L'assemblée générale des Nations unies s'est
levée vendredi pour applaudir le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud
Abbas, après un discours où celui-ci annonçait qu'il déposait une demande pour
la reconnaissance de l'Etat palestinien par l'ONU.
Ce discours comprenait des passages
détaillants la mort, la destruction et les humiliations imposées par
l'occupation israélienne, soixante ans de souffrances que le public d'Abbas,
composé de ministres des affaires étrangères, de chefs d'Etat et de délégués
aux Nations unies, ne pouvait ignorer. Un grand nombre des gouvernements
représentés, notamment ceux du monde arabe, ont été complices de tout cela.
La réaction enthousiaste a pu être motivée par
l'hostilité envers Washington, qui avait annoncé à l'avance qu'il utiliserait
son veto au Conseil de sécurité pour tuer dans l'ouf le processus de
reconnaissance d'un Etat palestinien.
Les représentants des États-Unis ont mené une
campagne éhontée de menaces et d'intimidations pour forcer les pays siégeant au
Conseil de sécurité à s'abstenir ou à voter non. Le Portugal, par exemple,
aurait été averti que les États-Unis retireraient leur aide économique à ce
pays perclus par la crise s'il votait en faveur de la demande.
Cet étalage d'hypocrisie et d'intimidation de
la part des États-Unis a servi à miner le message que Washington avait voulu
délivrer à l'ONU. Son objectif était de brandir la guerre de l'OTAN-ONU pour un
changement de régime en Libye à la fois comme une victoire du multilatéralisme
onusien et une extension des révoltes populaires du "printemps
arabe".
Si Obama a inclus ces points de vue dans son
discours à l'Assemblée générale, il a dû admettre avec une résignation amère
qu'ils passent au second plan derrière la controverse sur la Palestine.
En réalité, le soutien inconditionnel de
Washington pour l'oppression par Israël du peuple Palestinien est parfaitement
cohérent avec sa politique impérialiste prédatrice dans la région, laquelle a
trouvé son expression la plus achevée dans la guerre pour un changement de
régime en Libye. Quant au "printemps arabe", le gouvernement d'Obama
a lutté, aux côtés Israël, jusqu'au dernier moment pour maintenir leurs proches
alliés, Moubarak en Égypte et Ben Ali en Tunisie, au pouvoir. Ils oeuvrent
maintenant à consolider des régimes dans ces deux pays qui défendront les
intérêts de l'impérialisme et pourront dévier les efforts révolutionnaires des
travailleurs et des jeunes.
Pourquoi le gouvernement d'Obama se sent-il
obligé de bloquer la demande de l'Autorité palestinienne d'une reconnaissance
par l'ONU ? La thèse officielle est que cette action « unilatérale » va saper
le « processus de paix, » brouillant les négociations « bilatérales » qui
seraient la seule voie permettant de parvenir à un accord.
Le prétendu « processus de paix » est une
promesse en l'air qui perdure depuis vingt ans, ne produisant ni paix, ni
aucune réalisation des espoirs du peuple Palestinien. Il a surtout servi à
couvrir les actions unilatérales d'Israël, qui a consolidé son contrôle sur des
parties de plus en plus importantes de la Cisjordanie et de Jérusalem Est, le
nombre de colons sionistes a doublé au cours des 10 dernières années. Cela
s'est accompagné par la prolifération des points de contrôle militaires et des routes
de sécurité « réservées aux juifs » qui rendent impossibles non seulement
l'existence d'une nation, mais la vie même pour les Palestiniens occupés.
Si l'appel à l'ONU est une admission tacite de
la faillite du « processus de paix » organisé par les États-Unis, Abbas et la
direction bourgeoise de l'Autorité palestinienne (AP) n'ont rien d'autre à
proposer. Ils ont exprimé des espoirs assez illusoires que cette tentative
désespérée à l'ONU puisse en quelque sorte réanimer les négociations.
Si l'ONU devait admettre la Palestine comme
Etat membre, cela ne contribuerait pas plus à changer les conditions de vie des
masses palestiniennes que toutes les autres résolutions adoptées par les
Nations unies sur la question Israélo-palestinienne au cours des 50 dernières
années. Cela ne mettrait pas fin à l'occupation et aux attaques militaires
israéliennes. Cela ne garantirait pas aux millions de palestiniens en exil le
droit au retour. Et cela ne donnerait pas des droits égaux au 1,5 million de
Palestiniens arabes vivant en Israël.
Abbas et la direction de l'AP se sont tournés
vers l'ONU dans une tentative désespérée de regagner de la crédibilité dans la
population palestinienne qu'ils affirment représenter. Dans une certaine
mesure, l'AP n'est pas sans ressemblances avec les régimes qu'ont fait tomber
les masses en Égypte et Tunisie. Non élus, gouvernant par décrets, tout en
maintenant un important appareil policier financé par les États-Unis et qui
travaille en collaboration avec l'occupant Israélien. L'AP ne représente pas
les intérêts des travailleurs et des opprimés palestiniens, mais une fine
couche de haut fonctionnaires et d'hommes d'affaires qui se sont enrichis par
les subventions étrangères et la corruption.
Comme le démontrent les « documents palestiniens
» publiés par Al-Jezzira au début de l'année, documentant une décennie de
négociations israélo-palestiniennes, la direction de l'AP a capitulé sur toute
la ligne, renonçant effectivement au droit au retour de la diaspora
palestinienne, abandonnant quasiment tout Jérusalem-Est, et acceptant de
participer au nettoyage ethnique qui vise à garantir le statut d'"Etat
juif" Israël.
L'intransigeance de Washington s'explique dans
l'ensemble en référence aux élections de 2012 et à ce que l'on appelle « le
vote juif, » un euphémisme pour le riche et puissant lobby sioniste qui ne
représente pas la majorité des juifs américains - ni d'ailleurs la majorité des
juifs d'Israël - mais plutôt les éléments les plus à droite du monde politique
israélien. Il ne fait aucun doute que des organisations comme l'American
Israeli Political Action Committee (AIPAC - Comité
américain des affaires publiques d'Israël) exercent une
influence monstrueusement disproportionnée sur la politique des deux partis
capitalistes américains.
Il existe cependant des intérêts encore plus
fondamentaux. Israël a servi durant un demi-siècle de bastion aux interventions
de l'impérialisme américain dans la région. De plus, remontant aux accords de
Camp David en 1978, la prétention de Washington à un rôle en quelque sorte de
"marchand honnête" dans les négociations de "paix" a donné
à l'impérialisme américain un instrument pour faire avancer ses intérêts dans
la région.
L'hostilité des États-Unis à un vote à l'ONU
sur la création d'un Etat est alimentée en grande partie par sa détermination à
maintenir son monopole sur ce prétendu « processus de paix ». Il est
remarquable que le Président français Nicolas Sarkozy, qui vient tout juste
d'utiliser ses avions de guerre et des mercenaires pour faire avancer les
intérêts de l'impérialisme français et de la compagnie pétrolière Total en
Libye, a profité du débat sur la création d'un Etat palestinien pour affirmer
que les négociations de paix sous l'égide des États-Unis avaient échoué et
mettre en avant sa propre solution française.
Motivé par les intérêts de la clique au
pouvoir dans l'AP d'un côté, et les machinations impérialistes de l'autre, le
débat à l'ONU sur la création d'un Etat palestinien ne fera rien pour garantir
aux masses palestiniennes l'obtention de leurs demandes démocratiques et
sociales. En fin de compte, elles ne peuvent être réalisées que par le recours
à la lutte révolutionnaire.
La crise insoluble du capitalisme mondial qui
a produit les soulèvements massifs en Tunisie et en Égypte alimente également
des soulèvements de plus en plus importants en Israël et dans les Territoires
palestiniens occupés aussi, ce qui s'est exprimé récemment dans les grandes
manifestations nationales contre les conditions sociales en Israël même. La
question décisive est celle de l'unité des travailleurs arabes et juifs sur la
base d'un programme socialiste et internationaliste commun dans la lutte pour
une fédération socialiste du Moyen-Orient qui ferait partie de la lutte pour
mettre fin au capitalisme à l'échelle internationale.