Des articles parus dans les journaux britanniques le Telegraph et
le Guardian du mercredi 2 novembre révèlent les préparatifs
militaires des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne pour une attaque de
l'Iran qui vont bien au-delà des scénarios de routine habituels.
Les fuites montrent que des préparatifs pour une nouvelle et dangereuse
aventure militaire sont en cours en même temps que des discussions au sein
du cabinet ministériel israélien et parmi les médias pour savoir s'il faut
lancer unilatéralement des attaques aériennes contre les installations
nucléaires iraniennes.
Les officiels et les ministres des trois pays ont nié ces rapports, mais
ont répété la menace de longue date que "toutes les options restent sur la
table". Tout ceci alors que l'Agence internationale de l'énergie atomique
(AIEA) doit remettre une nouvelle évaluation des programmes nucléaires de
l'Iran, décrite au Guardian par un fonctionnaire occidental anonyme
comme devant "changer la donne", et qui pourrait bien fournir le prétexte de
la guerre. L’Iran, de son côté, a constamment affirmé n'avoir aucun projet
de construction d'armes nucléaires.
Le Guardian a annoncé que : "le Ministère de la Défense [britannique]
croit que les Etats-Unis pourraient décider d'accélérer leurs plans de
frappe de missiles sur des installations iraniennes clé. Les officiels
britanniques indiquent que si Washington va de l'avant ils rechercheront et
recevront l'aide militaire britannique pour toute mission envisagée, malgré
de profondes réserves au sein du gouvernement de coalition." Par
anticipation, "les planificateurs militaires britanniques examinent où
déployer au mieux les navires et les sous-marins de la Royal Navy, équipés
de missiles de croisière Tomahawk, au cours des mois à venir."
Un article dans le Telegraph a confirmé que le Ministère de la
Défense (MoD) avait indiqué la nécessité d'agir rapidement sur la base
d'informations selon lesquelles l'Iran s’apprêtait à déplacer des
technologies clé d'enrichissement d'uranium vers des installations
profondément enterrées situées près de Qom. Les planificateurs du MoD ont
dit au journal qu'il y avait une "fenêtre d'opportunité en train de se
refermer" et que par conséquent, selon les déclarations de leur source, "Il
faut y être à temps, car une fois que tout sera enterré, cela deviendra
beaucoup plus difficile."
Des sources britanniques anonymes ont indiqué au Guardian que le
Président américain Obama ne voulait pas "entreprendre une aventure
militaire nouvelle et provocatrice avant l'élection présidentielle de
novembre prochain. Mais ils ont averti que ces calculs pourraient changer à
cause des craintes montantes alimentées par les renseignements recueillis
par les agences occidentales." Un officiel de Whitehall [siège de l'amirauté
britannique] a fait les remarques suivantes : "le président Obama a une
grande décision à prendre dans les mois à venir parce qu'il ne voudra rien
entreprendre juste avant l'élection."
Israël pourrait inciter Obama à plonger dans une nouvelle guerre en
lançant ses propres frappes contre les installations nucléaires iraniennes,
ou en menaçant de le faire. Vendredi dernier, le journaliste israélien
renommé Nahum Barnea rapportait dans Yediot Aharonot, que le Premier
ministre Benjamin Netanyahu et le Ministre de la défense Ehud Barack
faisaient pression sur le cabinet ministériel intérieur [chargé de la
sécurité] et sur les chefs israéliens de la sécurité pour qu'ils acceptent
d'attaquer l'Iran. L'information a provoqué une réponse furieuse de Benny
Begin, membre du cabinet intérieur, qui a dénoncé la discussion dans les
médias comme étant "complètement irresponsable" car elle "entravait
sévèrement la capacité du gouvernement à prendre des décisions" sur cette
question.
Le gouvernement israélien a déjà fait des préparatifs avancés pour une
attaque contre l'Iran. Le journal Ha’aretz a indiqué mardi que le
ministère des Affaires étrangères israélien avait commencé une campagne
diplomatique à la mi-septembre en insistant auprès de ses alliés pour dire
qu'il ne restait plus beaucoup de temps pour mettre fin au programme
nucléaire iranien par la pression diplomatique et les sanctions. Sur le
front militaire, les avions militaires israéliens ont mené la semaine
dernière un exercice à longue distance, du type nécessaire pour atteindre
l'Iran, en utilisant une base de l'OTAN sur l'île italienne de Sardaigne.
Mercredi, Israël a fait un tir d'essai d'un engin balistique à longue
distance qui a aussi le potentiel de frapper l'Iran.
Ceux qui déclarent qu'Israël et ses alliés américains et européens ne se
risqueraient pas à une attaque sur l'Iran, avec ses conséquences
potentiellement catastrophiques, ignorent le fait que leurs agences de
renseignements sont déjà engagées dans des activités qui sont équivalentes à
des actes de guerre. Il est largement admis qu'Israël, avec l'assistance
probable des Etats-Unis, était derrière l'opération de guerre électronique
utilisant le virus informatique Stuxnet pour saboter les installations
d'enrichissement de l'Iran et impliqué dans l'assassinat de plusieurs
scientifiques nucléaires iraniens au cours de l'année passée.
Plus fondamentalement, les préparations pour la guerre contre l'Iran ne
sont pas plus motivées par des inquiétudes sur son programme nucléaire que
les invasions de l'Afghanistan et de l’Irak ne l'ont été par "le terrorisme"
ou "les armes de destruction de masse", ou que le bombardement par l'OTAN de
la Libye n'était destiné à protéger les populations libyennes. Les
Etats-Unis se sont jetés de façon téméraire dans une guerre après l'autre au
cours de la décennie passée, dans une tentative désespérée de compenser leur
déclin économique en projetant leur hégémonie sur les régions riches en
énergie du Moyen-Orient et de l'Asie centrale.
Les invasions néo-coloniales de l'Afghanistan et de l’Irak se sont toutes
deux transformées en désastres qui, ainsi que les commentateurs américains
l'ont souvent noté, n'ont fait que permettre d'améliorer la situation de
l'Iran dans la région en supprimant deux régimes qui lui étaient hostiles.
N'ayant pas réussi à conclure avec Bagdad un accord sur le statut de ses
troupes, la position américaine sera encore plus affaiblie lorsqu'elle
enlèvera ses dernières troupes d’Irak, vers la fin de l'année. Les
perspectives ne sont pas meilleures en Afghanistan où les Etats-Unis et ses
alliés se préparent au retrait de leurs forces combattantes d'ici à 2014.
Loin d'agir comme un frein, la crise économique mondiale qui s'aggrave
pousse l'impérialisme américain à utiliser sa puissance militaire pour
consolider ses intérêts économiques et stratégiques au dépens de ses
principaux rivaux européens et asiatiques. C'est la logique tortueuse à
l’œuvre derrière la prise pour cible de Téhéran, considéré à Washington
comme un obstacle majeur pour les ambitions américaines au Moyen-Orient et
la raison principale de ses échecs en Irak et en Afghanistan. De plus, comme
dans le cas de la Libye, une guerre menée par les Etats-Unis contre Téhéran
saperait sérieusement les intérêts économiques considérables de la Chine et
de la Russie en Iran, ainsi que leurs efforts pour forger des liens
stratégiques plus étroits.
L'administration Obama est aussi poussée par la crise économique qui
s'approfondit et les tensions de classe montant aux USA même, qui ont été
révélées par l'éruption du mouvement de protestation anti-Wall Street.
Malgré l'opposition populaire largement répandue à l'égard du militarisme et
de la guerre qui s'est développée pendant la dernière décennie,
l'aristocratie financière américaine est tout à fait disposée à prendre un
autre pari irresponsable pour étayer ses intérêts au Moyen-Orient et comme
moyen de détourner l'attention de la dévastation sociale produite par son
programme d'austérité.
Les derniers rapports dans la presse britannique constituent
l'avertissement le plus net qui soit à la classe ouvrière américaine et
internationale. Alors que le capitalisme mondial va titubant d'une crise
économique et politique à l'autre, la rivalité entre les principales
puissances, pour les marchés, les ressources et l'obtention d'avantages
stratégiques risque de plonger l'humanité dans un conflit catastrophique qui
dévasterait la planète. La seule force sociale capable de mettre fin au
danger de guerre mondiale est la classe ouvrière internationale et cela
passe par une lutte unifiée pour abolir le système de profit et établir une
économie socialiste planifiée à l'échelle mondiale. C'est la perspective du
Comité international de la Quatrième Internationale et de ses sections dans
chaque pays.
(Article original paru le 4 novembre 2011)