Le
président Bachar el-Assad ayant accepté un plan de paix des Nations unies, les
États-Unis, l'Europe occidentale et la Turquie préparent une rencontre à
Istanbul dans le but d'intensifier la campagne militaire contre la Syrie, pour
provoquer un changement de régime.
Les
soi-disant « Amis de la Syrie », un groupe mené par les États-Unis et
leurs alliés, surtout la France et la Grande-Bretagne, ainsi que la Turquie et
les États réactionnaires du Golfe que sont le Qatar et l'Arabie Saoudite,
doivent rassembler les ministres des Affaires étrangères et les représentants
de quelque 70 pays à Istanbul, le dimanche 1er avril.
Un
porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la France a déclaré
mercredi que le congrès des « Amis » aller poser un
« jugement » sur la mise en vigueur du plan en six points, négocié
par l'envoyé des Nations unies et ancien secrétaire général de l'ONU Kofi
Annan, par le régime d'Assad. Il est presque certain que les puissances
impérialistes et leurs alliés parmi les monarques du Golfe vont établir que
Damas est coupable d'avoir violé l'accord afin de justifier un soutien accru
aux groupes armés qui visent à déstabiliser la Syrie et à renverser Assad.
Le plan en
six points proposé par Annan a été accepté par la Russie et la Chine, elles qui
s'étaient précédemment opposées à deux résolutions du Conseil de sécurité de
l'ONU exigeant le départ d'Assad. Les deux pays s'étaient référés à la
résolution du Conseil de sécurité qui avait imposé l'an dernier une zone
d'exclusion aérienne en Libye, qui avait été exploitée par Washington et l'OTAN
en tant que justification pseudo-légale pour une guerre visant à renverser le
gouvernement de Mouammar Kadhafi.
Toutefois,
le plan d'Annan ne demande pas la démission d'Assad, l'élément clé qui a rendu
possible le soutien de Damas, ainsi que celui de Moscou et de Pékin.
Le plan
demande aux Syriens de « s'engager à mettre fin à tous les combats et de
cesser d'urgence, sous la supervision des Nations unies, toute violence armée,
sous toutes ses formes et par toutes les parties, pour protéger les civils et
stabiliser le pays ». Il affirme la liberté d'association et le droit de
manifester et demande au gouvernement de fournir une « liste
d'endroits » où sont détenus les opposants au régime et de permettre à
l'ONU d'avoir accès à ces lieux.
Le plan
propose d'entamer « un processus politique légitime pour mener à une
transition démocratique », mais exige pour cela du régime Assad qu'il
« nomme un interlocuteur habilité lorsque cela est demandé par l'envoyé
[Annan] ».
Lundi, en
s'adressant à des journalistes à Moscou, Annan a admis qu'Assad pourrait être
obligé de démissionner, ajoutant : « mais ça ne dépend pas de moi, ça
dépend des Syriens ».
Le plan
appelle à la « cessation de violence sous toutes ses formes, sous la
supervision de l'ONU », et déclare que le gouvernement devrait cesser les
mouvements de troupes et le recours à des armes lourdes dans les centres à
haute densité de population, et qu'il devrait commencer à en retirer ses forces
militaires.
Comme
mesure de transition, le plan demande une « pause humanitaire quotidienne
de deux heures » dans les affrontements afin de permettre la distribution
d'aide humanitaire aux villes ravagées par les combats, dans l'objectif d'en
arriver à un cessez-le-feu complet.
Washington
s'est empressé de déclarer que le régime Assad contrevenait à l'accord.
« Assad n'a pas pris les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre »
le plan d'Annan, a dit mercredi aux reporters Victoria Nuland, porte-parole
pour le département d'État. La plupart des médias occidentaux ont mentionné les
reportages sur la poursuite des affrontements en Syrie pour faire le même
point.
Pour sa
part, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a dit aux journalistes lors
d'un vol de Séoul à Téhéran qu'il ne croyait pas qu'Assad mettrait en ouvre le
plan, a rapporté le quotidien Hurriyet mercredi.
Lors d'une
réunion avec le président Barack Obama dans la capitale sud-coréenne, les deux
seraient parvenus à un accord pour fournir une aide « non létale »
aux éléments qui se nomment eux-mêmes l'Armée syrienne libre, lesquels mènent
une campagne armée, qui comprend des attentats à la bombe terroristes, pour
renverser le gouvernement syrien.
Le genre
d'aide « non létale » qui pourrait être fournie à une organisation
qui mène des attentats à la voiture piégée et des assassinats n'a pas été
précisé ni par Istanbul ni par Washington. Le site web du quotidien turc
Radikal a toutefois fourni cette réponse : « Voici ce que disent de
hauts fonctionnaires turcs : l'unification de tous les groupes disparates
indépendants en Syrie, chacun prétendant se nommer l'Armée syrienne libre, sous
un même "commandement et mécanisme de contrôle" et tout ce qui est nécessaire
pour y arriver, y compris les outils et les moyens nécessaires ».
Radikalpoursuit en notantque
lasoi-disantArméesyriennelibredispose
déjà d'uncentre àHatay enTurquiedu sud-ouestprès de la frontièresyrienne, où ila été rapporté queles troupesétrangèresspécialesentraînent et arment des « rebelles » syriens.
Le but du plan d'aide« nonlétale » adopté parObama etErdoganest
d'établir « les communications et la coordination
entrece centre ettous les
groupesportant le même nom ».
Les
États-Unis et les autres puissances de l'OTAN sont déterminés à ne pas permettre
qu'une entente négociée de l'ONU fasse échouer leur volonté d'effectuer un
changement de régime en Syrie par une intervention armée. Les enjeux sont trop
élevés et ils ont déjà trop investi.
Une
préparation clé pour la conférence des « Amis de la Syrie » a été
menée mardi. Une réunionde quelque 300opposantssyriens durégime
Assada été organisée parle
gouvernement turcen collaboration avecle régimedu Qatar en
banlieued'Istanbul.
L'objectif étaitde réunirlesforces disparatesopposées àAssad afin qu'elles acceptent quele Conseil national syrien (CNS) serve
de groupe d'encadrement pouvant être reconnupar lesprincipales puissances impérialistescomme le« seul représentant
légitime du peuple syrien », de la
même façon que leConseil national de transitionlibyenavait été sacrédans
lapériode qui a précédél'éviction
du régime de Kadhafi par l'OTAN.
La
conférence, toutefois, a souligné l'absence de toute cohésion de l'opposition
syrienne ainsi que les dangereuses lignes de faille provoquées par la campagne
qui vise à faire tomber le régime Assad.
Le Conseil
national kurde a été parmi les premiers à quitter la réunion commanditée par la
Turquie et le Qatar, refusant d'accepter la direction du Conseil national
syrien après que celui-ci a bloqué toute intégration de la question kurde dans
une déclaration de principes amorphe qui incarne supposément la vision partagée
des nombreux groupes représentés.
Une déclarationaffirmantlesdroits nationauxdu peuple kurde,
qui constitue jusqu'à 20 pour centde la
populationsyrienne,était
inacceptable pourla direction duCNS, pour ne pas mentionnersesprotecteursturcs.
Le gouvernement turcmènesa propre guerresanglante contreles Kurdesà l'intérieur dela Turquie, laquelle a causéquelque 40 000morts depuis1984.
Le
gouvernement d'Erdogan ne peut accepter une déclaration des droits
constitutionnels des Kurdes syriens - une population qui a fui l'oppression
turque entre les années 1920 et 1940 - par peur que la lutte des Kurdes à
l'intérieur de la Turquie en soit renforcée.
Washington
n'a aucunement l'intention d'intervenir en faveur des Kurdes. Erdogan s'est
vanté après avoir rencontré Obama à Séoul que c'était « agréable de voir
les États-Unis de notre côté dans la lutte contre l'organisation terroriste
séparatiste [kurde]. » Il a dit qu'Obama
a promis de fournir à la Turquie des drones Predator afin d'aider à supprimer
l'opposition kurde.
D'autres
ont quitté la conférence sur l'unité du CNS en protestant sur le fait que
l'organisation est complètement antidémocratique et dominée par les alliés
islamistes de la Turquie au sein des Frères musulmans.
En fin de
compte, la conférence a approuvé un document inoffensif en s'engageant à
appuyer un « État souverain, indépendant, pluriel, civil et
démocratique » en Syrie, tout en ne fournissant aucun programme concret
quant à la façon de le réaliser.
Un
responsable anonyme du gouvernement turc a déclaré au quotidien turc Hurriyet
que c'était suffisant. « S'ils s'entendent sur un document qui met de
l'avant une vision constitutionnelle et qui est approuvée par tout le monde
avant la réunion des Amis de la Syrie qui prendra place à Istanbul le 1er
avril, alors le CNS [pourrait être reconnu]
comme étant le seul représentant légitime du peuple syrien. »
Le
responsable a aussi appelé l'Armée syrienne libre d'arrêter d'agir « comme
des gangs » et de se subordonner au CNS.
Une
indication troublante de la nature de ces « gangs » a été fournie par
le site Web du magazine allemand de nouvelles Spiegel, qui a détaillé les activités
d'un groupe de combattants islamistes qui avait le contrôle du quartier de Baba
Amr dans la ville d'Homs avant qu'elle ne soit reprise par les forces de
sécurité syriennes.
Le
magazine a interviewé plusieurs de ces combattants dans la ville libanaise de
Tripoli. Parmi eux, Hussein, a dit qu'il a été membre d'un escadron de la mort
« rebelle » assigné à l'exécution des soldats du gouvernement
capturés et des autres personnes perçues comme étant partisanes du régime
d'Assad ou considérées comme des espions ou des traîtres. D'après son
témoignage dans le rapport, il disait qu'il avait lui-même décapité quatre
soldats de l'armée avec un couteau.
Il a aussi
rapporté que d'autres « rebelles » étaient affectés à une
« équipe d'interrogation » qui avait torturé leurs prisonniers
jusqu'à ce qu'ils avouent des crimes.
Un
deuxième combattant de l'Armée syrienne libre, Abu Rami, a dit que le groupe
avait exécuté 150 hommes l'été dernier, soit environ 20 pour cent de leurs
prisonniers. « De plus, lorsque nous nous rendons compte qu'un sunnite
nous espionne, nous lui faisons un bref procès », ajoutant que 200 à 250
personnes avaient été exécutées de cette manière.
La Russie
et la Chine ont annoncé qu'elles ne vont pas assister à la conférence des
« Amis de la Syrie » à Istanbul.
« Ses
participants ne cherchent pas un dialogue qui pourrait mettre fin au
conflit », a dit mercredi aux journalistes de Moscou le ministre russe des
Affaires étrangères, Alexander Lukashevich. La Russie a boycotté la réunion du
groupe du 24 février à Tunis pour les mêmes raisons. « Au contraire, elle
pourrait paver la voie à de l'ingérence externe », a-t-il dit.
La Russie
et la Chine savent que derrière la rhétorique des « droits de l'homme »
sur la Syrie, Washington et ses alliés tentent de renverser Assad et d'imposer
un régime dominé par les islamistes sunnites dans le but d'isoler et
d'affaiblir l'Iran en préparation d'une guerre. Le but est non seulement
d'éliminer ce rival régional clé, mais aussi de priver la Russie et la Chine
d'un accès facile aux ressources énergétiques de la région. Conséquemment, il y
a dans l'intervention impérialiste en Syrie la menace de guerres encore plus
importantes.