Une nouvelle grève secoue les ports de France. Pendant le
conflit sur la réforme des retraites de septembre-octobre, le gouvernement
avait accepté de reconnaître, de manière informelle, le travail pénible des
ouvriers portuaires et acceptait que ces derniers puissent partir plus tôt à la
retraite, mettant ainsi fin à une grève portuaire qui durait depuis plusieurs
semaines. Fin décembre, le gouvernement est revenu sur sa décision.
Ceci révèle au grand jour le caractère cynique des
assurances données par les syndicats des ports lors de la vague de grèves
d'octobre-novembre 2010 contre la politique d’austérité du gouvernement
Sarkozy. A l’époque, les syndicats des ports avaient encouragé les
travailleurs à mettre fin à leur lutte, ce qui avait beaucoup aidé le
gouvernement à mettre fin au mouvement de contestation, en prétendant
qu’ils avaient gagné un accord sur la pénibilité. Ces assurances se sont
révélées tout à fait creuses.
Après l’étouffement par la CGT des grèves contre la
réforme des retraites dans les raffineries et dans les ports, le nouveau
secrétaire d’Etat aux Transports Thierry Mariani nie l’existence
d’un accord entre la CGT et le ministre d'alors en charge du dossier de
la réforme des ports, Jean Louis Borloo.
Les négociations sur la base de la réforme portuaire
permettaient aux 6 000 ouvriers des ports et docks de pouvoir partir 5 ans avant
l’âge légal de départ à la retraite fixé alors à 60 ans. Or le secrétaire
d’Etat aux Transports était d’accord pour reconnaître la pénibilité
des métiers des ouvriers des ports et docks mais dans le cadre de la loi du 9
novembre 2010 sur la réforme des retraites. Ceci signifie que les ouvriers
pourraient partir 2 ans avant l’âge de départ à la retraite qui est à
présent fixéà 62 ans.
La CGT avait appelé à des grèves tournantes entre les
dockers et les agents du GPMM (Grand port maritime de Marseille) du vendredi au
lundi et ont maintenu les grèves perlées d’une heure par shift. La
CGT a stoppé les grèves le 10 février pour pouvoir négocier dans de bonnes
conditions le 17 février avec le gouvernement.
A Nantes/Saint-Nazaire, sept bateaux étaient bloqués à quai
et douze au large. À Fos, le trafic de marchandises était perturbé à hauteur de
80-90% le weekend, tandis qu'à Marseille-Est, il était paralysé à 100% pour les
conteneurs. Au Havre, deuxième port français, le mouvement se poursuivait
aussi, bloquant notamment les terminaux conteneurs.
Sur le port de Marseille-Ouest après l’annonce de la
reprise des grèves par la CGT, 30 pour cent des dockers se sont mis en arrêt
maladie. Ce comportement est dû à une méfiance de ces dockers vis-à-vis de la
CGT qui, lors des expériences récentes de conflits, a ouvertement montré les
arrangements qui existent entre le patronat et la CGT.
Le gouvernement n’a jamais eu l’intention
d'accorder la reconnaissance de la pénibilité aux dockers. Ce qu’il
voulait faire, en collaborant avec la CGT, c’était de faire reprendre le
travail aux ouvriers des ports et docks engagés énergiquement dans le conflit
contre la réforme des retraites pour ensuitefaire reprendre le travail
à l’ensemble de la classe ouvrière.
Fin octobre, au plus fort du conflit sur la réforme des
retraites voulue par le gouvernement Sarkozy, l’action des travailleurs
des terminaux pétroliers (grèves tournantes entre les dockers et les agents du
GPMM) combinée avec la grève et le blocage des raffineries menaçait de
paralyser l’économie. Le gouvernement a envoyé la police pour faire
cesser les mouvements dans la raffinerie de Grandpuits et les contraindre à
reprendre le travail et la police est aussi intervenue au dépôt pétrolier de
Fos. Les syndicats n’ont pas appelé à une lutte plus large pour défendre
les travailleurs réprimés par les forces de l’ordre.
Le conflit sur les retraites s’est terminé quelques
jours après le vote de la loi au parlement et l’annonce de Bernard
Thibault qu’il voulait mener uniquement des actions
« symboliques » contre la réforme des retraites. François
Chérèque, secrétaire national de la CFDT, annonçait alors qu’il comptait
négocier avec le patronat sur la question des contrats jeunes et séniors, lors
d’une émission télévisée sur la chaîne France 2, le 25 octobre 2010.
Ceci démontre que les promesses utilisées par les syndicats
pour détacher les travailleurs du port du mouvement de septembre-octobre
étaient une trahison. En fait, les dirigeants syndicaux des ports indiquent
même aujourd’hui qu’ils étaient hostiles à une tentative
d’établir une solidarité de classe entre les luttes des travailleurs des
ports et celles des travailleurs des autres branches.
Dans unarticle
du Figaro du 22 janvier, le bureaucrate de la CGT Serge Coutouris
dit : « On essaie de nous noyer dans le dossier des retraites, alors
que notre dossier était complètement déconnecté depuis deux ans ». La CGT
n’était donc pas contre la réforme des ports et des retraites; leur
revendication pour la reconnaissance de la pénibilité sur les ports
s’inscrit donc clairement à l’extérieur de la lutte de septembre-octobre
2010.
Les autres ports européens ont décidé de décharger les
marchandises des bateaux prévus au départ pour la France mais de bloquer les
marchandises. Cependant l’IDC (International Dockworkers Council, le
syndicat portuaire européen) a tout fait pour que soit évité un conflit
dépassant les frontières de la France.
Dans ses documents, l’IDC a ouvertement déclaré
vouloir aider les employeurs à faire passer les réformes anti-ouvrières :
« A l'IDC nous recommandons vivement au gouvernement français de reprendre
des négociations avec le Fédération nationale des ports CGT et les employeurs
pour parvenir à un accord entre les partenaires sociaux. Le dialogue social est
la seule façon de parvenir à des accords qui seront avantageux à toutes les parties
prenantes, particulièrement par les temps de crise que nous vivons
aujourd'hui. »
L’IDC ajoute « Coordinadora déploiera tous les
efforts nécessaires pour promouvoir le dialogue, évitant le risque de tomber
dans une spirale de conflit qui empêchera le rétablissement financier attendu
depuis longtemps. Il y a des exemples de processus de dialogue social réussis.
L'adoption de la réforme des ports espagnole et la nouvelle loi en 2009,
approuvée par le gouvernement, des employeurs et des syndicats peut servir de
guide. La revendication du port français est juste et comme telle doit être
satisfaite par son gouvernement. »
Le 18 février, la CGT et le gouvernement ont trouvé un
accord sur la pénibilité qui est différent de celui qui fut négocié en novembre.
L’Etat accorde 2 ans de pénibilité, le patronat financera la troisième
année, et la quatrième année doit être à priori signée au cours de
l’année 2011 sur la base de 62 ans, ce qui porterait l’âge de
départ à la retraite à 58 ans. Ceci équivaut à une augmentation de trois ans de
l’âge de départ à la retraite pour les travailleurs dans les ports.
Les ouvriers des ports et docks doivent sortir de leur
isolement volontairement orchestré par les syndicats, pour une unification de
la classe ouvrière. Les problèmes que subit la section ouvrière des ports et
docks sont les même que les autres sections de la classe ouvrière et ceux de
tous les pays.