington demande à nouveau les
services de la junte égyptienne.
Tout comme avant la guerre contre la Libye, la
junte n'appelle pas officiellement à une intervention étrangère – en raison
de l'hostilité très répandue contre les guerres impérialistes parmi les
masses égyptiennes – mais il soutient l'isolement voulu par les États-Unis
du régime syrien du président Bashar El-Assad. Dimanche dernier, l'Égypte a
retiré son ambassadeur de Syrie, une mesure immédiatement applaudie par le
gouvernement américain. Cela venait juste après que les régimes
pro-occidentaux de Libye, du Qatar, d'Arabie saoudite et de Tunisie ont
rompu leurs liens diplomatiques avec Damas.
L'alignement de la junte égyptienne sur
l'impérialisme américain contre la Syrie intervient quelques jours seulement
après une prétendue conférence des « Amis de la Syrie » à Tunis prévue pour
vendredi. Il est déjà clair que cette réunion vise à poser les bases d'un
changement de régime et d'une intervention militaire en Syrie. L'hôte de la
réunion, le ministre des affaires étrangères tunisien Rafik Abdessalem du
Parti islamiste Ennahda, a dit lundi qu' « Il doit y avoir un changement
politique radical en Syrie. » Il a ajouté : « Nous croyons que le 24 de ce
mois, nous devrions envoyer un message fort au gouvernement syrien. »
Abdessalem a également dit que « le Conseil
national syrien (CNS) et les autres groupes d'opposition seront présents à
la réunion de Tunis. » Le CNS est un amalgame d'agents de la CIA, de
fondamentalistes islamiques et d'ex-responsables du régime d'Assad, et
appelle à une aide militaire pour l'Armée libre syrienne (ALS), le bras armé
des "rebelles" syriens. Il a été fondé sur le territoire turc, mais se livre
à des attaques contre des bâtiments du gouvernement en Syrie et à des
assassinats d'officiels syriens.
Ces derniers jours, certaines voix parmi les
cercles dirigeants américains se sont demandé si les États-Unis devaient
armer l'ALS. Le président de l'état-major américain, le général Martin
Dempsey, a déclaré dimanche qu'il était « prématuré de prendre la décision
d'armer le mouvement d'opposition en Syrie, » citant des « indications qu'Al
Quaeda est impliqué » dans certaines actions armées contre le régime Assad.
Mardi, cependant, des commentaires de la part de
représentants américains à la Maison-Blanche et au ministère américain des
Affaires étrangères ont réitéré leurs appels à des mesures, non-spécifiées,
contre Assad. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, a dit, «
Nous ne voulons pas prendre des décisions qui contribueraient à une plus
grande militarisation de la Syrie, parce que cela pourrait entraîner le pays
sur une voie dangereuse. Mais nous n'excluons aucun mesure additionnelle. »
La porte-parole du ministère des affaires
étrangères américaines Victoria Nuland, a dit que Washington se concentrait
sur les efforts politiques, mais a ajouté : « Cela dit […] si nous ne
pouvons contraindre Assad par la pression que nous lui imposons tous, nous
pourrions avoir à envisager des mesures additionnelles. »
Ni Carney, ni Nuland n'ont développé exactement en
quoi consistaient les « mesures additionnelles » qui devraient être prises.
Un reportage de l'Associated Press de vendredi s'appuyant sur des
sources anonymes au sein du gouvernement indiquait que les États-Unis
préparaient minutieusement une action militaire en coulisses. Il y est
écrit, « Pour maintenir la pression contre Assad, Washington essaie de
garder autant de pays que possible impliqués dans la coordination
internationale contre le gouvernement de la Syrie – même s'il n'y a aucun
consensus sur l'armement des rebelles. »
L'article de l'AP se poursuit en
mentionnant que la réunion de Tunis « cherchera à clarifier une partie de la
confusion. Les États-Unis veulent obtenir une image plus claire des
promesses que les pays comme les voisins arabes de la Syrie font aux
éléments de l'opposition, quels rebelles chaque gouvernement pourrait
soutenir et trouver un accord sur le genre d'aide qui serait utile ou
malvenue. »
McCain a détaillé plus franchement la voie qu'il
préférerait suivre. Dans l'entretien accordé à CBS, il a déclaré que les
rebelles syriens « ont besoin d'entraînement, ils ont besoin d'équipement, »
par exemple « d'armes anti-chars et d'autres moyens pour remettre à égalité
la situation déséquilibrée sur le terrain. » Ses remarques montrent
clairement que le penchant des États-Unis pour une guerre en Syrie
menacerait également leurs grands rivaux régionaux et mondiaux. McCain s'est
plaint que « Les Iraniens fournissent déjà des armes et des équipements à
Bashar El-Assad, comme le font les Russes. En ce moment, c'est une situation
asymétrique […] et les rebelles syriens ne reçoivent pas une aide égale. »
L'Iran et la Russie, les deux pays qui ont les
relations les plus étroites avec la Syrie, avec la Chine, sont exclus de la
conférence « les Amis de la Syrie » de vendredi à Tunis. La Chine et la
Russie ont récemment mis leur veto à une résolution du conseil de sécurité
des Nations unies contre la Syrie qui visait à donner une couverture
pseudo-légale à une intervention militaire libyenne en Syrie.
(Article original paru le 23 février 2012)