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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La crise de l’euro : encore plus de milliards pour les banques

Par Peter Schwarz
14 octobre 2011

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Pour la deuxième fois en trois ans, les gouvernements européens tentent de « sauver » les banques en donnant des quantités massives de liquidités extraites des deniers publics. C’est dans ce contexte que se tient le débat sur la résolution de la crise de la dette européenne en passant par une « recapitalisation » des banques combinée à la quotité (annulation partielle) de la dette grecque.

Après s’être réunis à Berlin dimanche, la chancelière Angela Merkel et le président Nicolas Sarkozy ont annoncé qu’ils allaient présenter un « plan convaincant et intégral » pour résoudre la crise d’ici la fin du mois, sans toutefois donner de détails précis. Le sommet de l’Union européenne sur la crise qui devait avoir lieu à la mi-octobre a été reporté d’une semaine pour donner le temps à l’Allemagne et à la France de surmonter leurs différends en suspens.

Ces questions concernent principalement deux points : la répartition des coûts et le calendrier pour le défaut de paiement de la Grèce. La France, dont les banques possèdent jusqu’à 80 milliards d’euros en titres du gouvernement grec, veut donner aux banques de nouveaux capitaux à partir du fonds de secours de l’euro (Fonds européen de stabilité financière (FESF)) afin de retarder le plus possible la faillite de la Grèce ou la restructuration de la dette de celle-ci. L'Allemagne, dont les banques ont prêté à la Grèce environ 18 milliards d’euros déjà partiellement amortis, veut quant à elle restreindre le soutien pour les banques aux gouvernements nationaux et organiser le plus tôt possible un défaut de paiement « géré » de la Grèce.

Malgré ces différences, Merkel et Sarkozy s’accordent sur l’orientation générale : la crise de la dette européenne doit être résolue dans l’intérêt des banques et au détriment des finances publiques. Il en résultera donc des mesures d’austérité supplémentaires, au détriment des travailleurs.

Les représentants financiers et politiques internationaux de premier plan tels la chef du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde, le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, le président Barack Obama et le premier ministre britannique David Cameron, ont longtemps insisté pour que la Banque centrale européenne (BCE) et les gouvernements de la zone euro ouvrent les flux de trésorerie et mettent des quantités illimitées d’argent à la disposition des banques.

Jusqu’à présent, le gouvernement allemand avait résisté ce cours, craignant les conséquences inflationnistes et redoutant de devoir soutenir les dettes des pays plus faibles. Berlin préférait plutôt offrir plus de crédit aux pays confrontés à des difficultés de paiement, liant son offre cependant avec l’adoption de mesures d’austérité draconiennes.

Le gouvernement allemand a maintenant changé de cap sous la pression des marchés financiers internationaux, la chute du cours des actions et la menace des faillites bancaires. Merkel a fermement parlé dimanche en faveur de la recapitalisation des banques, c’est à dire l’augmentation de la quantité de capitaux dans les banques en y injectant des fonds publics.

Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a également fortement soutenu mardi dernier la recapitalisation des banques devant la commission économique et monétaire du Parlement européen. Il a appelé les politiciens à prendre des mesures immédiates, les avertissant que la crise de la dette avait maintenant atteint « des dimensions systémiques » qui la plaçaient sur un pied d’égalité avec l’effondrement de Lehman Brothers en 2008 et toutes les conséquences qui se sont ensuivies.

Selon les médias, les milieux gouvernementaux allemands discuteraient également d’un « recours au levier financier » pour le fonds de secours de l’euro en multipliant ses actifs grâce à différentes astuces d’ingénierie financière. Les banques auraient alors des billions de disponibles, tandis que le niveau de vie de la population enregistrerait une baisse encore plus brutale. Comme aux États-Unis, l’aristocratie financière nagerait dans les milliards tandis que le reste de la population aurait du mal à joindre les deux bouts.

La quotité que le gouvernement allemand préconise maintenant pour les détenteurs d’obligations du gouvernement grec (on parle d’une radiation de la dette de l’ordre de 50 à 60 pour cent) ne soulagerait aucunement la situation de la population grecque. Bien au contraire, cette quotité serait liée à des exigences supplémentaires de compressions et équivaudrait techniquement à une faillite. Le plan intégral préconisé par Merkel et Sarkozy comprend également des modifications aux traités européens, qui permettraient à l’UE de dicter la politique budgétaire d’États membres fortement endettés.

Il y a une opposition populaire écrasante à l’idée de soutenir les banques en pigeant dans les fonds publics. Le mouvement d’occupation de Wall Street, qui se répand rapidement aux États-Unis, trouve un écho en Europe. Mais pas un seul parti de l’establishment ou syndicat ne soutient cette opposition au capital financier. Le débat politique officiel tourne exclusivement autour de la question à savoir comment les attaques contre la classe ouvrière peuvent le mieux être mises en œuvre et comment la résistance à de telles attaques peut être la plus efficacement supprimée.

En politique officielle, les termes « gauche » et « droite » ont perdu toute signification réelle. En Italie, le premier ministre Silvio Berlusconi « de droite » fait face à des appels à sa démission provenant à la fois des grandes entreprises et des sections de son propre parti, tandis que le camp de la « gauche » bourgeoise est prêt à mettre en œuvre le programme de réductions massives que Berlusconi n’a pas le pouvoir d’effectuer.

En France, le principal candidat présidentiel du Parti socialiste, François Hollande, déclare inlassablement qu’il équilibrera le budget et réduira la dette nationale avec plus d’efficacité encore que le député de droite sortant, le président Nicolas Sarkozy.

En Allemagne, l’ancien chancelier du Parti social-démocrate (SPD) a annoncé qu’il privilégiait un nouveau cycle de « réformes » sociales et du marché du travail pour l’Europe, calquées sur celles que son gouvernement a introduites dans le cadre de son programme « Agenda 2010 ». Tous les États européens doivent mettre en œuvre des réformes identiques à celles d’« Agenda 2010 », a écrit Gerhard Schröder dans le Financial Times Deutschland. Le programme « Agenda 2010 » de Schröder a jeté les bases pour une croissance massive d’un secteur à bas salaires en Allemagne, et dans lequel une vaste partie de la jeune génération travaille maintenant.

Les syndicats jouent également un rôle clé en aidant à appliquer les diktats des banques contre les travailleurs et à réprimer toute opposition. Ils n’ont pas organisé une seule action de solidarité avec les travailleurs grecs et se rangent derrière les mesures d’austérité de leurs gouvernements respectifs.

Dans ces circonstances, les groupes de pseudo-gauche jouent un rôle important dans des organisations comme ATTAC et Democracy Now, ou en périphérie du parti La Gauche de l’Allemagne et autres organisations similaires. Ils s’accrochent à des syndicats réactionnaires et servent de conseillers à l’élite dirigeante en montrant que la meilleure façon de présenter des politiques de droite, c’est de se cacher derrière des phrases à consonance de « gauche ».

Tous ces groupes rejettent strictement l’organisation d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière. Au lieu de cela, ils insistent pour que les mouvements sociaux se limitent à n’exercer que de simples pressions sur les personnes au pouvoir et ne développent pas de perspective politique indépendante. Dans le mouvement des « indignados » en Espagne et en Grèce, ils insistent sur le caractère « apolitique » en prônant l’interdiction à tout parti politique de faire ouvertement campagne pour ses objectifs.

C’est ainsi que l’extrême droite se retrouve avec un monopole de facto en matière de critique publique de l’Union européenne et de la domination du capital financier, et elle l’utilise pour canaliser l’opposition dans des voies nationalistes et racistes qui ne peuvent mener qu’à la balkanisation de l’Europe.

L’opposition de principe au pillage des ressources de la société par l’aristocratie financière, et contre les attaques massives sur les droits sociaux et démocratiques, exige une réponse politique indépendante de la classe ouvrière. La classe dirigeante ne peut être amenée à adopter une politique différente en appelant à son bon sens et à la raison. Le système capitaliste est en effet en crise mortelle et la classe dirigeante s’agite comme un animal blessé.

Le capitalisme ne peut être réformé et doit être renversé. Les banques ne doivent pas être « recapitalisées » avec des fonds publics, mais bien expropriées, placées sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière et utilisées au profit de la société dans son ensemble plutôt que pour assurer les profits de quelques-uns.

Pour réaliser un tel programme socialiste, la classe ouvrière doit unir l’Europe depuis la base. Les travailleurs doivent fonder les États-Unis socialistes d’Europe pour remplacer l’Union européenne des banques et des sociétés.

(Article original paru le 12 octobre 2011)

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