La conférence des soi-disant « Amis de la
Syrie » qui s'est réunie à Istanbul dimanche dernier représente une
importante escalade dans le complot pour une guerre civile sanglante et les
préparatifs d'une intervention impérialiste directe. Ce qui est envisagé et
activement préparé est un bain de sang qui éclipsera le nombre de personnes qui
sont mortes jusqu'ici dans le conflit syrien et une guerre ayant le potentiel
de déclencher un conflit mondial menaçant des millions de personnes.
Conduite par Washington et ses principaux alliés de
l'OTAN, La Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne, ainsi que l'Arabie
saoudite et les autres monarchies pétrolières réactionnaires du golfe Persique
et la Turquie, cette conférence a produit deux développements majeurs.
Le premier est l'annonce que l'Arabie saoudite, de
concert avec le Qatar, est en train de créer un fonds de 100 millions de
dollars pour rémunérer les « rebelles » de Syrie. Ceci formalise le
statut des groupes armés, connus collectivement sous le nom de Armée syrienne
libre, en une force de mercenaires à la solde des émirats droitiers du Golfe,
alliés de l'impérialisme américain.
Le second est l'annonce par Washington qu'il a mis en
place un fonds pour fournir une aide « humanitaire » à la Syrie ainsi
qu'une aide « non létale » à ces soi-disant rebelles. Ceci va aussi
comprendre, selon les représentants américains, un équipement de communication
satellitaire sophistiqué ainsi que des jumelles pour vision nocturne.
Bien que la secrétaire d'Etat Hillary Clinton ait insisté
pour dire que cela permettrait aux groupes d'opposition armés « de se
protéger » des attaques des forces de sécurité syriennes, cet équipement leur
permettra aussi de conduire des attaques terroristes plus efficaces contre à la
fois des cibles gouvernementales et des populations civiles perçues comme
soutenant le gouvernement. Cela leur permettra aussi de recevoir des
informations exploitables de la part de l'armée et des services du
renseignement américains, ainsi que de drones déployés sur le territoire
syrien.
Ces mesures ont été prises dans la foulée des annonces de
l'envoyé des Nations Unies en Syrie et de l'ancien secrétaire général Kofi, que
le régime syrien du président Bashar al-Assad avait accepté un plan de paix en
six points appelant à un cessez-le-feu, au retrait de l'armée des centres de
population et à un accord politique négocié du conflit vieux d'un an dans le
pays.
L'embauche et le soudoiement de Syriens par des
puissances extérieures en vue de perpétrer des attaques armées contre les
forces gouvernementales, ainsi que la démarche des Etats-Unis de fournir un
équipement ayant pour but de rendre ces attaques plus létales a clairement pour
dessein de faire dérailler les efforts des Nations Unies pour accomplir un soi-disant
« atterrissage en douceur » en Syrie.
L'impérialisme américain et ses alliés ne s'intéressent
qu'à une chose: un changement de régime. Toute la rhétorique prétendant
promouvoir la « démocratie » et la « liberté » est la
façade cynique de cet effort stratégique.
La pose adoptée par Washington, aux côtés des souverains
d'Arabie saoudite et du Bahreïn et de l'émir du Qatar, pour se présenter en
libérateur des masses syriennes et en champion de la démocratie est absurde.
Ces régimes, avec le soutien des Etats-Unis, refusent à leur propre peuple les
libertés politiques élémentaires. Le Bahreïn quant à lui, qui abrite la
cinquième flotte américaine, a procédé à la répression sanglante d'un mouvement
de masse revendiquant la démocratie et l'égalité des droits.
La Syrie a été ciblée pour un changement de régime parce
qu'elle est l'alliée de l'Iran et est quasiment l'unique pays de la région à ne
pas fournir aux Etats-Unis des bases ou à ne pas s'intégrer dans le réseau
d'alliances du Pentagone, dont l'Alliance méditerranéenne de l'OTAN (Algérie,
Egypte, Israël, Jordanie, Mauritanie, Maroc et Tunisie) et l'Initiative de
coopération d'Istanbul, qui comprend les monarchies du golfe Persique du
Conseil de coopération du golfe.
Ces objectifs stratégiques apparaissaient clairement dans
les préparatifs américains pour la conférence d'Istanbul. Avant son arrivée à
Istanbul, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton s'était rendue en Arabie
saoudite pour y obtenir des garanties de production pétrolière accrue visant à
compenser l'impact économique mondial des sanctions américaines qui bloquent
les exportations iraniennes et pour présenter les plans du Pentagone consistant
à placer les émirats pétroliers sous la protection d'un bouclier de missiles
fournis par les Etats-Unis en préparation de la guerre contre l'Iran.
Ce qui motive la politique américaine à l'égard de la
Syrie est une stratégie impérialiste plus large visant à compenser le déclin
économique du capitalisme américain en consolidant l'hégémonie américaine sur
une vaste étendue de territoire allant de la Méditerranée à l'Océan indien et
englobant les régions clés productrices d'énergie du golfe Persique et d'Asie
centrale. C'est dans ce but que Washington a mené deux guerres durant la
décennie précédente, en Afghanistan et en Irak, et prépare maintenant une
troisième attaque, bien plus dangereuse, contre un pays de 74 millions de
personnes qui se tient entre les deux, l'Iran. Une telle guerre aurait des
implications désastreuses non seulement pour les Iraniens, mais pour la planète
toute entière, préfigurant des confrontations encore plus mortelles entre
l'impérialisme américain d'un côté et la Russie et la Chine de l'autre.
En plus des actions majeures consistant à fournir des
fonds et des équipements aux « rebelles » syriens, la conférence
d'Istanbul a reconnu le Conseil national syrien (CNS) comme étant le
« représentant légitime » du peuple syrien. Bien qu'il ait été sacré
agent de Washington, le CNS n'est ni légitime ni représentatif.
Ce ramassis disparate d'islamistes politiques, d'exilés
vieillissants à la solde des agences du renseignement occidental et d'anciens
fonctionnaires du régime, ne reflète pas les aspirations de la masse des
travailleurs syriens. Des millions de travailleurs syriens s'opposent aux inégalités
sociales, à la répression et à la corruption qui caractérisent le régime
d'Assad, mais ils sont hostiles à l'impérialisme et hostiles à la politique
sectaire des Frères musulmans et de leurs sponsors saoudiens.
Ces forces ne promettent qu'une intensification de
l'oppression, des conflits sectaires et la relégation de la Syrie au statut de
semi-colonie.
La classe ouvrière du monde entier doit s'opposer à une
intervention impérialiste et exiger qu'on ne touche pas à la Syrie. Régler
leurs compte avec le régime d'Assad est la tâche des travailleurs syriens et
non des puissances impérialistes prédatrices qui s'apprêtent à plonger le pays
dans un bain de sang sectaire pour piller davantage encore la richesse
pétrolière de la région.