Le Front National (FN) néo-fasciste arrive pour la toute première fois en
France en tête dans un sondage sur les intentions de vote pour les élections
présidentielles. Ces élections sont prévues l’année
prochaine.
Un sondage réalisé par l’Institut Harris pour le journal
Le Parisien a interrogé 1618 personnes sur leurs intentions de vote lors
des prochaines élections présidentielles en France. Vingt-trois pour cent ont
déclaré soutenir la présidente du Front National, Marine Le Pen. L’actuel
président de la République, Nicolas Sarkozy, et la dirigeante du Parti
socialiste (PS), Martine Aubry, n’ont été crédités chacun que de 21 pour
cent.
Le score de Le Pen dépasse de loin les 17 pour cent obtenus
par l’ancien président du FN, Jean-Marie Le Pen, lors du second tour des
élections présidentielles de 2002. Marine Le Pen a remplacé son père à la tête
du parti en janvier de cette année.
L’influence croissante de l’extrême-droite est
avant tout un témoignage accablant de la politique des syndicats et des
soi-disant partis de « gauche » – le Parti socialiste (PS), le
Parti de Gauche (PG), le Parti communiste français (PCF) et le Nouveau parti
anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot. Dans des conditions de
tensions de classe et de détresse sociale grandissantes, ils ont
systématiquement œuvré pour désarmer et désamorcer les luttes de la classe
ouvrière. Ils ont de ce fait cédé le langage de la protestation sociale à
l’extrême-droite.
La crise économique mondiale a eu un impact dévastateur en
France avec des licenciements et des vagues de fermetures d’usines
automobile, de textile et d’autres secteurs industriels. Le taux de
chômage officiel est proche de 10 pour cent et jusqu’à un quart des
jeunes sont sans emploi. La hausse des prix, le stress sur le lieu de travail
et les coupes dans la retraite et les prestations sociales se font de plus en
plus sentir.
La classe ouvrière a à plusieurs reprises manifesté contre
cette situation. Durant ces 15 dernières années, il ne s’est pas passé
une année sans que les travailleurs et les jeunes ne soient descendus dans la
rue en masse. Ainsi, l’automne dernier, des millions de personnes ont
participé à plusieurs mouvements de grève générale de 24 heures contre le
relèvement de l’âge de départ à la retraite.
A chaque fois, pourtant, les syndicats et les partis de « gauche »
ont insisté pour dire qu’il ne pouvait y avoir d’opposition
politique aux attaques contre la classe ouvrière, que cela devait se limiter à
permettre aux syndicats de négocier des accords avec des gouvernements
anti-classe ouvrière. L’automne dernier, les syndicats avaient appelé à
des actions de protestations inoffensives de 24 heures pour contenir la
résistance et isoler les puissantes grèves des travailleurs des docks et des
raffineries de pétrole. Même lorsque la police a usé de la force contre les
grévistes, les syndicats ont refusé de lever le petit doigt pour défendre les
travailleurs. Le caractère social bourgeois du PS s'est le plus clairement
exprimé dans l’identité de l'homme qui est considéré comme le candidat le
plus probable pour l'élection présidentielle de 2012 : Dominique
Strauss-Kahn. En tant que directeur du Fonds monétaire international, il est
responsable de l’introduction de programmes d’austérité
dévastateurs dans des pays d’Europe tels la Grèce et la Hongrie ainsi que
dans d’autres pays de par le monde.
Les organisations de « gauche » qui évoluent dans
l’orbite du PS ne représentent pas la classe ouvrière mais plutôt une
section de la classe moyenne aisée dont les intérêts sociaux sont coupés de
ceux des travailleurs. Malgré leurs discours d’apparence parfois
radicale, ils défendent la bureaucratie syndicale et le PS contre toute
pression exercée par les travailleurs. Ils sont, toutefois, prêts à étendre un
tel soutien même à des partis de droite.
Ce processus a été démontré durant les élections
présidentielles de 2002. Lorsque Jean-Marie Le Pen –le dirigeant du FN de
l’époque – était resté au second tour des élections contre le
gaulliste Jacques Chirac, des millions de personnes à travers toute la France
étaient descendues dans la rue pour protester contre les néo-fascistes. Tous
les partis de « gauche » s’étaient rassemblés derrière Chirac,
en le qualifiant de « moindre mal » et en le saluant même comme le
défenseur de la République. Ils avaient catégoriquement rejeté un boycott du
second tour des élections par les travailleurs – une initiative proposée
par le Comité international de la Quatrième Internationale pour mobiliser la
classe ouvrière indépendamment et en opposition à l’ensemble de l’establishment
politique.
C’est dans ces conditions que le FN a été en mesure
d’exploiter la colère et la désorientation politique de certaines
sections affectées par la crise économique. Marine Le Pen a délibérément
cherché à traduire l’angoisse sociale en préjugés anti-islamique et
anti-immigrés ainsi qu’en chauvinisme national. Elle associe des attaques
démagogiques contre le libéralisme économique et l’Union européenne avec
un appel pour un Etat national puissant.
En commentant l’arrivée au pouvoir de Hitler et du
fascisme allemand en 1933, Léon Trotsky écrivait : « La victoire du
parti du désespoir n’a été possible que parce que le socialisme, le parti
de l’espoir, s’est révélé incapable de prendre le pouvoir. Le
prolétariat allemand était suffisamment fort, tant en nombre qu’en
culture, pour atteindre ce but, mais les dirigeants ouvriers se sont révélés
incompétents. »
Une perspective socialiste authentique est capable de
mobiliser l’énergie des masses pour la construction d’une société
meilleure en éveillant leurs meilleurs instincts et en promouvant la
solidarité. Le fascisme, par contre, en appelle à l’arriération au sein
des masses en cherchant à faire dévier leur colère vers l’abîme de la
haine et du chauvinisme ethniques.
La France de 2011 n’est pas l’Allemagne de 1933.
Les résultats de sondage en hausse pour le FN ne signifient pas une prise de
contrôle fasciste imminente en France. Mais, ils sont une mise en garde claire
que, face au défi de la classe ouvrière, la classe dirigeante française
n’hésitera pas à défendre son régime par des méthodes autoritaires et
fascistes comme elle l’a fait il y a 70 ans durant la Deuxième Guerre
mondiale sous le collaborateur Pétain.
Les révolutions en Tunisie et en Egypte ont encore davantage
poussé la bourgeoisie française vers des méthodes d’extrême-droite. Ces
événements ont surpris la classe dirigeante française qui entretient des liens
étroits avec les élites dirigeantes de ces deux pays et craint la propagation
des luttes de la classe ouvrière d’Afrique du Nord vers l’Europe.
La bourgeoisie française a réagi en promouvant le Front National et en lui
accordant une vaste couverture dans les médias.
Le FN, avec sa promotion de la bigoterie antimusulmane, est un
instrument particulièrement utile à la classe dirigeante alors qu’elle
cherche à diviser les travailleurs nord-africains et européens. Ces dernières
années, il y a eu une succession de campagnes anti-islamiques en France,
soutenues non seulement par la droite bourgeoise, mais aussi par la « gauche »
bourgeoise.
La loi qui interdit le voile islamique – une violation
fondamentale du droit à la liberté de religion – avait été parrainée et
soutenue par le parti gaulliste au pouvoir, l’UMP, ainsi que par le Parti
socialiste et l’organisation d’« extrême-gauche », Lutte
ouvrière. Le NPA était partagé sur la question et n’avait pas exprimé
d’opposition.
L’absence de toute opposition de la « gauche »
à la promotion de la bigoterie antimusulmane a contribué à créer un terreau
fertile pour le FN.
Seul un mouvement indépendant de la classe ouvrière peut
stopper l’extrême-droite. Ceci requiert l’unification
internationale de tous les travailleurs – quelle que soit leur origine
ethnique, leur religion ou leur couleur de peau – dans une lutte pour des
gouvernements ouvriers et la construction d’une société socialiste. Un
tel mouvement de la classe ouvrière sera capable de mobiliser derrière elle
toutes les autres sections opprimées de la société.