Les pays de l’OTAN mené par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la
France sont en train de commettre de terribles crimes de guerre dans la
ville libyenne de Syrte. Dans leur frénésie d’écraser la résistance restante
dans ce pays d’Afrique du Nord, l’OTAN et les forces militaires de son
laquais, le Conseil national de transition (CNT), sont en train de déchaîner
une force militaire aveugle, qui tuent les civils et détruisent les maisons
et l’infrastructure partout dans le centre urbain.
De nombreux réfugiés civils qui ont réussi à échapper au siège ont
raconté avoir vu des écoles, des hôpitaux, des maisons et d’autres bâtiments
civils détruits par les bombes de l’OTAN. Les frappes aériennes ont lieu
maintenant 24 heures sur 24. Les milices anti-Kadhafi tirent des roquettes,
des obus de mortier et des obus de chars sans même donner l’impression de
cibler des objectifs particuliers dans la ville de 100.000 habitants. Syrte
est en proie à une grave pénurie de nourriture, d’eau et de médicaments, ce
qui ne fait qu’aggraver la crise humanitaire. Les enfants, les personnes
âgées et d’autres personnes vulnérables sont tout particulièrement touchés.
La violence souligne les calculs économiques et géostratégiques
prédateurs qui se cachent derrière la campagne pour le changement de régime
lancée par le président américain Barack Obama, le président français,
Nicolas Sarkozy et le premier ministre britannique, David Cameron.
Washington et ses alliés européens visent à prendre le contrôle des réserves
pétrolières lucratives de la Libye tout en réaffirmant leur domination en
Afrique du Nord et en contrant le défi posé à leurs intérêts par les
soulèvements révolutionnaires survenus dans l’Egypte et la Tunisie voisines.
Le massacre à Syrte démasque davantage encore le faux prétexte
« humanitaire » de la guerre. En mars dernier, les gouvernements
impérialistes et leurs porte-parole dans les médias ont affirmé, sans
preuves à l’appui, que les forces de Kadhafi seraient sur le point de
commettre un massacre à Benghazi. A présent, l’OTAN est en train de
perpétrer un véritable bain de sang parmi la population dans une tentative
de surmonter la résistance d’un des derniers bastions pro-Kadhafi.
Il n’est pas surprenant que les divers experts des médias et figures
politiques aux Etats-Unis et en Europe qui ont soutenu la guerre au nom de
la « protection des civils » – dont divers gauchistes comme le professeur
Juan Cole et le magazine Nation – se montrent à présent uniformément
silencieux sur le massacre qui se déroule actuellement.
Selon des estimations publiées récemment par le Conseil national de
transition, jusqu’à début septembre, 30.000 personnes ont été tuées et
50.000 blessées dans cette guerre. Le bilan continue d’augmenter. Selon les
chiffres diffusés par l’OTAN, ses bombardiers ont touché 121 fois des
« cibles clé visées » à Syrte rien qu’au cours des deux dernières semaines
de septembre. Ces frappes aériennes sont réalisées sur la base de
renseignement limité ou quasi nul et on ne peut que les qualifier de frappes
aveugles et en violation flagrante de la loi internationale.
Des dizaines de milliers de civils demeurent piégés à Syrte, bien que le
nombre exact ne soit pas connu. Selon la Croix Rouge, environ 18.000
personnes ont quitté la ville. La population locale, a cependant été gonflée
par l’arrivée de réfugiés des régions environnantes. Ceux-ci incluent un
nombre important de familles libyennes à la peau noire venues de Tawargha,
une ville qui a été dévastée et dépeuplée par la milice du CNT qui y a
organisé un pogrom meurtrier en août et début septembre.
La population de Syrte est soumise à un châtiment collectif brutal en
raison de son opposition farouche et déterminée contre le CNT et
l’intervention de l’OTAN. La ville a aussi été identifiée symboliquement
avec le régime évincé. C’est le lieu de naissance de Kadhafi et c’est à
Syrte qu’il a grandi et que son ancien organe législatif, le Congrès général
du peuple, se réunissait.
Pour les gouvernements américain, britannique et français, la destruction
tient lieu d’avertissement à la population libyenne tout entière – toute
résistance à l’ordre post-Kadhafi qui sera établie sous les auspices de
l’OTAN sera soumise à une répression brutale.
Il existe un parallèle manifeste entre la situation à Syrte et
l'offensive américaine brutale lancée dans la ville irakienne de Fallujah en
novembre et décembre 2004. Quelque 10.000 troupes et marines américaines
avaient rasé la ville de 250.000 habitants, bombardant aveuglément les
maisons, les usines et les mosquées. L’opération visait à écraser
l’insurrection sunnite contre l’occupation illégale en terrorisant
l’ensemble de la population irakienne. Comme c’est le cas aujourd’hui à
Syrte, les combats à Fallujah avaient été moins une guerre ou une bataille
qu'un vrai massacre lors duquel un groupe de combattants de la résistance
légèrement armé largement et dépassé en nombre avaient été écrasés par des
forces aériennes et au sol les plus destructrices et techniquement les plus
sophistiquées du monde.
La conduite de la guerre en Libye par l’OTAN durant ce qui paraît être la
phase finale de la guerre vise indubitablement à envoyer un signal aux
gouvernements partout au Moyen-Orient et internationalement. En mars,
Sarkozy avait, en des termes on ne peut plus clairs, fait comprendre que :
« Chaque dirigeant, et notamment (chaque) dirigeant arabe, doit comprendre
que la réaction de la communauté internationale et de l’Europe sera
désormais chaque fois la même. »
Il y a exactement cent ans, le 3 octobre 1911, les forces italiennes
avaient commencé le bombardement naval de Tripoli comme partie intégrante de
l’annexion des provinces ottomanes de Tripolitanie, du Fezzan et de la
Cyrénaïque, qui constituent la Libye d’aujourd’hui. La campagne d’Italie se
développa rapidement d’un assaut contre les forces militaires ottomanes en
une campagne d’opérations de représailles et de massacres aveugles contre la
population locale qui s’était soulevée contre les forces coloniales. La
guerre italo-turque, qui s’était terminée en octobre 1912, s’était
caractérisée par l’utilisation unilatérale de la technologie militaire
moderne, dont les premiers vols aériens de reconnaissance et les raids de
bombardement du monde.
Lénine avait décrit cette guerre comme une « boucherie perfectionnée et
'civilisée' ».
Pour décrire ce qui se passe en Libye aujourd'hui, il n’est pas
nécessaire de changer un seul mot. La réémergence au vingt-et-unième siècle
d’opérations ouvertement de type colonial est une expression de
l’aggravation de la crise de l’ordre capitaliste mondial. L’élite dirigeante
américaine cherche désespérément à utiliser sa domination militaire comme
moyen de compenser l'érosion rapide de sa position économique. Dans le même
temps, les puissances impérialistes européennes y voient une occasion de
reconquérir l’influence perdue dans leurs anciennes colonies par l’ouverture
de nouveaux marchés d’exportation et en s’assurant l’accès à des ressources
naturelles lucratives.
Avant même que les combats s’achèvent, divers politiciens et agents
patronaux qui les accompagnent venus des Etats-Unis et d’Europe se sont rués
vers Tripoli. Tous se querellent pour sauvegarder leur part, surtout des
énormes réserves pétrolières du pays nord-africain, que l’ambassadeur
américain sur place a récemment qualifiées de « joyau de la couronne »
libyenne.