De grandes attentes avaient été
suscitées par le sommet de l'Union européenne qui a lieu ce weekend à
Bruxelles. Selon ses participants, rien de moins que la survie de l'euro et de
l'UE est en jeu. Toutefois ces espérances ont été ternies par l'annonce que rien
de définitif ne résulterait de cette réunion et qu'un nouveau sommet se tiendra
mercredi prochain.
Mardi, le président français, Nicolas
Sarkozy, a affirmé que l'unité européenne serait menacée si les dirigeants de
la zone euro ne prenaient pas ce week-end des mesures audacieuses pour résoudre
la crise de la dette. « Laisser détruire l'euro c'est prendre le risque de
détruire l'Europe. Ceux qui détruiront l'euro prendront la responsabilité de la
résurgence de conflits sur notre continent, » a prévenu Sarkozy.
Le premier ministre français, François
Fillon, a averti: « Si on ne réussit pas, l'Europe sera en très grand
risque. » Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a qualifié
la situation d'« extrêmement tendue » et prévenu : « L'euro
est en jeu. »
Un éclatement de l'Union européenne
aurait indubitablement des conséquences catastrophiques. Cela relancerait les
antagonismes et les conflits nationaux qui ont provoqué deux guerres mondiales
et laissé le continent en ruines durant la première moitié du siècle dernier.
Toutefois, les propositions avancées par Sarkozy, Fillon, la chancelière
allemande, Angela Merkel, et Schäuble pour « sauver » l'UE ne sont
pas moins désastreuses. Elles se réduisent toutes à reporter la crise sur le
dos de la population, en plongeant des millions de personnes dans le chômage et
la misère.
Les gouvernements allemand et français
restent désespérément en désaccord concernant les détails du plan de
« sauvetage. » Il y a « des discussions très animées, des
conférences très longues, des conférences téléphoniques, des réunions, » a
déclaré un porte-parole de Schäuble. Mercredi soir, Sarkozy a pris une décision
inhabituelle en s'envolant pour Francfort pour y rencontrer lors d'une réunion
de deux heures Merkel et d'influents représentants de l'UE et de la Banque
centrale européenne (BCE) de Francfort. La réunion n'est parvenue à aucun
accord sur les points litigieux en suspens.
Il y a eu toutefois un accord sur
l'objectif général des mesures à prendre : les dépenses publiques doivent
être massivement réduites partout en Europe, tandis que des centaines de
milliards d'euros additionnels seront débloqués pour protéger les banques.
On peut observer les
conséquences de cette politique en Grèce. Par suite des mesures d'austérité introduites
par le gouvernement Papandreou en accord avec l'UE et la BCE, les salaires, les
retraites et les dépenses sociales ont baissé de façon spectaculaire, le
chômage a grimpé en flèche et d'innombrables petits commerces ont fait
faillite. Le programme d'austérité a déclenché une profonde récession qui, à
son tour, a accru le déficit budgétaire, en dépit des coupes sociales. Seules
les banques ont profité du présumé sauvetage de la Grèce. Elles sont en mesure
de vendre au fonds de sauvetage européen ou à la BCE la plupart de leurs
obligations du gouvernement grec.
Au lieu de sauver
l'Europe, l'association de programmes d'austérité et de renflouements des
banques qui devrait être convenue à Bruxelles au cours du week-end risque de
déchirer le continent. Cette politique précipitera les pays européens dans un
abîme et aggravera les conflits nationaux comme le montrent déjà les querelles
féroces au sujet de l'objectif et de l'organisation du fonds de sauvetage de
l'euro.
Il y a une opposition grandissante au sein
de la population européenne envers cette folie politique et économique.
Mercredi, Athènes a connu la plus grande manifestation depuis la chute de la
junte militaire il y a 35 ans. En Espagne, en Italie et dans de nombreux autres
pays des centaines de milliers sont descendus samedi dans la rue. Ce mouvement
fait partie d'un renouveau international de la classe ouvrière qui a commencé
en Tunisie et en Egypte et s'est propagé à une grande partie de l'Europe et des
Etats-Unis. Il vise la domination du capital financier (« Wall
Street ») et l'inégalité sociale croissante (le régime des « un pour
cent »).
Ce mouvement en est à ses balbutiements.
Il doit surmonter des obstacles considérables et résoudre des tâches politiques
majeures.
Plus de six décennies après la fin de la
Seconde Guerre mondiale, il est encore une fois évident que la bourgeoisie est
organiquement incapable d'unifier l'Europe sur une base progressiste. Des mois
durant, les gouvernements ont agi conformément aux règles des marchés
financiers. Une réunion de crise a fait place à une autre, chacune promettant
une « solution complète » - et, après chaque sommet, la crise s'est
aggravée.
On ne peut changer cette
situation par la pression de la rue. La crise n'est pas simplement la
conséquence de décisions politiques malavisées qui peuvent être corrigées.
C'est la crise d'un système social basé sur des antagonismes de classe
irréconciliables. Le système capitaliste ne peut pas être réformé, il ne peut
être qu'aboli.
La crise actuelle s'est développée au
cours de décennies. Les revenus des travailleurs stagnent ou baissent depuis le
début des années 1980 ou même avant, tandis qu'une petite élite au sommet de la
société accumule des richesses inimaginables. Cette fortune ne peut être
maintenue qu'en extrayant toujours davantage de plus-value de la classe
ouvrière.
Les attaques incessantes contre les
salaires et les conditions de travail, le pillage des fonds publics au moyen de
réductions d'impôts pour les riches, les coupes drastiques dans les dépenses sociales
et les milliards pour le renflouement des banques ne servent qu'à cela. Ces
mesures sont soutenues sans exception par tous les partis officiels. Qu'ils se
qualifient de sociaux-démocrates, de gauche, verts, de chrétiens-démocrates,
conservateurs ou libéraux, ils insistent tous sur le fait que des mesures de
réduction des coûts sont inévitables.
A leur tour, ils bénéficient du soutien
de nombreuses organisations de « gauche » qui tentent de transformer
la résistance contre les mesures d'austérité en protestations inoffensives en
la limitant à des appels aux gouvernements ou en subordonnant le mouvement de
masse à une autre aile de l'élite dirigeante.
En Grèce, les syndicats, qui sont
proches du parti dirigeant PASOK, cherchent désespérément à empêcher la chute
du gouvernement Papandreou qui porte la principale responsabilité pour les
mesures d'austérité. Sous le slogan « pas de politique », le prétendu
mouvement des « indignés » essaie d'étouffer tout débat de
perspective politique. Et ceci jouit du soutien d'une multitude de groupe
pseudo-gauches.
Les travailleurs doivent rompre avec
toutes ces organisations. L'Europe se dirige vers des luttes de classe
considérables. Celles-ci doivent être préparées politiquement. On ne pourra
éviter les catastrophes associées au siècle dernier que si la classe ouvrière
s'implique en tant que force politique indépendante. Ceci requiert avant tout
un programme socialiste.
Les travailleurs en Europe doivent
s'unir et rejeter tous ceux qui prêchent le nationalisme ou le déclin social au
nom du « sauvetage de l'Europe. » La tâche est d'établir et de
construire les Etats socialistes unis d'Europe. Un gouvernement ouvrier
européen exproprierait les banques et les grands groupes pour utiliser leurs
ressources à la création de nouveaux emplois et à la satisfaction des besoins
sociaux, plutôt que pour générer du profit pour les riches.
Le World Socialist Web Site et le
Comité international de la Quatrième Internationale luttent pour un tel
programme en construisant des sections dans tous les pays afin de concrétiser
une telle perspective.