Le parti dirigeant UMP (Union pour un Mouvement populaire) du président
Nicolas Sarkozy a perdu le contrôle du sénat lors des élections qui se sont
déroulées le 25 septembre. La défaite de Sarkozy au profit du Parti
socialiste et de ses alliés a été décrite par certains médias comme « un
séisme institutionnel. » De toute l’histoire de la Cinquième république, de
53 ans, le Parti socialiste n’a jamais contrôlé le sénat qui est élu
indirectement.
Le vote révèle l’extrême fragilité du gouvernement Sarkozy. Profondément
impopulaire suite à ses attaques contre les droits et le niveau de vie de la
population, et avec une cote de popularité de 30 pour cent, le gouvernement
est également secoué par des scandales de corruption dans lesquelles sont
impliqués les plus proches collaborateurs du président. Les tensions
sociales s’amplifient à l’approche des élections présidentielles d'avril-mai
2012.
Le nombre de sièges réunis par le PS (123) et ses alliés le Parti
communiste français (20), les Verts (10), le Parti de gauche (1) et divers
autres (24) lui donne la majorité au sénat – 117 sur 348.
Les implications du coup porté à la crédibilité de Sarkozy sont
internationales comme le signalait le Financial Times le 26
septembre: « Les problèmes ne cessent de croître pour le président sortant.
Avec la chancelière allemande, M. Sarkozy se trouve en première ligne pour
enrayer la crise de la dette de la zone euro. En l’absence d’une solution,
les marchés ont concentré leur inquiétude sur les finances publiques
françaises et la vulnérabilité apparente – farouchement niée par Paris – des
banques françaises.
Le FT poursuit en disant: « Un des effets des résultats du sénat a
été de contrecarrer une mesure préconisée par M. Sarkozy sur le plan
national pour soutenir l’engagement de la France à la stabilité fiscale. Son
intention d’ancrer une « règle d’or » dans la constitution [comme en
Allemagne], exigeant des budgets équilibrés est à présent bloquée, étant
donné qu’elle nécessiterait une majorité de 60 pour cent lors d’une session
conjointe du sénat et de l’Assemblée nationale. »
Le chômage a augmenté durant l’été pour atteindre près de 10 pour cent
alors que la croissance économique a ralenti pour être nulle. Ceci a
contraint le gouvernement à accroître les mesures d’austérité dont des taxes
qui affectent la classe ouvrière et affaiblissent davantage encore la
consommation.
Des allégations de corruption financière et politique aux plus hauts
niveaux hiérarchiques du gouvernement durant ces dernières décennies se
rapprochent de plus en plus de Sarkozy avec l’implication dans l’affaire
Karachi de ses plus proches collaborateurs, l’ancien premier ministre
Edouard Balladur, le marchand d’armes Ziad Taddiekine, Thierry Gaubert et
beaucoup d’autres.
François Hollande et Martine Aubry, tous deux du Parti socialiste, sont
crédités dans un sondage du 19 et 20 septembre, respectivement de 28 et 27
pour cent des intentions de vote pour le premier tour des élections
présidentielles, et Sarkozy de 25 pour cent. Surfant sur les scandales et la
faillite politique des partis bourgeois de droite et de gauche et leur
utilisation des immigrants et des Musulmans comme boucs émissaires, la
candidate du Front National néo-fasciste Marine Le Pen recueille 19 pour
cent des intentions de vote. Lors de la tenue d’un second tour des
élections, Hollande enregistrerait 57 pour cent, Aubry 54 pour cent et
Sarkozy 46 pour cent avec certaines variations selon les instituts de
sondage.
Le sénat français est une institution hautement antidémocratique. Il
n’est pas élu au suffrage universel mais par quelque 150.000 électeurs, dont
95 pour cent sont des conseillers municipaux ou communaux dont un nombre
disproportionné appartient à des conseils ruraux traditionnellement
conservateurs.
Le résultat de l'élection est très liée à l'immense
impopularité des mesures d’austérité de Sarkozy qui avaient entraîné une
défaite sérieuse de l’UMP lors des élections régionales, communales et
cantonales de 2008 dans les 36.782 communes de France.
Le Nouvel Observateur a souligné que la « réforme »
gouvernementale des collectivités territoriales a privé de fonds les
municipalités en créant des difficultés sociales plus grandes : « La France
des territoires s’est vengée car… Le gouvernement a augmenté les compétences
des communes sans toujours transférer les ressources financières
concomitantes. En plus des problèmes liés aux territoires, le gouvernement
et la droite française doivent faire face aux problèmes financiers liés aux
affaires des mallettes de billets. » (Voir aussi : « L’affaire
Bourgi révèle la criminalité de l’impérialisme français en Afrique »)
Le vote sénatorial ne signifie pas que cet électorat de 150.000
bureaucrates locaux, en quête de fauteuils, de responsables permanents de
partis et de notables ont sérieusement viré à gauche. Nombre d’entre eux
sont mécontents parce que la réforme empiète sur des prérogatives
bureaucratiques. Les partis de la gauche bourgeoise ont tiré profit de la
crise existant au sein du camp de l’UMP et de la présentation de listes
conservatrices dissidentes qui ont grignoté des voix aux candidats officiels
de l’UMP.
Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a imputé la défaite de
son parti à la division au sein des forces de l’UMP. Le Point
rapporte : « Depuis quelques semaines déjà, l’inquiétude s’était fait
ressentir : ‘Je suis préoccupé par l’importance des listes dissidentes à
droite, qui m’inquiètent beaucoup,’ » avait même admis le numéro un de
l’UMP, Jean-François Coppé.
Une fois les résultats annoncés, Juppé a pointé du doigt cinq ou six
départements où les candidats dissidents « nous ont coûté des sièges ». Le
premier ministre, François Fillon a mis la défaite sur le compte de
« divisions de la majorité. »
De nombreux ministres précédemment nommés par Sarkozy durant son mandat,
et notamment ceux associés à son « ouverture à gauche » et à des minorités
ethniques l’ont abandonné pour se présenter comme candidat ou pour soutenir
des rivaux de Sarkozy à droite : Rachida Dati, Rama Yade, Fadela Amara,
Jean-Louis Borloo, Hervé Morin, Patrick Devedjian, Pierre Charon et
Dominique Paillé.
On fait état d'une agitation de plus en plus sensible au sein de l’UMP
pour que Sarkozy ne se présente pas en 2012. Rémy Dessarts de France Soir
affirme : « De fait, la route est encore longue d’ici au premier tour. Mais
le nombre de ceux qui, dans son propre camp, espèrent secrètement que le
président de la République renoncera à se présenter a aussi fortement
augmenté. »
S'exprimant à la télévision après l'annonce des résultats, l’ancien
premier ministre Jean-Pierre Raffarin, l’a formulé ainsi : « S’il est
candidat, Nicolas Sarkozy, sera notre candidat. » En effet, Raffarin, parmi
d’autres poids lourds UMP, passe pour être un éventuel candidat au sein des
cercles dirigeants du parti.
Jean-Luc Mélenchon, candidat présidentiel pour la coalition du Front de
gauche, comprenant entre autres son Parti de gauche et le Parti communiste,
a déclaré que la présidentielle avait commencé « sous de bons augures ». Il
a affirmé qu’« en passant à gauche, le nouveau sénat pourrait…bloquer la
politique de Nicolas Sarkozy jusqu’à la présidentielle. »
L'idée que le PS et ses alliés, dont le Front de gauche, pourraient
représenter un rempart contre la politique réactionnaire de Sarkozy révèle
la vraie orientation de Mélenchon et de ses partenaires. Le Parti socialiste
a soutenu pleinement, tout comme Mélenchon, l’aventure militaire
néocoloniale de Sarkozy et de l’OTAN en Libye. Le PS a soutenu la réduction
du déficit budgétaire et la priorité de renflouer les banquiers. Le PS ne
s’est pas opposé aux mesures d’austérité dévastatrices liées aux deux
opérations de renflouement de la Grèce par la « troïka » – l’Union
européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire
international – ou aux mesures imposées à l’Espagne au nom des banques.
L’intervention militaire néocoloniale prédatrice
contre le peuple libyen, initiée par Sarkozy est taboue. L’establishment
politique entier allant du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) à l’UMP
droitière en passant par le Front de gauche la soutient et craint que si
elle devenait un enjeu électoral, elle pourrait provoquer une opposition,
notamment dans les communautés immigrantes socialement opprimées.
Sont également taboues, la crise de l’euro et de la dette souveraine en
Europe ainsi que la crise économique mondiale qui, si elles sont
mentionnées, sont considérées comme de vagues sujets annexes qui agacent.
Chaque candidat souligne sa capacité à venir à bout des problèmes sociaux et
économiques de la France dans le cadre de l’Etat-nation ou bien en bricolant
avec les institutions communautaires. Un article paru le 27 septembre dans
Mediapart donne la liste des grandes équipes de professeurs
d’économie pro capitalistes et de banquiers qui travaillent pour les camps
rivaux de Hollande et d’Aubry qui tous deux briguent la nomination comme
candidat du Parti socialiste à l'élection présidentielle.