Le 26
mars, plusieurs éminents dirigeants syndicaux, chercheurs en sciences sociales
et politiciens « de gauche » ont publié une déclaration intitulée
« L'Europe doit reposer sur de nouveaux fondements », qui appelle à
la défense de l'Union européenne (UE). Cette déclaration est une réaction à la résistance
croissante des travailleurs européens aux licenciements et aux coupes sociales
de masse.
Plus tôt
cette semaine, l'agence de statistiques Eurostat a dévoilé les dernières
données sur le chômage : près de 25 millions de personnes sont sans emploi
dans l'UE. Le taux de chômage de 10,2 pour cent est le plus élevé depuis 1997.
Le
Monde a publié un
article consternant sur la montée du travail des enfants à Naples et dans
d'autres régions défavorisées.
Des
millions de gens sont témoins des coupes draconiennes dans les programmes
sociaux et des licenciements de masse dans la fonction publique qui sont
imposés de force par l'Union européenne et ses institutions dans un pays après
l'autre. Après avoir causé la ruine de la Grèce, la « troïka »,
formée de la Commission européenne, du Fonds monétaire international (FMI) et
de la Banque centrale européenne (BCE), regarde maintenant du côté de
l'Espagne, de l'Italie et du Portugal. L'opposition populaire est de plus en
plus dirigée contre l'UE.
C'est dans
ce contexte que de nombreux représentants syndicaux et universitaires
allemands, y compris le philosophe Jürgen Habermas, viennent à la défense de
l'Union européenne.
Ils
écrivent avec inquiétude que le « projet européen . est au bord du
gouffre » et que « l'UE recueille la sympathie et
l'approbation » de moins en moins de gens. La déclaration critique
l'impact des mesures de rigueur dictées par l'UE et dénonce la
« domination des marchés (financiers) » en Europe. Elle ajoute que,
« Les dépenses publiques pour les salaires et les avantages sociaux sont
sabrées radicalement . on impose le fardeau du plan de sauvetage aux salariés,
aux chômeurs et aux retraités. »
Toutefois,
plutôt que de voir dans cette situation la preuve du caractère réactionnaire
des institutions basées à Bruxelles, ces bureaucrates syndicaux et ces
universitaires opposent aux politiques d'austérité de l'UE un idéal abstrait
d'une UE basée sur l'harmonie sociale - un idéal qui n'existe pas et qui n'a
jamais existé dans la réalité.
La
déclaration parle de la possibilité d'un « changement de direction ».
Elle soutient que cela peut être réalisé à travers l'imposition d'une taxe sur
les transactions financières, la création d'euro-obligations et une politique
monétaire inflationniste. Elle appelle aussi à une « offensive de la
démocratie », en déclarant : « Si l'on souhaite que l'Europe ait
un avenir, il faut solliciter activement le soutien et l'accord de la
population. » De plus, tous les « joueurs de l'arène publique
européenne » doivent « s'accorder sur le thème central d'une Europe
sociale et démocratique ».
Cette
rhétorique creuse à propos de politiques économiques et de
« démocratie » alternatives masque le fait que l'UE ne sert
uniquement que les intérêts de la bourgeoisie européenne. L'UE est un
instrument de la classe dirigeante pour détruire tous les droits sociaux et
démocratiques que la classe ouvrière de l'Europe a pu obtenir durant un siècle
d'immenses luttes de classes.
Les
arguments des défenseurs de l'Union européenne sont absurdes. Ils parlent d'une
« offensive de la démocratie » à un moment où la troïka et les
institutions de l'UE ont procédé à un changement de gouvernement en Grève et en
Italie par des moyens totalement antidémocratiques, installant un gouvernement
« technocratique » dont la mission explicite est de mettre en ouvre
des coupes brutales dans les dépenses sociales au nom des intérêts de
l'aristocratie financière et au mépris de la volonté de la vaste majorité de la
population.
Les
dirigeants des gouvernements à Athènes et à Rome nommés par l'UE - Luka
Papademos et Mario Monti respectivement - sont d'anciens banquiers et
économistes. Leurs gouvernements n'ont pas été démocratiquement élus et sont
ouvertement dévoués aux intérêts des banques européennes et à l'élite
financière.
Lesministres des Finances de l'UEont approuvé lepacte fiscal, qui comprend unplafond d'endettement selon le modèle allemand.
Il obligeles parlementaires au
niveau fédéral, étatique et municipal à imposer
des mesuresd'austérité. S'ilss'opposent à cettepolitique dedévastation sociale et cèdent àla pression
populaire, ils sont passibles de poursuites.
Lapolitique de l'UEest dictée parlesbanqueseuropéennes
et internationales. L'élitefinancière
a d'abord reçudes centainesde
milliards d'eurosd'argent des contribuablestransférés descaisses des Étatsauxbanques et aux spéculateurs à
l'aide desplans de sauvetage mis
en oeuvre à la suite du krach financier de2008.Ensuite,ils ont
déclaré queles gens vivaientau-dessus
deleurs moyenset ont ordonné
auxdivers gouvernementsde
mettre en place des mesuresd'austérité. Maintenant, ilsexploitentla crise économique etle chômage de massepour détruire touslesacquis sociaux passésde la classe ouvrière.
Dans ces conditions, ceux qui parlentd'unedémocratisation de l'UEsont soit des
abrutis, soit des charlatanspolitiques. De toute façon, ils dissimulent les politiques
de droite de l'UE avec des phrases de gauche.
Lesdirigeants syndicaux quiontsigné la déclarationsont membres de partisimpliqués dansle développement et lamise en ouvre despolitiquesactuelles de l'UE. Lesorganisations
qu'ils dirigentont, en outre, joué
un rôleclé pour maintenir sous contrôle l'opposition
populaire grandissante face àl'UEen la dissipantau moyendevaines manifestations. Quelques jours avant que la déclaration ne
soitpubliée, la chancelière
allemandeAngela Merkel a rencontréles principauxdirigeants syndicaux européenspour « mettre lecap sur l'avenir »,
comme l'a dit Merkel.
Ladéclaration elle-mêmeindique clairement quelessyndicats ont donné leur
accord de principe auxcoupes socialesmenéesà travers l'Europe. Letexte appelle au« rejetdu pactefiscal soussa forme actuelle» [nous soulignons] et plaide pour« une renégociation
du cadrede la politique budgétaire ».
Les syndicats demandent, essentiellement, à être impliqués plus directementdans la
formulationet l'application descoupes.
Lessignataires de la déclarationsonttous des collaborateurschevronnés dansl'impositiondes attaquessocialescontre la classe ouvrière. Les syndicats allemandsont travaillé avecle gouvernement social-démocrate-Vertdu
chancelier Gerhard Schröderpour mettre en place des
coupes socialessans précédentdepuis
la fin dela Seconde Guerre mondiale. L'UE etlesgouvernementseuropéens considèrentce« modèle allemand »comme l'exemple
à suivre pourde plus importantes coupesà travers l'Europe.
La liste
des signataires est une sorte de bottin mondain de la bureaucratie syndicale
allemande. Parmi les initiateurs de l'appel, on compte Frank Bsirske, le
président de Verdi; Annelie
Buntenbach, une responsable de la Fédération des syndicats allemands (DGB) et
membre des Verts et d'Attac ; et Hans-Jürgen Urbahn, un membre du conseil
d'administration du syndicat IG Metall. Parmi les premiers signataires, on
retrouve le président de DGB, Michael Sommer et Franz Steinkühler, l'ancien
président de IG Metall, qui travaille maintenant comme un consultant pour les
entreprises.
La
liste est complétée par les signatures de plusieurs universitaires. En plus
d'Habermas, elle inclut des chercheurs en sciences sociales comme Elmar
Altvater et Frank Deppe, qui sont tous deux membres du parti La Gauche et qui
tentent depuis longtemps de donner un vernis démocratique à l'UE.
Mais
les faits sont têtus et il devient de plus en plus clair chaque jour que l'UE
est depuis le début une initiative des classes dirigeantes. L'établissement
d'un marché européen commun a servi à renforcer l'Europe de l'Ouest contre
l'Union soviétique durant la Guerre froide. Durant les années 1970, elle est
devenue un instrument de suppression des grèves et de tout mouvement de masse
des travailleurs. Particulièrement après la réunification allemande et la
dissolution de l'Union soviétique au début des années 1990, l'Union européenne
a été utilisée comme un instrument des grandes puissances européennes pour
défendre leurs intérêts dans la situation mondiale changeante.
Le
« Traité de l'Union européenne » a été signé à Maastricht en mars
1992, seulement trois mois après l'effondrement de l'Union soviétique. Depuis
le début, l'Union européenne s'est chargée de renforcer les entreprises
européennes contre leurs compétiteurs internationaux. La stratégie de Lisbonne,
adoptée en 2000 à un sommet d'urgence des dirigeants de l'Europe au Portugal,
avait pour but avoué que l'Union européenne devienne « l'économie du
savoir la plus compétitive et dynamique du monde ».
Ce
que cela signifie en pratique peut être observé actuellement en Grèce. Les
mesures d'austérité dictées par le Fonds monétaire international, la Banque
mondiale et la Banque centrale européenne ont complètement ruiné le pays et
plongé de larges couches de la population grecque dans la pauvreté et la
misère. Des congédiements de masse prennent place, les salaires sont coupés jusqu'à
50 pour cent, les avantages sociaux sont diminués et l'économie grecque est
plongée dans une profonde récession. De longues files d'attente s'allongent
maintenant devant les soupes populaires à Athènes et la population est en proie
à la faim. Le taux de chômage officiel est à plus de 23 pour cent et celui des
jeunes est estimé à plus de 60 pour cent.
Pour
arrêter ce cauchemar social, les travailleurs européens doivent consciemment
entreprendre une lutte commune contre l'UE, ses institutions et ses partisans
politiques. L'unité de la classe ouvrière européenne et de la population
entière de l'Europe est forgée non pas par l'UE, mais dans la lutte contre
elle.
L'UE
doit être renversée et remplacée par des gouvernements ouvriers partout en
Europe. Malgré les belles paroles d'Habermas sur la « démocratisation de
l'UE », la réalité est que l'Europe ne peut être démocratiquement unie sur
la base du capitalisme. Ceci est possible seulement par une lutte pour les
États unis socialistes d'Europe.