En Grèce, le gouvernement social-démocrate du PASOK se
prépare à utiliser l'armée contre les éboueurs d'Athènes en grève et menacés
d'arrestations massives. L'attaque contre les éboueurs est une mesure
préventive contre l'ensemble de la classe ouvrière grecque avant la grève
générale de 48 heures commençant aujourd'hui.
Tard dans la journée de vendredi, le gouvernement du premier ministre George
Papandreou a intensifié ses efforts pour briser la grève des éboueurs par la
mise en service de véhicules privés pour commencer à ramasser les milliers de
tonnes d'ordures de la capitale. Les travailleurs qui cherchent à bloquer les
opérations des briseurs de grève ont été menacés de se voir imposer des amendes
et des peines de prison de trois mois.
Dimanche soir, la police antiémeute a livré des batailles rangées avec les
travailleurs qui occupaient depuis le début du litige les principaux sites
d'enfouissement de la ville au nord-ouest d'Athènes. Après s'être violemment
emparée du site, la police antiémeute gardait la zone lundi.
Selon un rapport dans le quotidien grec Kathimerini, certains camions
privés ont été attaqués par des travailleurs en colère. Dans le même article,
intitulé « L'Armée brisera-t-elle le conflit des éboueurs? » le Kathimerini
publie : « En début d'après-midi, des médias rapportaient que l'on avait
demandé au ministère de la Défense d'intervenir dans le conflit. Selon
certaines sources, 170 soldats devraient être affectés à conduire des camions à
ordures municipaux. »
Hier, le gouvernement a augmenté la mise, en ordonnant aux
grévistes de retourner au travail et en signant un ordre de mobilisation civile
pour l'ensemble d'Athènes. Le non-respect pourrait signifier des arrestations
et un procès, selon le ministère de l'Intérieur.
Ces dernières semaines, les grèves se sont multipliées,
impliquant pratiquement toutes les sections de la classe ouvrière, dont les
fonctionnaires, les travailleurs des transports, les débardeurs, les
enseignants, les travailleurs de la santé, les journalistes, le personnel des banques,
les avocats, les fonctionnaires des tribunaux et les fonctionnaires des
douanes.
Les débrayages sont maintenant si répandus qu'ils menacent la capacité même
du gouvernement de fonctionner au quotidien. Les ministères du gouvernement ont
été occupés à Athènes, de même que de nombreux bureaux municipaux ailleurs dans
le pays. Cette semaine, les employés du ministère des Finances, y compris les
collecteurs d'impôts, confrontés à des baisses de salaire sauvage et à la
probabilité d'être déclarés en personnel excédentaire, ont
voté pour mener une grève de cinq jours.
La grève générale de deux jours coïncide avec un vote au Parlement jeudi sur
les dernières mesures d'austérité convenues par le PASOK avec la
« troïka » supervisant le fonds de sauvetage pour la Grèce - le Fonds
monétaire international (FMI), l'Union européenne (UE) et la Banque centrale
européenne (BCE). Les mesures comprennent l'élimination de milliers d'emplois
dans le secteur public et des réductions de salaire de plus de 40 pour cent
pour 30 000 autres. Les pensions sont coupées encore plus et des mesures
sont adoptées pour détruire le droit de négociation collective. Une taxe
supplémentaire sur les contribuables viendra s'ajouter au-dessus de la taxe
foncière récemment adoptée. On estime que le prélèvement coûtera aux ménages
propriétaires (qui constituent 80 pour cent de la population grecque) entre 500
et 1 500 euros par an.
La troïka a fait de l'imposition de ces coupes une condition préalable pour
la remise de la dernière tranche de 8 milliards d'euros du prêt de sauvetage
accepté en mai 2010.
Un tel assaut sur les conditions sociales de toute une population est sans
précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des recherches publiées
mardi par le Financial Times ont révélé que « les augmentations
d'impôt prévues et les réductions de dépenses pour 2011 équivalent à environ 14
pour cent du revenu net moyen, soit 5 600 ? (7 707 $) par foyer
grec. »
Le journal commente : « Le degré de souffrance
financière que confronte la population grecque est deux fois plus grave que
celui de l'Irlande et du Portugal, alimentant les craintes que le programme
d'austérité radicale imposé par les créanciers puisse étouffer la croissance
des économies les plus faibles de la zone euro. »
Le Financial Times ajoute que l'impact sur les conditions sociales de
la population est « près de trois fois supérieur à celui de
l'Espagne. »
Malgré le mantra quotidien du gouvernement grec et de la troïka qui n'ont
cessé de répéter au cours des deux dernières années que l'imposition de
réductions massives du niveau de vie était la seule façon de résoudre la crise
de la dette nationale en Grèce, le niveau d'endettement s'est aggravé. Il est
largement admis que la Grèce sera bientôt en défaut de paiement pour ses dettes
totalisant environ 330 milliards d'euros.
L'économie grecque est en récession depuis près de trois ans et connaît une
croissance négative continue depuis au moins la fin de 2008. Le journal Kathimerini
commentait récemment : « Ce sera pareil au second semestre. Cela veut
donc dire que la Grèce a connu au moins 11 trimestres consécutifs de croissance
négative. Pour mettre cela en perspective, la grande dépression avait produit
12 trimestres de croissance négative. Pour ceux qui ne s'en souviennent pas, c'était
entre 1929 et 1932. »
Le programme du PASOK a eu pour conséquence qu'en seulement
deux ans, plus de 200 000 travailleurs du secteur public ont perdu leur
emploi et le chômage a continué à monter en flèche. Les derniers chiffres sur
l'emploi publiés cette semaine par l'Organisation pour l'emploi des ressources
humaines font état d'un bond de plus de 18 pour cent depuis septembre de
l'année dernière, le nombre de chômeurs passant de 665 059 à 774 059. Le nombre
de personnes qui sont sans emploi depuis plus de 12 mois a augmenté de 36 pour
cent depuis l'année dernière. Parmi les chômeurs, 60 pour cent sont âgés de 30
à 54 ans, tandis qu'environ 28 pour cent des chômeurs ont moins de 30 ans.
L'économie devrait se contracter de 5,5 pour cent cette année, et de 2,5 pour
cent de plus en 2012, donnant une contraction totale de 14 pour cent depuis
2008.
En juin, le parlement grec a annoncé l'imposition d'un
programme d'austérité de 28 milliards d'euros de 2012 à 2015. Par la
suite, il a annoncé un nouveau programme de compressions de l'ordre de 10,3
milliards d'euros. En plus de cela, le gouvernement s'est engagé à accroître
encore plus les privatisations, jusqu'à la hauteur de 50 milliards d'euros, ce
qui nécessite d'autres incursions radicales contre les emplois, les salaires et
les conditions de la classe ouvrière.
Le niveau d'opposition populaire est tel que le Financial Times a
estimé nécessaire de publier une mise en garde : « Il y a de sérieux
doutes quant à savoir si la Grèce parviendra à mettre en ouvre la totalité des
mesures d'austérité de l'ordre de 24,6 milliards ?, en plus des 10,3
milliards ? en mesures supplémentaires qui ont été annoncées depuis la première
publication du budget afin de compenser pour d'autres glissements
ailleurs. »
L'ampleur des attaques sur la petite population de 11 millions d'habitants
de la Grèce est révélée par une recherche du Financial Times, le
quotidien constatant que « même si le gouvernement réussissait à mettre en
ouvre la moitié seulement des mesures supplémentaires, l'impact sur les
dépenses publiques et la fiscalité équivaudrait à environ 11 pour cent de la
moyenne du revenu des ménages - 4 500 ? - dont 2 300 ? environ
proviendraient de nouvelles taxes et de prélèvements.
« La Grèce se retrouverait ainsi avec un plan encore plus douloureux
que celui de l'Irlande en 2009, le montant du régime d'austérité étant de 4 800
? par ménage, ce qui correspond à 9 pour cent du revenu des ménages grecs. En
contrepartie, le programme d'austérité de l'Irlande équivaut cette année à 7
pour cent du revenu des ménages. »
Et portant, même cet assaut sur la population ne fait qu'effleurer la
surface en termes de ce que l'élite dirigeante est prête à imposer. Le journal
prévient : « Comme les paiements sur les intérêts de la dette de la Grèce
devraient augmenter de 77 pour cent entre 2010 et 2015, il faut encore procéder
à de profondes compressions dans les dépenses publiques, ne serait-ce que pour
rester stable, avant de pouvoir ensuite prendre les mesures complémentaires qui
s'imposent pour réduire le déficit. »
Le PASOK est au service du capital financier international et des
super-riches grecs - qui ont mis de côté plus de 600 milliards d'euros dans des
comptes bancaires en Suisse - et n'a promis de n'arrêter devant rien pour
mettre en ouvre une contre-révolution sociale. Dimanche, trois membres du
gouvernement - la ministre de l'Éducation supérieure Anna Diamantopoulou, le
ministre de la Santé Andreas Loverdos et le ministre des Transports Yiannis
Ragousis - ont signé un article dans lequel ils soutiennent que la
paupérisation de la population ne progressait pas assez rapidement. « Il
est temps maintenant d'appuyer sur l'accélérateur, et non pas d'appliquer les
freins. Nous ne pouvons pas reculer. Nous n'avons pas le droit de battre en retraite »,
écrivent-ils.
Le PASOK a utilisé l'armée pour briser la grève nationale des chauffeurs de
camion l'année dernière. L'agence Athens News Agency a révélé plus tôt
ce mois-ci que l'armée hellénique avait procédé le 4 février dernier à un
entraînement de combat simulé contre des manifestants anti-austérité.
Les actions du PASOK encouragent et préparent la voie à une intervention
directe des militaires. Plus tôt ce mois-ci, plusieurs milliers d'officiers de
l'armée ont manifesté devant les bureaux du ministère de la Défense, tandis que
plusieurs centaines d'autres ont pris d'assaut le bâtiment, l'occupant pendant
plusieurs heures.
Deux années d'austérité de masse ont produit l'effondrement du soutien
envers le PASOK parmi ses électeurs traditionnels de la classe ouvrière. Les
derniers sondages montrent que le Parti ne récolterait plus le soutien
maintenant que de 15 pour cent de la population. Ce soutien envers le parti
social-démocrate est à son niveau le plus bas depuis qu'il a été créé en 1974
après la chute du régime militaire fasciste la même année.
Qu'un gouvernement aussi détesté soit toujours capable de rester au pouvoir
est entièrement dû au rôle réactionnaire de la bureaucratie syndicale de la
Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE) et de la Confédération des
fonctionnaires du secteur public (ADEDY). Ces organisations ont soutenu
l'élection du PASOK, affirmant qu'il représentait une alternative progressiste
au gouvernement du Parti de la nouvelle démocratie tout aussi méprisé. Ces centrales
syndicales sont contrôlées par des bureaucrates qui depuis des années profitent
de leurs relations étroites avec le PASOK, sous la forme de privilèges, de
sinécures et de gros salaires.
Depuis l'élection du PASOK en octobre 2008, la principale préoccupation
des syndicats a été d'étrangler toute manifestation d'opposition au sein de la
classe ouvrière. Que ce soit en se précipitant pour appeler à la fin des
grèves, comme celle des ouvriers des raffineries de pétrole la semaine
dernière, ou en appelant à l'occasion à mener des grèves de 24 heures
uniquement pour se défouler, les syndicats agissent en tant que partenaires du
gouvernement dans l'imposition des mesures d'austérité, en opposition des
intérêts de la classe ouvrière.