La
famille de Mohamed Merah, celui que la police française accuse des fusillades
meurtrières de Toulouse et Montauban entre le 11 et le 19 mars, a
catégoriquement nié qu'il soit un terroriste ou qu'il ait perpétré les tueries.
Merah a été tué jeudi 22 mars par une unité du corps d'élite de la police après
un siège de 32 heures de son appartement.
Son demi-frère Rachid Merah qui vit en Algérie a
dit à France Info: «Je n'ai aucune
idée de ce que disent les médias et les politiciens français sur Mohamed. Ils
disent que Mohamed a été en Afghanistan et au Pakistan et qu'il a été en
contact avec Al Qaida. Mais ça, je le nie formellement. Et je doute qu'il ait
eu un lien avec Al Qaieda ou les Talibans ou n'importe quelle organistion
terroriste dans le monde. Et ce qui prouve ça, c'est que la France l'a tué
avant qu'il ne puisse parler devant la justice, alors qu'ils auraient pu
l'attraper vivant. »
Les
déclarations de Rachid Merah viennent après que des questions similaires ont
été soulevées par des experts de la police, tel Claude Prouteau du GIGN (Groupe
d'intervention de la gendarmerie nationale) qui a fait remarquer que l'unité de
police spéciale qui a tué Merah aurait pu aisément le capturer vivant. Au lieu
de cela, la police a pris d'assaut l'appartement de Merah et l'a tué sous une
pluie de près de 300 balles. Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant avait
néanmoins affirmé que tout serait fait pour capturer Merah vivant de façon à ce
qu'il puisse être jugé.
Commentant
les armes et les vidéos de la fusillade que la police aurait trouvées dans l'appartement
de Merah, Rachid Merah a parlé des reportages médiatisés selon lesquels Merah
était un indic des services du renseignement français: «Mais pour la question des armes, on peut imaginer qu'il a
été manipulé par les services secrets français, parce qu'il était jeune et
facilement influençable, ils ont très bien pu l'acheter. Ils l'ont utilisé puis
ils l'ont tué. Tous les scénarios sont possibles. Qui peut prouver que Mohamed
Merah a filmé lui-même les vidéos [des fusillades]? Ca peut très bien être
quelqu'un d'autre. »
Rachid Merah a ajouté: «On récolte ce qu'on a semé. Ils tuent nos enfants en
Palestine, en Afghanistan, en Irak, ils doivent prendre leurs responsabilités.
Le Ministre de l'Intérieur français a dit que Mohamed était un monstre ... mais
je réponds qu'ils ont créé ce monstre qui a tué des enfants. »
Ces
remarques de Rachid Merah viennent après des déclarations similaires faites par
le père de Mohamed Merah, Mohamed Benalal Merah: «Il aurait fallu l'arrêter et enquêter avec lui. Peut-être
qu'il leur aurait fourni des informations. Peut-être que ce n'est pas lui qui a
tué. En tuant mon fils, les services français ont perdu des preuves, et moi,
mon fils.»
Ces
déclarations arrivent au moment où la version officielle de l'Etat, selon
laquelle Merah était indétectable car il était un « loup solitaire
auto-radicalisé » qui avait un comportement normal jusqu'à ce qu'il
assassine sept personnes, se révèle être une invention. Il agissait au
contraire en contact étroit avec les agences du renseignement français et en
collaboration directe avec un, voire même probablement plusieurs, complices qui
sont encore à ce jour non identifiés.
La
preuve principale utilisée pour incriminer Merah ont été les armes trouvées
dans son appartement et les déclarations de la police disant qu'il avait avoué
son crime au cours des négociations et des conversations téléphoniques avec
eux. Mais cette preuve n'a pas été rendue publique et il reste toujours un
élément de doute quant à savoir si Merah était vraiment le tueur. Un témoin de
la fusillade de Montauban avait décrit le tueur comme un homme robuste avec des
cicatrices et des tatouages sur la joue, ce qui ne ressemble guère à Mohamed
Merah, mince et au visage lisse.
Un
autre élément dans cette affaire est la possibilité qu'un « troisième
homme » ait participé et qui reste à ce jour non identifié. Le frère de
Merah, Abdelkader, qui a été accusé de l'aider, a dit à la police que lorsqu'il
avait aidé son frère à voler le scooter Yamaha T-Max qui avait servi durant les
fusillades, il y avait une autre personne dans la voiture dont l'identité n'a
pas été révélée. Il y aurait aussi eu une autre personne vivant dans
l'appartement où Mohamed Merah a été tué.
Le
chef du service de renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini a été
obligé de nier les reportages persistants de la presse française et italienne
selon lesquels Merah était un indic pour l'un de ses propres agents à Toulouse,
et que c'était ce qui expliquait qu' il avait pu éviter d'être détecté et
arrêté jusque très peu de temps avant d'être tué par la police le 22 mars.
Le démenti de Squarcini est affaibli par le fait
qu'un jour après la mort de Merah, le chef de la police a dit au Monde
que le tueur présumé avait demandé, durant le siège, à parler à un représentant
de son agence basée à Toulouse. Cet agent, qui serait une jeune femme d'origine
nord-africaine, avait débriefé Merah à son retour du Pakistan en novembre 2011,
où il avait passé deux mois.
L'ancien chef de la sécurité Yves Bonnet a dit au
journal local de Toulouse, La dépêche du Midi qu'il était
« frappant » que Merah ait un correspondant à la DCRI: « Avoir
un correspondant , ce n'est pas anodin. »
Même
si Merah n'était considéré que comme un « indic » de petit rang, cela
pourrait expliquer pourquoi la police et les services de sécurité ne l'avaient
pas détecté : parce qu'ils avaient délibérément cessé de regarder dans sa
direction.
L'hebdomadaire Le Canard Enchaîné écrivait
jeudi que Merah et sa famille avaient été mis sous écoute par la DCRI de mars à
novembre de l'an dernier. La mise sous écoute avait brusquement cessé, dit Le
Canard, au moment de sa rencontre avec l'agent de la DCRI en novembre. Mais
les unités de surveillance ont dit plus tard que la mise sous écoute avait
commencé en novembre et avait cessé en février car cela n'avait rien révélé
d'important. Ce n'était que quelques semaines avant que le tueur ne se
déchaîne.
Dans
ces circonstances hautement suspectes, juste quelques semaines avant l'élection
présidentielle, le président sortant Nicolas Sarkozy s'est saisi de ces
fusillades pour attiser l'hystérie sécuritaire et se mettre sur le devant de la
scène médiatique. Il a annoncé de nouvelles lois pénalisant les visites sur des
sites internet «encourageant une idéologie terroriste » et la police a
fait hier une opération de répression sur un présumé réseau islamiste en France
et procédé à l'arrestation de 19 personnes.
Le
soutien tacite apporté à ces mesures d'Etat policier par le candidat PS à
l'élection présidentielle François Hollande et ses alliés de la pseudo-gauche a
permis à Sarkozy de prendre l'initiative dans la course à l'élection, avec ce
qui est en fait un coup politique. Les sondages d'opinion à présent donnent
Sarkozy en tête avec 30 pour cent des intentions de vote contre 28 pour cent
pour Hollande, au premier tour de l'élection qui se tiendra le 22 avril.