La ville libyenne de Syrte est en train
d'être systématiquement détruite par les combattants « rebelles » du
Conseil national de transition (CNT) et les avions de combat de l'OTAN. L'opération
est un crime de guerre monstrueux pour lequel la responsabilité première
incombe aux forces dirigeantes qui se cachent derrière l'intervention militaire
en Libye - le président américain Barack Obama, le premier ministre
britannique, David Cameron et le président français, Nicolas Sarkozy.
Syrte est assiégée depuis des semaines.
Les forces du CNT ont empêché que des livraisons arrivent dans la ville, dont
entre autres de nourriture, de médicaments et d'autres produits de premières
nécessités. Les bombes de l'OTAN ont déferlé sur la ville en même temps que des
bombardements lourds et non-ciblés au mortier, d'obus de char et de roquettes.
L'infrastructure de base - y compris l'eau, l'électricité et le système
d'assainissement des eaux usées - a été détruite dans le cadre d'une tentative
calculée de provoquer une crise humanitaire dans la ville et de soumettre ses
habitants par la terreur.
A Syrte, chaque édifice, y compris les
ensembles d'appartement, les maisons, les hôpitaux, les écoles et autres bâtiments
civils, a soit été détruit soit sérieusement endommagé par les forces
« rebelles » dans leur tentative de s'emparer de la ville. Les
miliciens pillent les maisons, les voitures, les magasins, et des chargements
de camion entier d'affaires volées aux résidents quittent Syrte tous les jours.
Un correspondant de Reuters a rapporté
avoir vu dans un magasin de matériel électronique un groupe de combattants
tirant pendant 15 minutes avec une mitrailleuse sur un coffre-fort avant de
pouvoir l'ouvrir pour voir ce qu'il y avait à prendre. Une fois pillées, de
nombreuses maisons sont réduites en cendres.
Des journalistes couvrant ces faits
brutaux ont été choqués par ce qu'ils ont vu. Wyre Davies de la BBC a
écrit : « Il s'agit pratiquement d'une politique de la terre brûlée.
Les combattants pro-Kadhafi qui défendent cette ville ne veulent pas se rendre,
donc Syrte est systématiquement détruite, bloc après bloc. Les combats sont
intenses, incroyablement destructifs et quasiment abrutissants. » Des
reporters du journal britannique The Telegraph ont décrit Syrte comme
étant « des ruines sordides » qui « rappellent les scènes les
plus sinistres de Grozny, vers la fin de la sanglante guerre de la Russie en
Tchétchénie. »
La destruction de Syrte soulève des
parallèles historiques - Guernica, le ghetto de Varsovie et l'anéantissement
d'autres centres urbains par les puissances fascistes dans les années 1930 et
1940.
Tous ceux qui sont responsables de la
guerre en Libye devraient être accusés de crimes de guerre - à commencer par
Obama, Cameron et Sarkozy. Ces figures ont lancé une guerre d'agression non
provoquée, ce qui fut le principal chef d'accusation porté contre les
dirigeants de l'Allemagne nazie au procès de Nuremberg sur les crimes de
guerre. L'OTAN a invoqué l'autorisation pour la guerre en Libye sur la base
pseudo-légale de la Résolution 1973 de l'ONU - mais les termes d'une
« zone d'exclusion aérienne » furent immédiatement bafoués sitôt le
document adopté.
Les atrocités qui sont actuellement
commises à Syrte émanent directement de la nature de l'intervention
néo-coloniale même. L'impérialisme américain et ses alliés européens ont
détourné les manifestations anti-Kadhafi qui avaient éclaté en février dernier,
en lançant une campagne pour un changement de régime qui visait avant tout à
capturer les énormes ressources pétrolières de la Libye et à ré-asseoir leur
domination en Afrique du Nord dans la foulée des mouvements révolutionnaires
deTunisie et d'Egypte qui menaçaient la position géostratégique de Washington
partout dans la région.
La secrétaire d'Etat américaine Hillary
Clinton a visité Tripoli il y a quelques jours et déclaré que la Libye était
« bénie parce que dotée de richesses et de ressources. » Bloomberg
a rapporté que lors de discussions avec des dirigeants du CNT elle a
« promis une aide pour diversifier l'économie dominée par le
pétrole. » En ce qui concerne le bombardement de Syrte, Clinton n'a fait
que relever « les combats sanglants » qui se poursuivent dans le
pays.
Des calculs politiques bien définis sont
impliqués dans la destruction de Syrte.
Pour les puissances de l'OTAN, la
violence est destinée à dissuader toute résistance qui surviendrait en Libye à
l'encontre du nouvel ordre que le gouvernement client du CNT est maintenant en
train d'établir à Tripoli. L'opération de Syrte vise aussi les gouvernements de
Syrie et d'Iran, à titre d'avertissement quant au genre de mesures de
représailles auxquelles ils s'exposent en cas de défi des dictats
américano-européens. Au début de l'intervention de l'OTAN en Libye, Sarkozy
avait publiquement menacé que « chaque dirigeant, et notamment (chaque)
dirigeant arabe » pourrait être confronté à la même attaque.
Le gouvernement Obama se sert également
de la destruction de Syrte pour envoyer un message au gouvernement chinois. La
Chine a rapidement accru son influence à travers l'Afrique, y compris en Libye,
en devenant le plus gros partenaire commercial du continent et un important
destinataire de ses exportations pétrolières et minérales. Beijing a aussi noué
des liens diplomatiques et militaires partout dans la région, minant ainsi la
suprématie des Etats-Unis et des anciennes puissances coloniales européennes.
La Libye a fourni une occasion à Washington de donner une leçon à son puissant
rival - à savoir que la force militaire peut être utilisée pour détruire tout
gouvernement avec lequel la Chine développe d'étroites relations économiques et
stratégiques aux dépens des Etats-Unis.
Si à un moment quelconque durant la
guerre civile en Libye, les forces de Kadhafi avaient fait ce que les
combattants du CNT sont en train de faire actuellement, il y aurait eu une
couverture médiatique non-stop et des cris d'indignation de la part de
Washington, Londres et Paris, pour réclamer des mises en accusation pour crimes
de guerre et crimes contre l'humanité. Et pourtant, la crise à Syrte se déroule
sans qu'un mot de protestation ne s'élève dans les cercles politiques officiels
et les médias aux Etats-Unis et en Europe.
Les diverses forces de
« gauche » et libérales qui ont promu avec enthousiasme la guerre
contre la Libye comme étant une belle mission humanitaire, tel le professeur
américain Juan Cole et le magazine Nation, restent silencieux sur les
événements qui se déroulent à Syrte. Aucun d'entre eux n'a cherché à rendre compte
du fait que la guerre « humanitaire » de l'OTAN - apparemment menée
afin de prévenir tout risque que des civils ne soient tués dans une ville,
Benghazi - a désormais conduit à la destruction d'une autre ville, au risque
que des milliers de civils soient tués ou blessés.
Parmi ces couches qui prônent la guerre,
l'écrivain français, Bernard-Henri Lévy, a abordé le sujet de Syrte pour
défendre les crimes qui sont en train d'être perpétrés par l'OTAN et le CNT.
Lévy a joué un rôle clé en France en
début d'année en faisant campagne en faveur de la guerre afin, a-t-il insisté,
de « vraiment protéger les civils de Misrata, Syrte et Benghazi. » Il
a personnellement organisé la première rencontre de Sarkozy avec les membres du
CNT. Maintenant, dans un article intitulé « Justice pour les libérateurs
de Syrte ! » publié sur le site internet Huffington Post, Lévy
lance une diatribe grotesque contre toute critique de ce que les forces du CNT
sont en train de faire à Syrte.
Le philosophe vedette rejette toute
preuve de la destruction systématique de la ville comme étant de simples
« rumeurs d'exactions contre des civils » et « d'inévitables
bavures ». En rendant la population civile responsable de ses propres
souffrances, il insiste pour dire que le CNT a « attendu plusieurs
semaines avant de donner l'assaut - le temps, pour celles et ceux qui le
voulaient et le pouvaient, d'être évacués. » Lévy ignore le fait que des
milliers de civils, dont les plus vulnérables, n'ont eu aucun moyen de fuir les
combats.
L'article tout entier est truffé de
mensonges flagrants. A un moment donné l'auteur nie le fait que les combattants
du CNT ont délibérément bombardé l'hôpital principal de Syrte dans le but
d'empêcher qu'une équipe de la Croix Rouge ne livre des fournitures médicales.
Il a déclaré que « lorsqu'un de leurs obus touche le toit d'un hôpital,
c'est une horreur, une monstruosité, un drame - mais c'est, aussi, une erreur,
un acte non prémédité et cela change tout. » Lévy conclut en disant :
« Je continue, pour ma part, et jusqu'à nouvel ordre, de saluer la dignité
de ces combattants de fortune qui, comme au premier jour, font la guerre sans
l'aimer. »
La position de Lévy concernant Syrte
souligne la fonction politique de toute cette couche de partisans
« libéraux » de la classe moyenne supérieure qui est favorable à la
guerre humanitaire - ce sont les porte-parole de l'agression impérialiste.