Le World Socialist Web Site appuie
la lutte des masses libyennes pour renverser le régime de Mouammar Kadhafi, une
dictature bourgeoise de droite qui collabore depuis longtemps avec les
puissances impérialistes, et le remplacer par un gouvernement démocratique et
véritablement populaire. Mais nous rejetons totalement l'idée que le
renversement de Kadhafi devrait être opéré, ou ne peut qu'être opéré, par
l'intervention des États-Unis et de l'OTAN.
L'instrument de libération du peuple
libyen est la classe ouvrière libyenne en alliance avec les masses d'Afrique du
Nord et du Moyen-Orient.
L'opposition aux interventions
impérialistes est un principe établi de longue date dans le mouvement
socialiste. Les expériences de la dernière décennie en Irak et en Afghanistan,
sans parler de de toute l'histoire du vingtième siècle, soulignent l'exactitude
de ce principe.
Le renversement de Kadhafi par une
intervention des États-Unis et de l'OTAN, plutôt que par l'action de la classe
ouvrière à la tête des masses opprimées, voudrait non seulement dire
l'avortement de la révolution, mais aussi la mise en place d'un autre régime
colonialiste. Ce dernier viendrait positionner des forces militaires
impérialistes près des frontières de la Tunisie et de l'Égypte, les pays où des
soulèvements populaires ont provoqué le départ de dictateurs depuis longtemps
au pouvoir, mais en laissant à ce point-ci intacts l'appareil d'État et la
structure sociale capitaliste. Il préparerait d'autres incursions contre les
luttes révolutionnaires générées par l'effondrement du capitalisme mondial.
C'est en fait le principal motif derrière
les plans d'une intervention militaire directe contre Kadhafi, pas la
compassion pour la population libyenne.
Tandis que débute aujourd'hui le congrès
des ministres de la Défense de l'OTAN, les États-Unis et les puissances
européennes discutent d'une intervention. Les forces militaires américaines,
britanniques, françaises, italiennes et allemandes sont en mouvement et se préparent
à des mesures telles que l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne, le
débarquement de matériel militaire pour les forces rebelles libyennes, et des
frappes aériennes et navales directes contre le gouvernement de Kadhafi.
La campagne pour une intervention
militaire en Libye a été renforcée mercredi par un éditorial du New York
Times, la principale voix éditoriale de l'impérialisme américain. Son
soutien non dissimulé pour une intervention militaire est honteux,
réactionnaire et malhonnête.
L'éditorial commence en critiquant
l'administration Obama pour ne pas avoir agi assez vite dans l'organisation et
la justification du rôle que doit jouer l'armée des États-Unis dans la guerre
civile qui a fait éruption dans le pays riche en pétrole au cours des trois
dernières semaines. Obama est réprimandé pour ses « messages
contradictoires » et ses « vacillements » aux côtés de
responsables qui ont indiqué certaines des embûches concrètes qui pourraient
être rencontrées dans l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne.
Le Times passe ensuite aux choses
sérieuses, justifiant sur une base « humanitaire » la nécessité d'une
intervention des États-Unis en Libye. Tout en s'opposant au déploiement de
troupes au sol – peu sont disponibles de toute façon, étant donné les
besoins des guerres en Afghanistan et en Irak – l'éditorial déclare que
l'on « doit trouver le moyen d'appuyer le soulèvement en Libye et de
mettre fin au massacre de la population par le colonel Mouammar
El-Kadhafi ».
Ces airs de préoccupationdevant les
pertes civilesenLibyen'ont aucune crédibilité. Il n'y a eu aucun
éditorial duTimesexigeantune intervention militaire américainepour
mettre fin aux précédentsmassacresenTunisieet en
Égypte,ouaux meurtres demanifestants de l'oppositionen Irak,
auYémen,
au Bahreïn, en Oman, en Algérie, au Maroc
ou en Arabiesaoudite.
Le Timesn'a pas non plusdénoncéIsraëlpour
avoir bombardé des civilsà Gazaetau Libanou, du reste, le
gouvernementaméricain poursesbombardementsrépétésdecivilsenIrak, en Afghanistanetau Pakistan.
Cherchant àfaire en sorteque sonsoutienà l'intervention enLibye se distingue du
lancementd'une guerredélibéréecontre l'Irak par l'administration
Bush, leTimesdéclareque, pourdonner
de la légitimité à une nouvelleaventuremilitaire américaine dansla région, « un appuicrédibledans le monde arabesembleabsolumentessentiel ».
À cettefin,
leTimesfait
l'élogeduConseilde coopération du Golfe, l'alliance de monarchiesdu golfePersique
dominée parl’Arabie Saoudite, pour son soutienàl'imposition
d'une zone d'exclusion aérienneenLibye. LeConseilcomprendBahreïn et Oman, où la policeaassassiné
des manifestants de l'oppositionen
toute impunité, ainsi quel'Arabiesaoudite, où les manifestations sontillégales,sous peinedemort.
TouscesrégimesauxquelsleTimes fait appel sont des dictatureshaïespar leur propre peuple.
LeTimesexhortelesministres
des Affaires étrangères de la Ligue arabeà suivrel'exempleduConseilde coopération du Golfe, en notantque, siunezone d'exclusion aérienneestimposée, « l'Égypteet quelquesautres États membres ontles moyens militairespoury participer ».Cette déclaration ales plussinistres implications.L'armée égyptiennea
étéle fondement deladictature de Moubaraket continueàgouverner l'Égypteaprès
ladémission deMoubarak, agissant en tant quechien de gardepourla classecapitalisteégyptienneet ses maîtresimpérialistes.
Engagerl'Égyptedansl’imposition d'unezone d'exclusion aérienneenLibyesignifieraitla
mise en placede contacts opérationnelsdirectsavecle Pentagone, fournissant à l’armée égyptienne desressourcesadditionnelles et renforçant cette dernière pourl'inévitable confrontationavec lestravailleurset les paysanségyptiens.
Bien quel'éditorialfasse l'élogedes rebelleslibyens à plusieurs reprises,
il ne prend pasen comptelesforcesdisparates impliquées dansl'opposition
àKadhafi. D'un
côté,il y alestravailleurset paysans opprimés,qui sont motivés parla haine contre lerégimedespotique.
D'autre part,il y a desporte-parolesetdes
dirigeantsqui, jusqu'àil y a
quelques semaines,faisaient partiedu gouvernementde Kadhafiet deson entourage. Laplupart des appelsinsistantspourl'interventionimpérialisteproviennent précisément de ceséléments.
Parmilesforcesrebellesmêmes,
il y aune méfiance généraliséeenvers
les puissances impérialistesetleursmanœuvrespour assurerleur influencepolitique etl'accèsau pétrolelibyen.
Uneporte-paroledes
rebelles, ImanBugaighis, a déclaré au Guardian, « Les
jeunes neveulent pasd'interventionmilitaire. Leconseil révolutionnaire en a prisbonne note.Commeles Arabes, nousavonsde très mauvais antécédentsavec l’intervention militaire
étrangère prolongée. Les gens voit cela comme uneinvasion ».
L'éditorial du Times se termine
par : « Ce serait désastreux si le colonel Kadhafi réussissait à
s'accrocher au pouvoir en massacrant son propre peuple. » Mais comment les
fantoches des États-Unis tels que Maliki en Irak et Karzaï en Afghanistan se
maintiennent-ils au pouvoir sinon que par cette méthode précise ? Le Times
ne considère pas comme un « désastre » la survie de la monarchie en
Arabie saoudite, où la décapitation est la peine normale réservée à
l'opposition politique, particulièrement à celle provenant des couches les plus
opprimées.
Quel est le véritable rôle de
l'impérialisme américain dans les événements en Libye ? Après avoir
cherché à se faire bien voir de Kadhafi durant la dernière décennie en retour
de redevances et de lucratifs contrats de pétrole, les États-Unis ont exploité
le mouvement populaire qui a éclaté le 15 février à Benghazi et en ont très
rapidement fait le prétexte pour une intervention des puissances impérialistes.
Les forces spéciales, les navires et
avions militaires d'une dizaine de pays ont déjà violé à maintes reprises la
souveraineté de la Libye, d'abord pour « secourir » les étrangers
coincés sur place par les combats, et ensuite pour supposément apporter de l'aide
humanitaire aux civils libyens.
Cependant, loin de tenter de limiter le
nombre de victimes, les puissances impérialistes ont encouragé la guerre
civile, incitant les forces rebelles à foncer à travers le désert pour attaquer
les bastions de Kadhafi situés à Surt et Tripoli. Le bain de sang était
inévitable dans le contexte de ces affrontements mal préparés. Des civils sans
entraînement militaire étaient impliqués dans beaucoup d'entre eux. Ce massacre
a servi à alimenter la campagne médiatique appelant à une intervention
militaire des États-Unis et de l'OTAN.
Le Times ou les autres partisans
d'une attaque des États-Unis et de l'OTAN contre la Libye n'essaient même pas
de résoudre les contradictions de leurs propres arguments. L'agitation s'est
propagée à l'Afrique du Nord et au Moyen-Orient et dans tous les cas, sauf
pour la Libye, les puissances impérialistes se sont rangées du côté des régimes
de droite déjà établis.
La position d'agression vis-à-vis la
Libye est toutefois dictée par des intérêts économiques et des considérations
géopolitiques stratégiques qui n'ont rien à voir avec les droits humains du
peuple libyen. En effet, si les États-Unis et les puissances européennes
arrivaient finalement à la conclusion, bien qu'à leur grand dépit, que leurs
menaces d'une intervention militaires étaient inopportunes et irréfléchies, ils
reprendraient les affaires avec Kadhafi.
Le renversement de dictateurs régionaux
– qui dirigent, en dernière analyse, au nom de l'impérialisme – ne
peut, ni en Libye, ni nulle part ailleurs dans le monde, être imparti aux
forces militaires des États-Unis et de l'Europe.
Comme l'ont affirmé Marx et Engels à
l'aube du mouvement socialiste, la libération de la classe ouvrière est la
tâche de la classe ouvrière elle-même.