Les manifestations mondiales samedi, appelées en
solidarité au mouvement « Occupy Wall Street » à New York, ont donné
une expression à la profonde colère ressentie par la population envers tout le
système économique. Des centaines de milliers de travailleurs ont manifesté à
travers le monde, prenant une position commune contre l'inégalité.
Le mouvement « Occupy » est apparu plus de huit
ans après les manifestations internationales de masse contre l'attaque de
l'Irak par les États-Unis, qui avaient entraîné 20 millions de personnes à
travers le monde à manifester. Bien que les manifestations actuelles ne soient
pas encore aussi grandes que les protestations antiguerre de février et mars
2003, elles démontrent une croissance de la conscience politique parmi de
larges couches de jeunes et de travailleurs.
Il est significatif que les manifestations se soient
développées largement en dehors du cadre des partis officiels et des syndicats,
particulièrement aux États-Unis. Le Parti démocrate et l'AFL-CIO, ainsi que
plusieurs groupes qui soutiennent ses organisations pro-capitalistes, ont
cherché à intégrer les manifestations qui, dans leur orientation fondamentale,
prennent une direction différente.
L'impulsion fondamentale du mouvement « Occupy »
est l'appel à l'égalité sociale et l'opposition à l'oppression de classe. Les
slogans principaux aperçus sur les pancartes faites à la main se concentrent
sur le pouvoir des corporations et l'inégalité. Un slogan résume avec justesse
le sentiment général : « Le système n'est pas brisé, il est né
ainsi ».
Les questions de classe au coeur des manifestations
viennent contredire les organisations « de gauche » de la classe
moyenne qui ont promu pendant des décennies différentes formes de politiques
identitaires, se concentrant sur l'ethnie, le genre, l'orientation sexuelle,
comme moyen pour bloquer le développement d'un mouvement politique indépendant
de la classe ouvrière, tout en appuyant les partis bourgeois de l'establishment
politique. Il y a une reconnaissance croissante que tous les travailleurs font
face aux mêmes conditions de pauvreté, de chômage et d'exploitation
Les manifestations sont significatives d'une autre
manière : leur caractère international. Des panneaux en
anglais parmi les centaines de milliers de manifestants en Espagne, en Italie
et dans d'autres pays clament : « Nous sommes les 99 pour
cent ».
Le caractère mondial des manifestations et
l'esprit de solidarité internationale sont fondamentalement une réflexion du
caractère mondial de la crise du système capitaliste. La mondialisation a
intégré les travailleurs du monde entier encore plus étroitement qu'avant dans
un seul système économique. Les travailleurs font face à un ennemi commun,
c'est-à-dire les banquiers et les sociétés multinationales qui contrôlent
l'économie mondiale.
L'année 2011 est marquée politiquement par
le développement de la compréhension du caractère international des luttes de
la classe ouvrière. L'année a commencé avec les soulèvements en Tunisie et en
Égypte, où des millions de travailleurs se sont mobilisés pour renverser les
dictatures, appuyées par les États-Unis, de Zine El Abidine Ben Ali et de Hosni
Moubarak, des dictatures vieilles de plusieurs décennies.
Dans les jours qui ont suivi la chute de
Moubarak, les travailleurs de l'État américain du Wisconsin sont descendus dans
les rues contre les demandes du gouverneur Scott Walker, qui voulait détruire
les emplois, les salaires et les droits syndicaux. Plusieurs personnes avaient
des panneaux qui comparaient le gouverneur du Parti républicain à Moubarak et
qui affichaient leur détermination à « marcher comme un Égyptien »
(« walk like an Egyptian »).
Pendant l'été, l'Europe a été secouée par
des grèves des travailleurs en Grèce, des occupations de places publiques par
les Indignados espagnols, des émeutes dans les quartiers les plus
défavorisés de la Grande-Bretagne et d'autres manifestations d'opposition aux
politiques d'austérité et à la destruction des emplois. En Israël, les
manifestations les plus importantes dans l'histoire de ce pays ont eu lieu pour
protester contre les inégalités sociales et des centaines de milliers de jeunes
au Chili sont descendus dans la rue pour s'opposer aux attaques contre
l'éducation publique.
Ces manifestations se sont influencées et ont été des
sources d'inspiration entre elles. En particulier, la montée de l'opposition
aux États-Unis entraînera de profonds changements. Pour des millions de
personnes de par le monde, la classe dirigeante américaine est la source
première de militarisme, de répression et de parasitisme financier. Les
États-Unis sont présentés depuis longtemps comme un pays qui serait en quelque
sorte exclu de la lutte historique de la classe ouvrière contre le système de
profit et pour le socialisme. En fait, il n'y a pas d'autre pays où le conflit
de classe soit si profondément enraciné.
Les manifestations « Occupy Wall Street »
marquent un tournant majeur. Les gouvernements et les médias bourgeois
claironnent sans répit leur solution à la crise : le pillage de la société
par la destruction de l'éducation publique, de la santé et d'autres services,
ainsi que par les coupes dans les emplois, les salaires et les retraites - tout
cela dans le but d'entretenir et de faire fructifier la richesse d'une toute
petite minorité.
Mais une autre solution est maintenant en voie d'être
formulée, exprimée implicitement par les manifestations mondiales.
L'orientation anticapitaliste de cette opposition émergente doit être
développée en un mouvement conscient pour le socialisme, ce qui implique la
saisie de la richesse accumulée par l'aristocratie financière et la
réorganisation de la vie économique, sous le contrôle démocratique des masses,
dans le but de servir les besoins de toute la population, et non le profit
privé.
Cette transformation socialiste n'est possible qu'à
travers la mobilisation de masse de la classe ouvrière internationale dans une
lutte commune. Les manifestations « Occupy » sont un aperçu de ce
prochain mouvement, encore plus puissant.
L'opposition au capitalisme n'en est qu'à une étape
initiale. Les grandes questions de perspective et de programme ont à peine été
soulevées. Un nouveau programme nécessite le développement d'un nouveau parti
et d'une nouvelle direction politiques.
Seul le Comité international de la Quatrième
Internationale, organisé dans les Partis de l'égalité socialiste à travers le
monde, lutte partout sur la base d'une perspective socialiste révolutionnaire.
Nous encourageons les jeunes et les travailleurs qui entreprennent aujourd'hui
la lutte politique d'adhérer au SEP et de défendre cette perspective dans la
classe ouvrière internationale.