Avec les grandes puissances titubant à nouveau
vers la récession, les gouvernements de part et d'autre de l'Atlantique
planifient un nouveau sauvetage des banques. Il existe des divergences
significatives quant à la manière d'organiser un tel renflouement, mais il y a
un accord général sur le fait que davantage de centaines de milliards d'argent
public doivent être débloqués pour couvrir les pertes des banques liées à un
défaut de la dette souveraine de la Grèce.
Comme cela s'était produit il y a trois
ans après le krach de Wall Street - néanmoins à une échelle encore plus vaste
cette fois-ci - la richesse de l'élite financière dont les activités
spéculatives ont déclenché la crise mondiale sera sauvegardée par le pillage
des trésors publics. Ceci sera organisé alors même que les gouvernements intensifient
leurs attaques contre la classe ouvrière au nom de la « consolidation
fiscale. »
Pour compenser les nouvelles injections
financières aux banques, des mesures d'austérité encore plus brutales seront
imposées à la Grèce ainsi qu'à d'autres pays européens lourdement endettes qui
ont déjà été plongés dans le marasme et la misère sociale, et des coupes
sociales seront étendues au reste de l'Europe et des Etats-Unis.
Telle est la signification des exigences
qui découlent de la réunion du Fonds monétaire international (FMI) de la
semaine passée à Washington pour « recapitaliser » les banques
européennes et relever la dotation de 440 milliards d'euros du Fonds européen
de stabilité financière (EFSF) pour lui faire souscrire des sommes encore plus
élevées et que la Banque centrale européenne (BCE) injectera dans les marchés
financiers.
Ces mesures - agressivement promues par
les Etats-Unis et le FMI à l'encontre de l'opposition de l'Allemagne et
d'autres pays nordiques de la zone euro - sont liées à un programme de
« restructuration » de la dette du gouvernement grec via une décote
de 50 pour cent de la valeur des obligations d'Etat grecques. Les pertes
massives qu'endureraient les banques européennes et américaines en raison d'un
tel « défaut ordonné » seraient récupérées par un nouveau
renflouement organisé par l'EFSF et la BCE.
Les responsables allemands se sont
prononcés contre un tel programme de sauvetage à échelle européenne, dont le
coût serait essentiellement supporté par l'Allemagne. Au lieu de cela, Berlin
planifie son propre plan de sauvetage national des banques allemandes lié à un
défaut de paiement de la Grèce.
Pendant le week-end, bon nombre de
journaux américains et britanniques ont parlé d'un plan qu'ils ont qualifié de
« big bang » et « shock and awe » (« choc et
stupeur ») pour résoudre la crise de la dette européenne. Les ressources
disponibles au EFSF seraient levées de façon à atteindre 2 mille milliards
d'euros et carte blanche serait donnée à la Banque centrale européenne pour
imprimer des euros et pour accroître ses achats d'obligations d'Etat grecques,
irlandaises, portugaises, espagnoles et italiennes.
Lundi et mardi, en prévision d'un
nouveau renflouement des banques et des spéculateurs, les marchés boursiers aux
Etats-Unis et en Europe ont grimpé en flèche. Il y a trois ans, la première
vague de sauvetage avait permis aux principales banques et entreprises
d'accroître considérablement leurs profits en dépit de niveaux de chômage aux
Etats-Unis et en Europe dignes d'une dépression. L'écart entre les riches et
les pauvres s'est creusé et la bourgeoisie se sert de la crise pour tirer vers
le bas les salaires et pour démanteler les derniers restes de l'Etat
providence.
Le tout dernier rapport sur la richesse
mondiale publié par Merrill Lynch et Capgemini a conclu que la richesse
combinée des quelque 11 millions d'individus « à haute valeur nette »
a augmenté de 17 pour cent en 2009 et de 9,7 pour cent en 2010, pour atteindre
un total de 42,7 milliers de milliards de dollars. Cette somme est de loin plus
importante que les déficits d'Etat combinés de tous les pays d'Europe et
d'Amérique du Nord dont on plonge les populations dans la pauvreté par des
programmes d'austérité.
En Allemagne, où on a insisté sans
relâche pour l'application d'une politique d'austérité partout en Europe, les
fortunes privées ont augmenté d'un total de 350 milliards d'euros au cours de
ces 15 derniers mois - c'est précisément le montant total exact de la dette
grecque. Le magazine Der Spiegel a rapporté récemment que les dépôts
bancaires suisses de multi millionnaires grecs totalisaient 600 milliards
d'euros - près du double de la dette publique du pays.
Les tensions entre les Etats-Unis et
l'Allemagne se sont intensifiées avant le vote clé ce jeudi pour une
augmentation de la dotation de l'EFSF. Lundi, le secrétaire au Trésor
américain, Timothy Geithner, avait mis en garde que l'Europe n'avait « pas
beaucoup de temps » et devait « passer à l'action ». Le
président Barack Obama s'était plaint que l'Europe « effray[ait] le
monde » par son inaction.
La réponse de Berlin fut prompte à
venir. Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a déclaré que le
gouvernement n'avait pas l'intention d'élargir son engagement actuel envers
l'EFSF. La chancelière Angela Merkel s'exprimant devant la Fédération allemande
des industriels a déclaré que l'Allemagne était opposée à toute nouvelle mesure
de relance ou d'augmentation de la dette.
Au fur et à mesure que la crise
économique s'aggrave et que l'Europe, après les Etats-Unis, plonge dans la
récession, les conflits entre les alliés transatlantiques s'intensifient. Dans
le même temps, les rivalités au sein de l'Union européenne même s'amplifient.
Certaines personnalités politiques européennes de haut rang qui ont un sens de
l'histoire ont déjà souligné les dangers résultant d'un éclatement de la zone
euro.
Dans des commentaires faits au début du
mois, le ministre polonais des Finances, Jaceck Rostowski, a prévenu qu'un
éclatement du projet européen pourrait aboutir à une guerre en moins d'une
décennie. Rostowski a dit à des journalistes que la guerre était probable
« non pas dans les mois à venir, mais peut-être au cours d'une période de
dix ans. »
Tel est l'avenir que le capitalisme
offre aux populations du monde: dépression, dictature et guerre. L'actuelle
crise représente l'échec du système capitaliste mondial. Il doit être remplacé
par un nouveau système fondé sur la propriété publique et le contrôle
démocratique des forces productives par les travailleurs, et une économie planifiée
adaptée aux besoins de la société et non aux profits - c'est à dire par le
socialisme.
Ceci requiert la mobilisation
révolutionnaire de masse de la classe ouvrière européenne, américaine et
internationale pour briser la mainmise des banques et des grandes entreprises
et pour établir des gouvernements ouvriers.