Depuis le 15 octobre, date où le campement Occupons la Bourse de Londres
s'est installé devant la cathédrale St Paul, un certain nombre de ses
organisateurs, composés de sympathisants du parti travailliste et de membres
de diverses organisations de pseudo-gauche, insistent pour que le « Pas de
politique » en soit le principe conducteur.
La banderole: Capitalisme veut dire crise
Leur objectif s'est fait plus clair ces derniers jours, et on voit les
débats qui se tiennent durant l'occupation être consciemment orientés de
l'hostilité envers le capitalisme - et la nécessité de lutter contre - vers
un dialogue avec l'élite politique et financière.
Depuis le début de l'occupation, les porte-parole du campement
encouragent les banquiers et les financiers à participer au débat sur
l'avenir du capitalisme, leur assurant qu'on leur donnerait la parole lors
des assemblées. La direction de la cathédrale St Paul a précédemment proposé
d'organiser un événement impliquant la City [le quartier financier de
Londres] où les manifestants participeraient à des discussions sur la
meilleure manière de gérer le quartier.
Le journal du campement, The Occupied Times, contient un argument
« pour et contre » avec des anti-anticapitalistes déclarant que le mouvement
« comprend de nombreuses personnes qui aspirent à entrer dans les affaires.
Et pourquoi pas? »
La plateforme du « Pas de politique » a donné la liberté à un groupe de
17 individus non identifiés de produire un « manifeste » adressé non pas aux
travailleurs, mais qui en appelle à la « démocratisation » de la City of
London Corporation.
La Corporation est un organisme ancien qui surveille le Square Mile
[quartier financier de Londres] qui comprend la Bourse de Londres et la
Banque d'Angleterre. Il a un certain nombre de prérogatives archaïques ainsi
que sa propre police et son propre système judiciaire.
Ce manifeste appelle à se défaire des aspects les plus ouvertement
antidémocratiques de la Corporation, dont la fin du vote groupé exercé par
les entreprises dans les élections locales, et la mise en place d'une
commission de « vérité et réconciliation » pour examiner les transactions de
la City.
Ce que ces projets signifient en réalité, c'est que l'élite financière
maintiendrait sa position de pouvoir, sous le faux-semblant d'une plus
grande « transparence » et « responsabilité.» Il n'y aura aucun empiètement
sur les gains mal acquis des ultra-riches, ni aucune demande de
redistribution radicale de la richesse en faveur des travailleurs pour
répondre à l'accroissement gigantesque de l'inégalité sociale.
Le manifeste s'inspire largement de la politique de l'universitaire
Maurice Glasman, conseiller du dirigeant travailliste Ed Miliband et
architecte du projet « Blue Labour. »
Blue Labour est un mélange délétère de chauvinisme anti-immigrés et
« d'anti- étatisme » qui décrit la création de l'Etat-Providence comme étant
le pire moment de l'histoire du Parti travailliste. Tout ceci se cache
derrière des appels à mettre des limites au capital financier et à accorder
un rôle plus important aux syndicats afin d'assurer la cohésion nationale.
Glasman prône depuis longtemps des mesures pour réformer la Corporation.
Cette mesure a l'avantage de détourner de la lutte contre le système
capitaliste dans son ensemble, et de promouvoir ce que Glasman décrit comme
un « renouveau civique. » S'exprimant dans le Guardian le week-end
dernier, il a accueilli favorablement ce manifeste, déclarant qu'il avait
« transformé la signification de l'occupation. »
Assemblée générale de Occupons La Bourse de Londres
Malgré les efforts faits pour réduire au silence la vraie politique
anticapitaliste, c'est à dire la politique socialiste, le Socialist Equality
Party (SEP) a distribué des centaines de copies de l'article de perspective
du World Socialist Website, « Le mouvement Occupons Wall Street à la croisée
des chemins, » à ceux qui étaient présents à la manifestation du week-end.
La plus grande partie des discussions lors des assemblées générales est
consacrée aux questions pratiques de la gestion du campement. C'est aussi de
cette manière que le programme du « Pas de politique » a été imposé aux
manifestants. Samedi dernier, la dernière partie du débat était consacrée à
des « shout outs », des créneaux de deux minutes durant lesquels chacun a
soi-disant la possibilité de s'adresser à la foule. Des membres du SEP ont
demandé la parole et il leur a été notifié qu'aucun intervenant politique
n'avait le droit de dire qui il était ni quelle était son affiliation
politique. Et pourtant la première personne à s'adresser à la foule était le
député travailliste John McDonnell, dont les platitudes creuses et les
appels à la solidarité ont reçu un accueil froid d'une grande partie de
l'auditoire.
Un autre intervenant a lu une lettre de Shami Chakrabati, directeur du
groupe de défense des droits de l'Homme, Liberty, leur proposant un « lieu
neutre » où entrer en discussion avec la Corporation et St Paul. D'autres
intervenants ont supplié les manifestants de se tourner vers Dieu et
d'adopter un style de vie minimaliste en réponse à l'accroissement de la
pauvreté de masse.
Celui qui écrit ses lignes a finalement obtenu la possibilité de
s'adresser aux manifestants et s'est identifié comme membre du SEP. Il parlé
de l'importance du mouvement international d'Occupation et dénoncé la
répression policière qui s'est déchaînée aux Etats-Unis et en Australie.
L'intervenant du SEP a dit avec insistance que « Pas de politique » veut
dire « ne pas parler de vraie politique d'opposition, cela veut dire s'en
remettre au système politique existant. »
Rejetant les demandes de réunions avec la Corporation, il a appelé à un
mouvement de masse contre l'inégalité sociale, mettant l'accent sur le fait
que ce mouvement doit être international de par son caractère et son
programme. Il a dit que ce n'est pas vers l'élite financière et patronale
que devraient se tourner les manifestants: « Ce qu'il faut, c'est un
authentique débat démocratique et l'élargissement de cette lutte vers les
travailleurs. »
Ses remarques ont été chaleureusement accueillies par de nombreuses
personnes, notamment parmi les étudiants et travailleurs plus jeunes
présents à la manifestation.