Au cours de ces deux dernières semaines, la
presse allemande a publié des articles détaillés sur les opérations menées
durant ces treize dernières années par un groupe de trois néo-nazis dans la
ville allemande d'Iéna. La bande a assassiné au moins 10 immigrés turcs et
grecs et perpétré d'autres crimes brutaux sous le nezdes services de
renseignement nationaux allemands qui étaient activement impliqués dans la
construction de réseaux d'extrême droite plus larges au sein desquels opérait
le groupe d'Iéna.
Les trois néo-nazis étaient, dans les années
1990, dans le groupe « Thüringer Heimatschutz » (Protection de la
patrie de Thuringe, THS) dont le dirigeant, Tino Brandt, fut démasqué en 2001
comme agent secret. Il a dit au magazine Der Spiegel avoir reçu pendant
sept ans plus de 200.000 deutschemark en tant qu'indicateur des services de
protection de la Constitution (Bundesverfassungsschutz, BVS). Il a affirmé
avoir dépensé l'intégralité de cette somme pour le financement de groupes
d'extrême-droite.
Le groupe d'Iéna passa dans la clandestinité
en 1998 après que la police eut trouvé un atelier de fabrication de bombes dans
un garage appartenant à l'un de ses membres. Bien qu'un mandat d'arrêt
international ait été émis contre eux, ils réussirent cependant à échapper à
une capture de l'Etat allemand durant les 13 années suivantes pendant
lesquelles ils commirent au moins 10 meurtres à motivation raciale. Des groupes
d'extrême-droite infiltrés par des agents des services secrets allemands sont
allés jusqu'à organiser trois concerts publics de solidarité dont les recettes furent
remis aux trois terroristes.
Le groupe d'Iéna a été révélé le 4 novembre
dernier lorsque deux de ses membres ont été retrouvés morts, tués par balle,
après s'être enfuis des lieux du braquage d'une banque.
Il est impossible de croire que les trois
terroristes d'Iéna aient évité de se faire détecter et de se faire prendre
pendant si longtemps sans l'aide d'éléments des services de renseignement
allemands. Le rôle de l'agent du service secret de Hesse, Andreas T. est tout
particulièrement suspect. Surnommé « petit Adolf » dans son village
natal pour ses opinions d'extrême-droite, il aurait été présent sur les lieux
du crime d'au moins cinq des meurtres du groupe d'Iéna - dont la fusillade en
2006 d'un propriétaire de café Internet à Kassel où il refusa de se présenter
volontairement à la police comme témoin.
Selon des rapports issus de « milieux
parlementaires » cités par le site Internet Bild.de, pendant plusieurs
années la surveillance d'agents secrets a fait partie des tâches d'Andreas T.
au THS.
Les liens des services de renseignement avec
des fascistes violents soulignent le caractère antidémocratique des Etats
capitalistes européens créés par la bourgeoisie européenne en collaboration
avec Washington et Londres après la Deuxième guerre mondiale. Les crimes commis
par le groupe d'Iéna et ses liens avec l'Etat résultent de ce contexte.
Durant les premières années de la Guerre
froide, les puissances occidentales avaient recruté de nombreux ex-responsables
nazis au sein de l'Etat allemand alors qu'elles luttaient contre la menace
d'une révolution socialiste en Europe. Ceci ne fut nulle part ailleurs plus le
cas que dans les services de renseignement allemands. Fondé en 1950 par les
alliés en tant qu'instrument de la Guerre froide, ils ont employé un grand nombre
d'anciens membres de la Gestapo qui considéraient les communistes comme leur
principal ennemi.
En 2009, le journal conservateur Frankfurter
Allgemeine Zeitung écrivait sous le titre « Esprit de cave brun» :
« Pour de nombreux officiers SS et d'hommes de la Gestapo, les années de
fondation de la république avaient été une période heureuse de la reprise de
leurs anciennes activités. De nombreux hommes venant de la machine de
persécution et d'extermination de Hitler réussirent après 1949 à faire leur entrée
dans les agences de sécurité. A l'Office fédéral de la police criminelle, aux
services secrets fédéraux allemands et aussi aux services de protection de la
Constitution (BVS), d'anciens camarades de la Wehrmacht et des SS ont imposé
durant les 20 premières années des éléments de leur idéologie nazie au style
opérationnel et à la formation. »
Lorsque les alliés remirent le contrôle du
BVS au gouvernement allemand en 1955, le gouvernement Adenauer choisit Hubert
Schrübbers - qui avait servi le régime nazi en tant que membre des SA et
procureur général - pour diriger l'agence. Sous sa supervision, de nombreux
anciens membres des SS occupèrent des postes importants au BVS. Schrübbers fut
finalement obligé de démissionner en 1982 lorsque des détails sur son passé
nazi furent connus.
Comme le montre clairement le bilan du
groupe néo-nazi d'Iéna, ces liens entre le fascisme et les Etats bourgeois
européens se poursuivent encore à ce jour. Ils constituent une mise en garde
sévère pour la classe ouvrière en Allemagne et internationalement à l'égard des
forces réactionnaires qui sont mises en avant pour imposer les coupes brutales
exigées par le capital financier dans le contexte de la crise grandissante du
capitalisme.
Le nouveau régime
« technocratique » en Grèce, imposé par les banques dans le but de
prescrire de nouvelles coupes impopulaires à la classe ouvrière, comprend
plusieurs ministres du parti fasciste grec LAOS. Alors que le parti droitier
Nouvelle Démocratie (ND) prend le contrôle du ministère de la Défense, au
milieu de rumeurs d'un éventuel coup d'Etat, les travailleurs grecs qui
s'opposent aux mesures d'austérité exigées par les banques sont à présent
confrontés à un gouvernement qui comprend des partisans notoires de la junte
militaire soutenue par la CIA et qui a dirigé la Grèce de 1967 à 1974.
Les meurtres exécutés de sang-froid en
Allemagne de personnes innocentes issues de l'immigration sont les préparatifs
pour la mobilisation des forces fascistes et de l'appareil d'Etat contre la
classe ouvrière et l'ensemble de l'opposition sociale à la crise capitaliste.
Ils soulignent la nécessité de mobiliser l'intégralité de la classe ouvrière
dans une lutte révolutionnaire contre les structures politiques corrompues du
capitalisme européen.