Plus de 50.000 personnes, venues des quatre coins du Québec,
ont manifesté ce samedi à Montréal contre la nouvelle série de compressions
budgétaires prévues dans le budget provincial qui sera déposé jeudi prochain par
le gouvernement libéral de Jean Charest.
Des délégations de travailleurs de la santé,
d’enseignants, de fonctionnaires, et de syndicats industriels tels les métallos,
accompagnées de nombreux contingents d’étudiants, ont défilé de la Place
du Canada jusqu’au bureau du premier ministre Charest sur l’avenue
McGill College pour exprimer leur vive colère face aux mesures anti-sociales du
gouvernement Charest.
Les étudiants ont manifesté en grand nombre
Dans le budget 2010, les libéraux ont instauré une nouvelle
taxe-santé et haussé la taxe de vente, les frais de scolarité et les tarifs
d’électricité, tout en continuant de baisser l’impôt sur les entreprises
et le revenu, au bénéfice des plus riches. Le budget 2011 attendu jeudi mettra
de l’avant un nouveau plan de compressions des dépenses sociales et de
tarifs additionnels sur la population, afin d’éliminer le déficit en
2013-14 selon la cible que s’est fixée le gouvernement Charest.
La forte participation à la manifestation de samedi exprime
la détermination de larges couches de la population à combattre le programme de
démolition sociale du gouvernement libéral et de l’élite capitaliste
dirigeante.
La manifestation a été évaluée à plus de 50.000
Mais l’objectif principal des organisateurs de la
manifestation, l’Alliance sociale dominée par les centrales syndicales, est
d’étouffer cette opposition. L’Alliance accepte le cadre fixé par
le gouvernement, à savoir que la réduction du déficit budgétaire doit être une
priorité sociale. Elle ne fait que plaider timidement pour que ce soit fait de
manière plus progressive.
C’est ce message de capitulation qu’a adressé
aux manifestants Michel Arsenault, le président de la FTQ (Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec), lorsqu’il a déclaré du haut de
l’estrade principale : « C’est très dangereux de vouloir
atteindre l’équilibre budgétaire maintenant ». Qu’il ait
ensuite ajouté, pour la forme, « On veut maintenir et améliorer nos
bénéfices sociaux », ne change rien à la position essentielle de l’Alliance :
acceptation de l’équilibre budgétaire, et par conséquent, de la réduction
drastique des services publics.
Pas un des nombreux chefs syndicaux qui se sont succédé sur
l’estrade n’a dit un mot sur les coupes budgétaires draconiennes
imposées dans les années 90 par des gouvernements du PQ (Parti québécois), ni
sur le fait que le PQ critique aujourd’hui le gouvernement Charest de la
droite pour sa lenteur à mettre la hache dans les dépenses sociales. Ce
n’est pas étonnant car la bureaucratie syndicale s’efforce depuis
des décennies à subordonner politiquement les travailleurs à ce parti de la
grande entreprise qu’est le PQ.
La classe dirigeante est consciente du fait que son
programme de compressions budgétaires massives va provoquer une résistance de
la classe ouvrière dans un contexte où sa direction traditionnelle, le
mouvement syndical, devient discréditée par sa participation aux attaques
contre les programmes sociaux, les salaires décents et les emplois de qualité.
Si l’appareil syndical s’avère incapable de
continuer à étouffer l’opposition des travailleurs, la classe dirigeante sera
prête à recourir aux forces répressives de l’État pour imposer son
programme de réaction sociale.
Les préparatifs en ce sens vont bon train, comme en témoigne
le vaste dispositif policier déployé pour la manifestation de samedi, y compris
police montée et hélicoptère de surveillance. Avant le début de la marche, dix personnes
– six hommes et quatre femmes âgés d’une vingtaine d’années
– ont été arrêtées par les agents du SPVM (Service de police de la ville
de Montréal).
La police montée fermant la marche
Dans son message à la foule rassemblée devant les bureaux du
premier ministre, le porte-parole de l’Association pour une solidarité
syndicale étudiante (ASSÉ), Gabriel Nadeau-Dubois, a vivement dénoncé ces « arrestations
arbitraires ». S’adressant par la suite à un journaliste, il a
expliqué : « Ce n’est pas parce que tu es jeune, que tu portes
des vêtements noirs et que tu as des idéaux comme ceux de
l’anticapitalisme qu’on devrait t’arrêter
arbitrairement ».
Des membres du Parti de l’égalité socialiste (PES)
sont intervenus à la manifestation de samedi et ont diffusé des centaines de
copies d’une déclaration intitulée : « Les travailleurs doivent
lancer une lutte politique contre les libéraux et le PQ ».
« En s’opposant aux compressions de
Charest », peut-on lire dans la déclaration du PES, « les
travailleurs du Québec ne défient pas les politiques d’un gouvernement en
particulier, mais la stratégie de classe de toute la bourgeoisie. Au Canada et
de par le monde, la grande entreprise est déterminée à faire payer les
travailleurs pour la crise du capitalisme en détruisant ce qui reste de
l’État-Providence et en criminalisant les travailleurs qui veulent se
défendre. »
La déclaration a élaboré la perspective nécessaire pour
s’opposer à cette offensive anti-ouvrière. « Les travailleurs et les
jeunes du Québec doivent rompre la camisole de force politique imposée par la
bureaucratie syndicale en développant de nouvelles organisations de lutte indépendantes
de son contrôle. Ils doivent lutter pour un mouvement politique indépendant de
la classe ouvrière, qui mette de l’avant un programme socialiste visant à
résoudre la crise économique aux dépens de la grande entreprise et à développer
une lutte commune avec les travailleurs partout au Canada, ainsi qu’aux
États-Unis et autour du monde. »