La ministre française des Affaires étrangères, Michèle
Alliot-Marie, a été obligée de quitter son poste dimanche 27 février en raison
du scandale concernant ses relations politiques et privées avec le dictateur
tunisien déchu, Ben Ali.
Le président Nicolas Sarkozy a annoncé le même jour un
remaniement du gouvernement lors d'un discours télévisé de dix minutes organisé
dans la précipitation et dans lequel il n'a fait aucune référence à
Alliot-Marie. Alain Juppé, l'actuel ministre de la Défense a été nommé nouveau
ministre des Affaires étrangères. Sarkozy a retiré le portefeuille de ministre
de l'Intérieur à Brice Hortefeux, condamné récemment pour injures racistes,
pour le nommer conseiller spécial auprès du président. Claude Guéant, ancien
directeur général de la police nationale et ancien conseiller en chef de
Sarkozy, occupe à présent le poste d'Hortefeux depuis lequel le président espère
pouvoir poursuivre sans perdre de temps, pour sa réélection en 2012, la
campagne anti-immigration faisant partie de sa politique raciste.
Sarkozy a excusé le soutien de son gouvernement pour les régimes
dictatoriaux en Afrique du Nord en disant que la France ne faisait pas
exception au soutien accordé en général par les puissances occidentales à ces
dictatures. Il a affirmé que de nouvelles démocraties en Afrique du Nord
nécessitaient à présent le soutien de l'initiative qu'il avait lancée il trois
ans pour une Union méditerranéenne. Il a dit, « Ces révolutions arabes
ouvrent une ère nouvelle dans nos relations avec ces pays. nous ne devons pas
en avoir peur. »
Il a aussi réclamé une réunion urgente du Conseil européen
pour résoudre la crise de la Libye et l'afflux de réfugiés.
Alliot-Marie a aussi été limogée en raison des relations
étroites de son compagnon, Patrick Ollier, avec le régime Kadhafi - une
politique sanctionnée par le gouvernement Sarkozy. Ollier est le ministre
chargé des Relations avec le Parlement et aussi le président d'un « groupe
d'amitié France-Libye. »
C'était Sarkozy qui avait accueilli en 2007 Kadhafi en visite
d'Etat en France, ce qui avait entraîné la signature de lucratifs contrats
militaires. Ollier a dit qu'il avait l'intention de quitter ses fonctions en
solidarité avec Alliot-Marie mais il a été convaincu de rester. Sarkozy vient
de déclarer tardivement que Kadhafi devait partir et le gouvernement français a
fermé son ambassade à Tripoli.
La diplomatie et le gouvernement français sont en désarroi au
sujet des soulèvements populaires en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Les
révoltes contre le dirigeant libyen Kadhafi et la chute de Ben Ali - deux des
plus étroits alliés de l'impérialisme français - ont obligé Sarkozy à procéder
à un remaniement du gouvernement à peine trois mois après le dernier en date.
La cote de popularité du président est tombée à 30 pour cent,
confirmant son record à la baisse.
Alliot-Marie, âgée de 64 ans, avait occupé des postes
ministériels-clés depuis 1993. Elle avait eu à subir beaucoup de pression pour
partir depuis la chute de Ben Ali lorsqu'il fut révélé qu'elle et sa famille
avaient passé leurs vacances de Noël en Tunisie au début du soulèvement contre
Ben Ali. Un ministre du gouvernement resté anonyme avait affirmé que la
situation était devenue « intenable. »
Durant son séjour en Tunisie, Alliot-Marie avait voyagé à
plusieurs reprises dans un jet privé appartenant à l'homme d'affaires Aziz
Miled, un proche et un soutien financier de Ben Ali. Elle avait été accompagnée
dans son voyage par son compagnon, Patrick Ollier et par ses parents - qui ont
signé des contrats immobiliers avec Miled durant leur séjour. Le groupe avait
séjourné dans un hôtel à Tabarka appartenant à Miled.
Le président Sarkozy a cyniquement défendu le comportement
d'Alliot-Marie et par là les liens étroits de l'élite dirigeante française avec
le régime de Ben Ali, en affirmant que « pas un centime d'argent public
n'a été détourné. »
Le premier ministre François Fillon a pleinement soutenu sa ministre
des Affaires étrangères. Il a été révélé plus tard que le dictateur égyptien à
présent déchu, le président Hosni Moubarak, avait payé fin décembre les
vacances de la famille Fillon en Egypte.
Le 11 janvier, devant l'Assemblée nationale, Alliot-Marie
avait de manière notoire proposé le soutien de la France pour réprimer le
soulèvement tunisien - ou bien selon ses propres termes le
« savoir-faire » des forces de sécurité françaises. La livraison d'une
grande quantité de matériel anti-émeute était en cours au moment où Ben Ali fut
renversé.
A partir de là, Paris a été confronté à une série de scandales
grandissants en Tunisie, ancienne colonie française où l'impérialisme français
a d'importants investissements. L'ancienne ministre des Affaires étrangères
était restée remarquablement absente la semaine passée de la première visite
gouvernementale en Tunisie depuis le soulèvement et aurait certainement été
considérée comme une 'persona non grata' par les travailleurs tunisiens. La
visite avait été menée par la ministre des Finances, Christine Lagarde et le
ministre chargé des affaires européennes, Laurent Wauquiez.
L'ambassadeur français en Tunisie, installé la semaine dernière,
Boris Boillon, a endommagé encore plus la réputation de l'impérialisme français
au moment de répondre à des journalistes tunisiens sur le soutien
d'Alliot-Marie à Ben Ali. Après avoir expliqué qu'il était venu « pour
fluidifier les circulations entre les deux pays », Boillon a de manière
arrogante qualifié les questions posées comme étant « débiles » en
mettant fin aux interviews. Le manque de respect pour les journalistes a fait
que des centaines de manifestants se sont rassemblés devant l'ambassade de
France en exigeant l'expulsion de Boillon de Tunisie.
Avant d'être ambassadeur en Tunisie, Boillon, avait été
ambassadeur de France auprès du régime d'occupation américain à Bagdad
Les relations de la France avec les dictatures d'Afrique du
Nord et du Moyen Orient ont créé des divisions au sein du gouvernement et du
corps diplomatique.
Des sections de l'élite dirigeante dans l'entourage du Parti
socialiste, qui représente l'opposition bourgeoise, ont critiqué ce qu'ils
appellent l'attentisme de l'actuel gouvernement qui espérait que ses alliés
dictateurs pourraient survivre aux révoltes populaires. Michèle Alliot-Marie
avait déclaré le 18 janvier que « La France n'avait pas vu venir les
événements. »
La première secrétaire du PS, Martine Aubry, s'était plainte de
ce que la diplomatie française « n'exist[ait] plus. et c'est pour ça que
la France se rétrécit dans le monde. »
De la même manière, des diplomates mécontents ont publié dans Le
Monde une critique anonyme de la politique étrangère du président Sarkozy
en lui reprochant des « préoccupation médiatiques à court terme » - en
référence apparemment aux élections présidentielles de l'année prochaine.
L'article se plaint de ce que la politique concernant la Tunisie et l'Egypte
avait été définie « sans tenir compte des analyse de nos
ambassades. »
Les critiques du PS sont malhonnêtes et politiquement en
faillite. Le PS a souscrit aux dictatures en Afrique du Nord. Au sein de la
soi-disant Internationale socialiste, le PS avait affilié à la fois le
Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Ben Ali et le Parti
national démocratique (NDP) de Moubarak. Par ces manouvres politiques, le PS a
l'intention de dissimuler ces relations tout en se faisant passer pour un
représentant plus adroit, et potentiellement un qui réussira mieux, de la
classe dirigeante française.