Près d’un demi million de personnes ont
afflué samedi dans les rues de Tel Aviv, de Jérusalem et
des villes partout en Israël pour brandir la bannière de la
« justice sociale » et pour protester contre les bas
salaires, la flambée des coûts de l’immobilier, de
la nourriture, des transports publics, de l’éducation et
d’autres besoins sociaux essentiels et qui rend la vie
intolérable pour la majorité de la population.
C'est l’inégalité sociale sans cesse
croissante en Israël qui attise ces protestations et gratifie une
poignée de « magnats » milliardaires de profits
énormes, alors même que des millions de personnes sont
confrontées à la misère sociale. Il est largement
reconnu que la politique du régime droitier de Benyamin
Netanyahu est motivée par les intérêts et les
exigences d’une infime ploutocratie.
L’ampleur même des protestations de samedi –
représentant 5,5 pour cent des 7,75 millions d’habitants
d’Israël, ce qui aurait pour équivalent 18 millions
de personnes protestant aux Etats-Unis – souligne la profonde
signification historique du mouvement.
Plus de six décennies après la création
de l’Etat d’Israël, après les guerres
continuelles contre les pays arabes voisins et plus de 44 ans
d’occupation de la Cisjordanie et de Gaza, les manifestations ont
contribué à miner un mythe sioniste central. Elles ont
révélé le fait qu’en Israël, comme dans
chaque autre pays,c'est la question des classes sociales qui est
fondamentale et non pas la nationalité, la religion ou
l’ethnicité.
De plus, les travailleurs juifs en Israël
réagissent à la même crise historique du
capitalisme mondial et qui a produit les révoltes de masse qui
ont balayé le Moyen-Orient en renversant les dictatures
soutenues par l’occident, celle de Ben Ali en Tunisie et de
Moubarak en Egypte. De nombreux manifestants qui ont dressé des
tentes sur le boulevard Rothschild à Tel Aviv et qui sont
descendus dans la rue dans d’autres villes se sont
comparés aux masses égyptiennes qui ont occupé la
place Tahrir.
Ceci implique une prise de conscience embryonnaire que les
travailleurs en Israël, tout comme en Egypte, sont en train de
s’engager dans une lutte d’envergure internationale et qui
ne peut se résoudre dans les limites des frontières
nationales qui divisent le Moyen-Orient.
Toutefois, tous ceux qui se trouvent à la tête de
ces protestations aux côtés du syndicat sioniste
Histadrut, qui les soutient, et les diverses organisations
pseudo-gauches qui suivent, sont déterminés à
détourner ce mouvement vers les canaux sûrs du
système politique actuel existant en Israël.
C’est la signification dès le départ de
l’insistance des organisateurs de ces protestations de leur
imposer le « Pas de politique. » C'est la même
signification que les interdictions identiques fixées par les
organisateurs des protestations des los indignados (les
indignés) en Espagne : renforcer la domination de la politique
existante des partis de l’élite dirigeante et de leurs
laquais de la bureaucratie syndicale.
Les dirigeants des protestations, tout comme la bureaucratie
du Histadrut, ont expressément rejeté toute lutte pour le
renversement du gouvernement Netanyahu. Au lieu de cela, ils ont
manifesté leur volonté de négocier avec ce
gouvernement, le plus droitier de l’histoire d’Israël,
et qui a mis en place un comité pour élaborer quelques
« réformes » cosmétiques dans le cadre des
dépenses budgétaires israéliennes actuelles tout
en laissant intact le système actuel d’exploitation et
d’inégalité sociale.
Le refus de la politique a évidemment en Israël
des implications plus profondes et plus fatales. Elle exclut de la
lutte menée au nom de l’égalité et de la
justice sociale l’oppression sociale profonde résultant de
l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza ; le
sort des millions de réfugiés palestiniens chassés
de leurs terres : et le statut inégal des Juifs arabes, 20 pour
cent de la population, dans un Etat qui se qualifie lui-même de
juif.
Elle laisse ainsi le mouvement sans défense face aux
invocations du gouvernement Netanyahu de menaces
alléguées contre Israël et d’appels à
l’unité sioniste pour étouffer le
mécontentement social. Netanyahu a même exploité
les protestations contre les prix de l’immobilier comme
prétexte pour exiger davantage de colonies autour de
Jérusalem-Est occupé.
Finalement, ce manque de perspective empêche tout
défi réel au détournement de la richesse sociale
en faveur du maintien d’un appareil militaire massif en
Israël servant à intimider la population palestinienne et
tous les pays du Moyen-Orient.
Suite aux embuscades mortelles, qui ont eu lieu le mois
dernier près de la frontière dans le Sinaï, les
organisateurs ont annulé les protestations prévues pour
le week-end suivant. Et il semble que les vastes manifestations de
samedi dernier ne seront pas répétées.
La décision de mettre fin au mouvement en septembre
n’est pas accidentelle. Elle coïncide avec les
avertissements ressassés par le gouvernement Netanyahu selon
lesquels la tentative de l’Autorité palestinienne, qui est
dominée par le Fatah, d’obtenir des Nations unies la
reconnaissance d’un Etat palestinien s'accompagnera d'une
brutalité généralisée.
Comme l’a formulé dernièrement le
réactionnaire ministre des Affaires étrangères
d’Israël, Avigdor Lieberman, « L’Autorité
palestinienne planifie un bain de sang. »
En réalité, c’est l’appareil
militaire israélien qui est en train de préparer un bain
de sang et une nouvelle série de guerres. Il n’y a aucune
preuve que les travailleurs et les jeunes palestiniens
considèrent les manœuvres de la direction bourgeoise
palestinienne à l’ONU comme une composante vitale. Cette
résolution de l’ONU n’apportera rien de plus pour
améliorer leurs conditions que toutes celles qui l’ont
précédée. Et, même si l’ONU devait
reconnaître l’Etat palestinien – ce qu’elle ne
fera pas – une entité nationale créée sur
les frontières irrationnelles et économiquement non
viables laissées par le morcellement de la Palestine ne
résoudra aucune des revendications sociales et
démocratiques du peuple palestinien.
Le régime israélien émet de telles
menaces parce qu’il craint avant tout que le fondement
idéologique de son pouvoir ne soit compromis et il craint aussi
une explosion de la lutte des classes à travers le Moyen-Orient.
Pour prévenir la menace d’une lutte unifiée de la
classe ouvrière juive et arabe contre
l’impérialisme, il est prêt à recourir aux
mesures les plus désespérées et les plus
impitoyables, y compris la guerre – une situation qui souligne la
profonde signification politique d’une lutte pour
l’unification des travailleurs au Moyen-Orient.
Les protestations de masse en Israël ont montré
l’existence d’un fondement objectif pour une telle
politique au sein de la classe ouvrière israélienne.
Cependant, pour faire avancer ces luttes contre la politique de
réaction sociale et de guerre de la classe dirigeante il est
nécessaire d’élaborer un nouveau programme
politique et de créer de nouvelles organisations de masse de la
classe ouvrière, axées sur la perspective de
l’internationalisme socialiste. Ceci signifie la construction de
sections du Comité international de la Quatrième
Internationale en Israël et en Palestine, en Egypte, en Tunisie et
partout dans la région, dont le but est une lutte commune pour
une Fédération socialiste du Moyen-Orient.