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Les travailleurs doivent se porter à la défense des étudiants en grève du
Québec
Par Keith Jones
28 avril 2012
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La classe ouvrière à travers le Canada et
internationalement doit venir en aide aux étudiants en grève du Québec.
Depuis onze semaines, des dizaines de milliers d’étudiants des universités
et des cégeps boycottent les cours et organisent des manifestations en
opposition à la hausse des droits de scolarité universitaires de 75 pour
cent que le gouvernement libéral provincial a imposé pour les cinq
prochaines années.
Le gouvernement et l’État, avec le soutien de la
grande entreprise et de ses médias, ont réagi en tentant de criminaliser la
grève étudiante.
Les tribunaux ont prononcé de nombreuses
injonctions pour limiter, quand ce n’est pas interdire complètement, les
piquets de grève étudiants et pour ordonner aux universités et aux cégeps de
donner les cours et de procéder aux évaluations si même un seul élève
voulait assister au cours.
La semaine dernière, le dirigeant du plus grand
syndicat d’enseignants universitaires a accusé le gouvernement de chercher à
embrigader ses membres dans une campagne pour briser la grève en donnant la
directive aux administrations des universités de forcer les professeurs à
donner leurs cours même si leurs étudiants avaient voté en faveur de la
grève. Décrivant une situation digne d’un État policier, le président de la
Fédération nationale des enseignants du Québec a dit que les policiers et
les gardes de sécurité des universités, dont les rangs ont été récemment
grossis, intimidaient ses membres : « Un climat de peur s'installe sur les
campus universitaires, ce qui était inimaginable et qui est absolument
inacceptable. »
Tentant à nouveau de briser la grève, le
gouvernement libéral a organisé des négociations bidon cette semaine. Fidèle
à la position prise par le gouvernement tout au long de la grève, la
ministre de l’Éducation Line Beauchamp a refusé catégoriquement de discuter
du retrait ou même de la modification de la hausse de frais de scolarité.
Elle a plutôt demandé aux représentants des trois associations étudiantes
provinciales d’accepter une amélioration de l’accès au programme de prêts
étudiants du gouvernement, un programme qui est très profitable pour les
banques du pays.
L’étudiant québécois moyen termine déjà ses études
avec des dettes qui dépassent les 15.000 $. De plus, les étudiants du Québec
sont très conscients des niveaux d’endettement beaucoup plus élevés qui
frappent les étudiants ailleurs en Amérique du Nord, surtout aux États-Unis,
où les droits de scolarité sont encore plus élevés.
Au troisième jour des négociations, Beauchamp a
annoncé que le gouvernement excluait la plus militante des trois
associations étudiantes des discussions. Elle a prétexté faire ce geste en
raison d’une manifestation étudiante de la veille à Montréal qui était
devenue violente. En fait, de nombreux témoins, dont des journalistes, ont
soutenu que la manifestation était pacifique jusqu’à ce que la police la
déclare « illégale » avant de s’en prendre aux étudiants.
Durant les deux derniers mois et demi, il est
devenu pratique courante pour les policiers de rendre illégales les
manifestations et de terroriser les étudiants par le poivre de Cayenne, les
gaz lacrymogènes et la matraque. Cette campagne de répression a été
facilitée par les médias, qui publient des reportages indignés sur une
supposée violence étudiante tout en censurant la violence faite par les
policiers. Des journalistes de la droite sont même allés jusqu’à associer la
grève étudiante au terrorisme.
La criminalisation de l’opposition populaire,
particulièrement les luttes de la classe ouvrière, devient la norme au
Canada et internationalement. Le gouvernement conservateur fédéral a à
maintes reprises eu recours à des lois d’urgence pour briser les grèves et
imposer des concessions, notamment aux travailleurs des postes et d’Air
Canada. L’automne dernier, les administrations municipales de Toronto, de
Vancouver et de nombreuses autres grandes villes ont eu recours aux
injonctions des tribunaux et à la police pour mettre un terme aux
protestations du mouvement « Occupons ».
Si le gouvernement du Québec et toute l’élite
canadienne ont été si implacables dans leur opposition à la grève, c’est
qu’ils voient que l’opposition des étudiants à la hausse des frais de
scolarité et leur conception que l’éducation doit être un droit social
constituent un défi implicite à toute leur stratégie de classe.
Tout comme ses rivaux capitalistes aux États-Unis,
en Europe et en Asie, l’élite dirigeante du Canada a réagi à la crise
financière de 2008 en tentant de détruire ce qui reste des gains sociaux
obtenus par la classe ouvrière dans les luttes sociales tumultueuses du
siècle dernier. Les gouvernements à tous les paliers imposent des mesures
d’austérité brutales qui ont pour cibles les services publics essentiels et
les avantages sociaux, notamment l’éducation, la santé et les retraites.
Pour mettre de l’avant son programme de guerre de
classe, la grande entreprise est catégorique : les étudiants doivent être
défaits. Le gouvernement du Québec ne « doit ni céder ni faire de
compromis », soutient le président et chef de la direction de la Chambre de
commerce de Montréal, Michel Leblanc. Ce qui est en jeu pour la classe
dirigeante a été exprimé encore plus clairement dans les pages de La
Presse, le quotidien le plus influent de la province. Un ancien
rédacteur en chef du journal a écrit récemment que les étudiants devaient
être vaincus pour « casser » le « moule » de « l’attachement au statu quo…
des droits acquis ». L’actuel rédacteur en chef a pour sa part déclaré que
si le gouvernement libéral pliait devant les étudiants, « il n’y aurait plus
moyen d’apporter quelque réforme que ce soit au Québec ».
Loin de mobiliser la classe ouvrière en défense
des étudiants, les syndicats et des partis supposément de gauche isolent
systématiquement la lutte des étudiants pour empêcher qu’elle ne devienne
l’étincelle d’un mouvement plus large de la classe ouvrière contre les
mesures d’austérité des gouvernements libéral provincial et conservateur
fédéral.
En effet, en réaction à la polarisation de classe
accentuée par la grève, les syndicats pressent maintenant les étudiants
d’abandonner leur demande que le gouvernement annule la hausse des frais de
scolarité. Du même coup, ils intensifient leurs efforts pour rattacher le
mouvement étudiant et la classe ouvrière au Parti Québécois, un parti de la
grande entreprise qui, lorsqu’il était au pouvoir, a imposé d’immenses
coupes dans les dépenses sociales.
« Pour assurer la fin du trimestre et la paix
sociale », pour citer un dirigeant syndical, les syndicats du Québec
demandent au gouvernement d’annoncer un « moratoire » d’un an sur la hausse
des frais de scolarité pour permettre une « réflexion globale » sur le
financement des universités.
Les syndicats du reste du Canada ainsi que le
parti social-démocrate du pays, le NPD, ont été silencieux sur la répression
à l’endroit des étudiants du Québec. Comme c’est le cas à travers le monde,
les syndicats et les sociaux-démocrates ne font pas que saboter la
résistance de la classe ouvrière, ils imposent directement les mesures
d’austérité de la bourgeoisie. Mardi, le NDP, avec tout le soutien des
syndicats, a facilité l’acceptation d’un budget d’austérité en Ontario qui
comprend 17 milliards de dollars de coupes sur les trois prochaines années.
Les étudiants du Québec ne doivent plus lutter
seuls. L’opposition implicite de leur lutte aux tentatives de la classe
dirigeante d’imposer aux travailleurs le fardeau de la crise capitaliste
doit devenir une stratégie explicite : pour la mobilisation de la classe
ouvrière au Québec et à travers le Canada contre le démantèlement des
services publics, contre les suppressions d’emploi et les concessions.
Seule la classe ouvrière a le pouvoir social de
défendre et de promouvoir les droits sociaux fondamentaux pour permettre une
éducation et une vie de qualité à tous. Il faut pour cela que la classe
ouvrière mène une lutte politique pour porter au pouvoir un gouvernement des
travailleurs qui réorganisera la vie socioéconomique sur une base
socialiste, en transformant les banques et la grande industrie en propriétés
publiques. La production pourra alors être organisée pour combler les
besoins humains, et non les profits d’une minorité.