Le Nouveau Parti anticapitaliste et ses
co-penseurs du Secrétariat unifié de la Quatrième Internationale pabliste
(SUQI) ont déclaré leur soutien à l'agression militaire non provoquée contre la
Libye par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Ils ont impudemment
aligné leur politique sur celle des grandes puissances, en affirmant
explicitement que la nature impérialiste de l'assaut contre la Libye était hors
de propos.
L'article du 21 mars (« Bombs over
Libya », Des bombes sur la Libye) de Bertil Videt, membre de l'Institut de
formation et de recherche d'Amsterdam, publié sur le site Internet du SUQI, International
Viewpoint, adopte pleinement la logique de guerre de l'impérialisme
français - en d'autres termes, que l'intervention visant à soutenir le Conseil
national de Benghazi contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi est motivée
par des préoccupations « humanitaires ».
L'article commence ainsi: « L'action
militaire contre la Libye est-elle nécessaire et utile pour stopper le massacre
du régime de Kadhafi contre son adversaire ou est-elle une agression impérialiste
poussée par des intérêts stratégiques propres et qui ne feront qu'aggraver les
choses pour le peuple libyen ? La gauche internationale est partagée sur
cette question. Et la question est vraiment complexe et on ne peut y répondre
par des slogans tout prêts sur le fait d'être toujours opposé aux agressions
impérialistes ou en faveur d'un soutien inconditionnel aux rebelles. »
La question posée par Videt est d'une
mauvaise foi flagrante. Le SUQI est parfaitement conscient que cette guerre est
un acte d'agression impérialiste et il la soutient. Videt lui-même reconnaît
furtivement que «Bien sûr nous savons tous que la France, la Grande-Bretagne et
les Etats-Unis ne sont pas poussés par une soudaine gentillesse - mais par des
intérêts stratégiques dans cette région riche en pétrole. »
Il remarque même « le deux poids et
deux mesures de l'Occident » qui affirme être en train de bombarder la
Libye pour sauver des vies : « Comment pouvons nous croire [que] des
dirigeants qui ont défendu Moubarak jusqu'au dernier moment et qui refusent
même encore de condamner le recours de la monarchie du Bahreïn à la force
létale contre des manifestants pacifiques [sont] véritablement touchés par la
situation des droits humains en Libye ? »
Après avoir soulevé ces arguments, Videt les
rejette tout simplement en bloc : « Aucun de ces points ne sont, en
soi, des arguments pour s'opposer à la zone d'exclusion aérienne au-dessus de
la Libye. Le rejet de l'intervention militaire de l'Occident en Libye requiert
une meilleure analyse des risques et des scénarios possibles au sol. Et il nous
faut effectivement répondre à quelques objections plutôt problématiques - à
savoir le fait que les dirigeants des forces d'opposition ont réclamé une zone
d'exclusion aérienne et que nous devons fournir de meilleures alternatives que
l'affichage de blogs de solidarité et d'anti-impérialisme. »
Avec une telle déclaration, le SUQI proclame
son hostilité ouverte au marxisme qui insiste sur le fait que l'attitude d'un
parti de la classe ouvrière à l'égard de la guerre doit se fonder sur le
caractère social et de classe des régimes qui la mènent. Les marxistes sont
opposés par principe à une guerre menée par des grandes puissances
impérialistes telles les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France contre un ancien
pays colonial opprimé comme la Libye. Videt, par contre, est beaucoup trop
pressé pour se préoccuper de principes politiques.
« L'alternative » qu'il propose,
et qui est tout à fait conforme avec la politique des puissances impérialistes,
est d'armer les forces soutenues par l'Occident en Libye : « Nous
pouvons et nous devons plaider pour l'envoi de système de défense antiaérienne
et autres armements aux rebelles - pour qu'ils puissent mieux faire face aux
forces de Kadhafi qui ont été armées par l'Occident pendant des décennies.
Heureusement, l'actuel gouvernement intérimaire en Egypte (dont la frontière
est proche de Benghazi) expédie des armes de l'autre côté de la
frontière. »
Le porte-parole du NPA, Olivier Besancenot,
a fait des propositions identiques en suggérant que la France procure des
fusils à l'opposition libyenne : « Notre solidarité pleine et entière
va au peuple libyen auquel il faudrait donner les moyens de se défendre, les
armes dont il a besoin pour chasser le dictateur, conquérir la liberté et la
démocratie. »
Les déclarations du SUQI visent à renforcer,
en France et au-delà, la ligne du gouvernement et des médias: On ne peut
s'opposer au principe de l'intervention parce que celle-ci se fait dans le but
sacré de défendre les forces « révolutionnaires » anti-Kadhafi. Cette
position a été exprimée le plus crûment dans une interview (« What's
happening in Libya ? », Que ce passe-t-il en Libye ?) de Gilbert
Achcar de l'Ecole des études orientales et africaines de l'université de
Londres, et publiée par le NPA et le SUQI.
Il a dit, « Si Kadhafi était autorisé à
poursuivre son offensive militaire et s'il prenait Benghazi, il y aurait un
énorme massacre. Nous sommes dans un cas où une population est vraiment en
danger et où il n'y a pas d'autre alternative pour la protéger. L'attaque des
forces de Kadhafi est une question d'heures ou de jours. On ne peut, au nom de
principes anti-impérialistes, s'opposer à une action qui va empêcher le
massacre de civils. »
Les termes même employés par le SUQI apposent
un caractère petit-bourgeois, pro-impérialiste à sa perspective. Ce qui se
passe en Libye n'est pas une « situation de droits de l'homme » et
l'objectif principal des puissances occidentales n'est pas d'imposer une
« zone d'exclusion aérienne » pour maintenir la paix à Benghazi.
Tandis que les forces occidentales
détruisent de vastes sections des forces aériennes et de l'armé de la Libye, et
font pleuvoir des bombes et des missiles de croisière sur Tripoli et d'autres
villes libyennes, elles sont en train de monter une intervention massive dans
la guerre civile en Libye. Leur but est d'utiliser la clique droitière qui
dirige Benghazi, et que le SUQI présente continuellement comme « le peuple
libyen » et sur la nature de laquelle il reste quasiment silencieux, pour
s'emparer de la Libye. Ceci produira un régime pro-occidental complaisant dans
une région stratégique riche en pétrole qui est ébranlée par des luttes
révolutionnaires contre des dictateurs soutenus par l'Occident.
En avançant de faux arguments
« humanitaires » pour justifier la guerre libyenne, le NPA et ses
condisciples du SUQI se révèlent être des partis bourgeois pro-impérialistes.
De tels motifs « humanitaires »
pour la guerre ont été invoqués tout au long du 20ème siècle,
souvent sans aucune preuve, pour légitimer des invasions impérialistes. Un
exemple récent a été le bombardement du Kosovo par l'OTAN en 1999, justifié par
des affirmations grossièrement exagérées publiées dans la presse selon
lesquelles le président yougoslave Slobodan Milosevic massacrait des centaines
de milliers d'Albanais kosovars. Bien que le bilan des morts civils dû aux
opérations yougoslaves au Kosovo soit à présent estimé être de l'ordre de
plusieurs centaines, l'OTAN l'avait utilisé comme prétexte pour bombarder la
Serbie et le Kosovo tout en soutenant l'organisation criminelle de l'Armée de
libération du Kosovo (UCK) - qui se trouve pratiquer aujourd'hui activement un
trafic illégal d'organes.
Avant tout, si les principes politiques
doivent être ignorés et si seul le critère de « sauver des vies » est
retenu pour évaluer le lancement des guerres par les puissances occidentales,
alors il n'existe pratiquement aucun pays au Moyen-Orient, en Afrique ou en
Asie dont le SUQI ne peut soutenir l'invasion. Dans des régions où chaque pays
est confronté à des conflits ethniques et sectaires complexes, les puissances
occidentales peuvent toujours sanctifierune invasion au motif de sauver
la vie des forces qu'elles soutiennent.
Dans le cas de la Libye, le SUQI a commencé
à jouer son rôle dès le début du lancement de la campagne de propagande pour la
guerre, dans les pays impérialistes, et qui a démarré début en mars.
Le 3 mars - le lendemain de l'appel du
Conseil national pour une intervention militaire de l'Occident en Libye - il a
publié une déclaration, « Soutien à la révolution libyenne ! Kadhafi
dégage, » en faisant l'éloge de la « lutte à mort entre le peuple et
la dictature » qui avait lieu en Libye.
Cette agressivité dans le soutien à la
guerre était d'autant plus significative que l'impérialisme français jouait un
rôle prépondérant dans l'entrée en guerre. Mais à lire les commentaires du NPA
ou du SUQI, on serait loin de se douter que la force dont ils prétendent
qu'elle aiderait une « révolution » en Libye est le gouvernement
droitier fortement impopulaire du président français, Nicolas Sarkozy.
Il est significatif de noter que de telles
positions ont mis le SUQI en conflit avec des figures politiques qu'il présente
depuis décennies comme des modèles: les régimes nationalistes bourgeois
d'Amérique latine de Hugo Chavez au Venezuela, de Daniel Ortéga au Nicaragua et
de Fidel Castro à Cuba. Forts d'une longue expérience de coups d'Etat soutenus
par les Etats-Unis - le coup d'Etat militaire de 2002 contre Chavez au Venezuela,
l'insurrection contre-révolutionnaire des Contras dans les années 1980
au Nicaragua et l'invasion de la Baie des Cochons à Cuba - les régimes de
l'Amérique latine ont mis en garde contre le risque d'une intervention
occidentale.
De ce fait, la déclaration du SUQI a
également dénoncé les nationalistes d'Amérique latine. Elle dit :
« Nous sommes en total désaccord avec les prises de positions de Hugo
Chavez, Daniel Ortéga et Fidel Castro. Fidel Castro a dénoncé le risque d'une
intervention de l'impérialisme nord-américain au lieu de soutenir la lutte du
peuple libyen. Quant à Hugo Chavez il a réitéré son appui au dictateur
Kadhafi. »
Le SUQI a tenté d'envelopper sa position
pro-impérialiste dans un jargon pseudo-gauche : « Ces prises de
positions sont inacceptables pour les forces révolutionnaires, progressistes et
anti-impérialistes du monde entier. On ne s'oppose pas à l'impérialisme en
soutenant des dictateurs qui massacrent leurs peuples en révolution. Cela ne
peut que le renforcer. La tâche fondamentale du mouvement révolutionnaire, à
l'échelle internationale, est de défendre ces révolutions et de s'opposer à
l'impérialisme en soutenant ces révolutions, pas les dictateurs. »
Ce passage est un exemple classique du
verbiage trompeur du SUQI. Les déclarations des nationalistes d'Amérique latine
étaient inacceptables au SUQI non pas parce qu'il se prononçait en faveur de
« forces anti-impérialistes, » mais parce qu'il s'apprêtait à
soutenir une guerre réactionnaire de l'impérialisme occidental.
Pour contrer les
avertissements lancés par les nationalistes d'Amérique latine d'un risque de
guerre, le SUQI a même publié une déclaration dénonçant spécialement la
« faillite du chavisme » rédigée par son parti belge, le LCR-SAP
(Ligue communiste révolutionnaire-Socialistische arbeiderspartij, [Parti
ouvrier socialiste])
Il condamne Chavez et Castro pour impliquer
que « l'urgence n'est pas à dénoncer le carnage de Kadhafi contre son
peuple et de choisir le camp du soulèvement populaire [mais] de manifester
contre l'intervention future et hypothétique de l'OTAN. Au nom de la menace
d'un crime à peine esquissé, il faudrait donc ' faire silence ' sur
un crime actuel bien réel. »
Comme les événements le montrent, il n'y
avait rien d'« à peine esquissé » ou d'« hypothétique »
concernant le risque que les puissances de l'OTAN puissent attaquer la Libye.
Néanmoins, le SUQI a nié, de façon hystérique, que l'intervention impérialiste
était une possibilité.
Rejetant de tels avertissements comme étant
« des thèses conspirationnistes délirantes », la LCR-SAP écrit :
« il n'y a rien de 'singulier' ou de 'particulier' dans la révolution en
Libye, nul complot étranger ourdi par la CIA ou par Ben Laden ; elle
s'intègre au contraire pleinement dans le processus de la révolution arabe qui
déferle dans toute la région. »
Même à ce moment-là, de tels commentaires
étaient clairement faux. Durant la semaine qui a précédé la publication du
document de la LCR-SAP, la presse regorgeait d'articles disant que les forces
spéciales britanniques, italiennes et françaises opéraient en Libye sous
couvert de vols « humanitaires » à destination de la Libye. Mais avec
le déclenchement de la campagne de bombardement de masse par les puissances
occidentales, le rôle de propagandiste de guerre impérialiste du SUQI est
démasqué.
Alors que le gouvernement français faisait
pression juste avant la guerre pour obtenir une résolution de l'ONU contre la
Libye, le NPA collaborait avec ses partenaires habituels de la
« gauche » bourgeoise française, menée par le Parti socialiste (PS),
à tenter d'avancer un argument humanitaire pour une attaque contre la Libye.
Le NPA a cosigné des déclarations sur la
Libye avec le Collectif de solidarité avec le peuple libyen - un groupe
constitué principalement de petits partis satellites du PS.
Comme il fallait s'y attendre, compte tenu
de l'hypocrisie de la « gauche » droitière française,
« solidarité avec le peuple libyen » signifie soutenir une guerre
menée contre lui. Le 17 mars, jour du vote de la résolution 1973 au Conseil de
sécurité de l'ONU, elle a publié un communiqué pour demander la
« reconnaissance du Conseil national » comme « seul représentant
légitime du peuple libyen. »
Plusieurs satellites du PS constituant le
Collectif, tels Europe-Ecologie et le Parti de Gauche (PG) de Jean-Luc
Mélenchon, issu d'une récente scission d'avec le PS, ont publié des
déclarations officielles soutenant la guerre contre la Libye. Europe-Ecologie,
partenaire de longue date du PS au gouvernement, affirme que « le droit
international en sort renforcé. »
Quant à Mélenchon, il a dit au quotidien Libération
qu'il était « en faveur de l'opération militaire en Libye, » en
expliquant : « J'approuve l'idée qu'on brise le tyran pour l'empêcher
de briser la révolution. »
En colportant l'argument que l'intervention
occidentale en Libye vise à sauver des vies, ces partis ne font que recycler
les arguments qui ont été émis tout à fait ouvertement par des stratèges
influents de l'impérialisme français. Ainsi, l'ancien ministre des Affaires
étrangères, Hubert Védrine du PS, qui avait supervisé la participation de la
France à l'invasion en Afghanistan en 2001, a qualifié
d'« historique » la résolution 1973 de l'ONU - que les puissances
occidentales ont adoptée hâtivement pour justifier leur attaque contre la Libye.
Védrine l'a louée parce qu'elle permet aux
grandes puissances d'envahir des pays sous le couvert de protéger des civils.
Il a dit au Nouvel Observateur que la résolution 1973 de l'ONU était
« la mise en ouvre d'un principe adopté par l'ONU il y a quelques années
sous la direction de Kofi Annan, c'est la responsabilité de protéger : un
concept sur lequel les membres de l'ONU s'étaient mis d'accord afin de mettre
fin au débat sensible sur le droit d'ingérence. »
Pour dire les choses plus franchement, des
diplomates impérialistes, comme Védrine ont décidé qu'il est préférable de ne
pas s'arroger le droit d'attaquer et de conquérir des pays à volonté. Au lieu
de cela, ils préfèrent habiller ce principe du manteau de «protéger » des
civils dans les pays qu'ils attaquent. Cette formulation a non seulement
l'avantage d'obscurcir ce qui se passe, mais permet à la classe dirigeante de
mobiliser le soutien actif de toute une couche sociale de la petite bourgeoisie
« humanitaire » représenté par le SUQI et les partis avec lesquels il
collabore en France et internationalement.
Ces forces soutiennent les guerres et ce
bien qu'ils soient tout à fait conscients de leurs mobiles droitiers et du
caractère droitier des alliés de l'impérialisme au sein de la Libye. Ceci est
le plus clairement illustré par le contenu de l'interview d'Achcar publié par
le SUQI.
Achcar a fait remarquer que l'opposition est
« très hétérogène. Toutes ces forces disparates sont unies par un rejet
de la dictature, un désir de démocratie et de respect des droits de l'Homme.
Au-delà, il y a de nombreux projets différents. En Libye plus particulièrement,
il s'agit d'un mélange de militants pour les droits de l'Homme,
d'intellectuels, de courants tribaux et de forces islamiques - un éventail
assez large donc. Le mouvement libyen comprend aussi des secteurs du
gouvernement et des forces armées qui ont rompu avec le pouvoir et rejoint
l'opposition. »
Cette description de la composition sociale
du Conseil national anéantit les affirmations cyniques d'Achcar, Videt et Cie
de lutter pour la révolution en Libye. En fait, on trouve parmi les dirigeants
du Conseil national rebelle, l'ancien ministre de la Justice, Mustafa Abdel
Jalil et le général Abdel Fattah Younes al Obaidi, le commandant de l'unité
libyenne Thunderbolt qui s'était entraînée avec les forces spéciales
britanniques SAS. De tels individus, tout comme les divers chefs tribaux et les
Islamistes siégeant au Conseil national, sont loin d'éprouver un
« désir » de démocratie.
Le Conseil national ne représente pas une
continuation des luttes révolutionnaires de la classe ouvrière d'Egypte et
deTunisie. Dans la mesure oùelles étaient d'authentiques protestations
populaires dans les tous premiers jours de la crise libyenne - avec
l'apparition de quantité de reportages sur des manifestations de jeunes et des
grèves dans le secteur pétrolier - les forces du Conseil national les ont
dirigées dans une tout autre direction.
Elles ont cherché à ne pas développer un
mouvement de masse politique contre le régime, mais une lutte militaire au sein
du régime contre les forces loyales à Kadhafi avec l'aide de l'impérialisme
occidental. Elles ont publié maintes déclarations réclamant des frappes
aériennes et une intervention en Libye dont le but serait de les installer au
pouvoir.
Si lele
Conseil national accédait au pouvoir, il constituerait une base de la réaction
pro-impérialiste contre les luttes révolutionnaires de la classe ouvrière se
développant dans la région - en particulier chez les voisins de la Libye, l'Egypte
et la Tunisie. Ceci s'exprime le plus clairement par sa collaboration avec
l'armée égyptienne soutenue par les Etats-Unis, et qui préside une dictature
qui tente de mettre un terme aux grèves et aux protestations massives qui ont
entraîné la démission du président égyptien Hosni Moubarak le 11 février.
Le Conseil national est partie prenante,
comme le NPA le sait parfaitement, d'une mainmise des entreprises occidentales
sur le pétrole. Achcar a indiqué que « La réponse occidentale a bien sûr
un petit goût de pétrole, » en ajoutant : « Seule la France est
apparue comme très en faveur d'une action ferme, ce qui pourrait bien avoir à
voir avec le fait que la France - contrairement à l'Allemagne (qui s'est
abstenue sur le vote) [de la résolution 1973 au Conseil de sécurité de l'ONU],
la Grande-Bretagne et, surtout l'Italie - n'a pas beaucoup d'intérêt dans le
pétrole libyen et espère certainement avoir une plus grosse part du gâteau avec
un régime post-Kadhafi. »
Toutefois, cet article montre clairement que
les affirmations du NPA selon lesquelles les puissances occidentales attaquent
la Libye pour sauver des vies sont une tromperie cynique et consciente. Il sait
que l'objectif des puissances occidentales est le changement de régime ou,
comme le montre Achcar, une Libye « post-Kadhafi. » Ceci permettra à
la France et à d'autres puissances de piller le secteur pétrolier de la Libye
qui avait été en grande partie nationalisé par Kadhafi entre 1971 et 1974 et
d'installer un Etat client droitier à Tripoli.
Achcar - et en cela il s'exprime au nom de
tous les « humanitaires » et « révolutionnaires » du NPA et
aussi du SUQI - a néanmoins approuvé la guerre occidentale contre la Libye, la
main basse sur le pétrole et tout le reste.
Le soutien du NPA et du SUQI pour l'intervention
impérialiste en Libye marque un tournant fondamental dans l'évolution de ces
partis, révélant plus clairement le caractère des forces pablistes qui ont fait
scission en 1953 d'avec la Quatrième Internationale. Débutant comme une
révision du trotskysme - une adaptation politique au stalinisme et au
nationalisme du tiers monde, affirmant que suite à des pressions exercées sur
elles ces forces pourraient être convaincues d'adopter une politique
révolutionnaire - ces partis pablistes se sont développés dans le milieu social
petit bourgeois des mouvements radicaux des années 1960 et 1970.
A l'époque en France, la Ligue communiste
révolutionnaire (LCR) - précurseur de l'actuel NPA qui a été créé en 2009 -
avait en grande partie pour base des étudiants radicaux
« trotsko-guévaristes. » Des membres de cette génération forment
encore la direction hiérarchique du NPA (des figures comme Alain Krivine et
François Sabado) tout comme d'anciens membres qui sont ses contacts dans les
partis dirigeants, tels Henri Weber du PS.
L'évolution politique de ces tendances et
des individus qui les dirigent reflète la trajectoire de toute une couche
d'anciens radicaux de gauche de la classe moyenne - comme, dans le mouvement
des Verts, Daniel Cohn-Bendit et l'ancien ministre allemand des Affaires
étrangères, Joschka Fischer - qui, d'étudiants radicaux mécontents sont
devenus de riches carriéristes de la politique .
Pour trouver un précurseur historique aux
personnalités se trouvant actuellement à la direction du NPA, il faudrait
remonter à des figures comme Pierre Laval. Il avait débuté comme
social-démocrate et s'était même demandé un temps si une adhésion au Parti
communiste ne pourrait profiter à sa carrière politique, puis il avait rejoint
la droite pour devenir le premier ministre du régime collaborationniste
pro-nazi de Vichy durant la Deuxième guerre mondiale .
Les dirigeants de la LCR, et maintenant du
NPA, ont adopté une approche pareillement cynique et carriériste à la vie et
aux idées politiques, les adaptant aux besoins changeants de la classe
dirigeante - même lorsque, comme c'est le cas à présent, cela implique le
soutien à des guerres d'agression.
Ceci jette une lumière encore plus crue sur
le changement de nom politique de la LCR en NPA effectué en 2009 sur la base
d'un rejet explicite de l'association complètement fausse avec le trotskysme et
que la LCR avait conservée en raison des origines
« trotsko-guévaristes » de jadis de ses cadres dirigeants. Préparé
durant des décennies, ce changement de nom a annoncé l'intégration complète du
mouvement dans la politique bourgeoise, sur l'orbite du PS, et de
l'impérialisme français.
LeComité
international de la Quatrième Internationale avait écrit à l'époque :
« L'objectif réel de la LCR en se liquidant, est en fait de liquider
l'héritage politique de Trotsky, c'est-à-dire l'insistance sur l'indépendance
politique complète de la classe ouvrière, l'internationalisme révolutionnaire,
et une opposition indiscutable à la collaboration avec l'Etat bourgeois, les
bureaucraties stalinienne et social-démocrate ainsi que toutes les variantes du
nationalisme bourgeois et du radicalisme petit-bourgeois.
« Le choix par la LCR de l'anticapitalisme
comme guide idéologique constitue, dans le contexte politique européen et, à
plus forte raison, français, un pas en arrière colossal et vers la droite, vers
le plus petit dénominateur commun. Politiquement vague, ce terme englobe toutes
sortes de mécontentements sociaux, indépendamment de leur base sociale ou de
leur orientation. Il peut être adopté par de larges sections de la petite
bourgeoisie, de droite comme de gauche - il recouvre tout ce qui se trouve
entre l'anarchisme proposé par Pierre-Joseph Proudhon au milieu du dix-neuvième
siècle et le violent mouvement protestataire populiste de droite de Pierre
Poujade au milieu du vingtième siècle. »
Dans ses écrits et ses déclarations, le NPA
navigue sous un faux pavillon. Dans le but de faciliter ses négociations
nationales avec les syndicats et autres partis bourgeois en France - avec lesquels
il élabore divers accords électoraux et soutient la trahison par les syndicats
des luttes des travailleurs - il dément explicitement qu'il est un parti
trotskyste. Néanmoins, pour traiter de questions internationales, il se
présente comme « Quatrième Internationale » sur ses sites Internet,
tels International Viewpoint et Europe Solidaire Sans Frontières.
Le but de cette opération est de prendre à
tort l'apparenced'un parti trotskyste afin d'acquérir une crédibilité
de « gauche » à l'étranger. Son soutien conscient pour la guerre
impérialiste montre toutefois que ce parti n'a plus aucun lien avec une
politique socialiste et ouvrière d'aucune sorte. Le NPA, tout comme le groupe
plus large des soi-disant partis de « gauche » en France dans lequel
il opère et ses co-penseurs du SUQI, ont rejoint le camp de la réaction
sociale.