L’Alliance sociale, une coalition de centrales syndicales et
d’organisations étudiantes, et la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, un regroupement de
syndicats et d’organisations communautaires, organisent aujourd’hui
une manifestation de tout le Québec pour demander au gouvernement libéral de
droite de « se fixer des cibles réalistes de réduction du déficit »
et, pour ce faire, de hausser modestement les impôts pour les entreprises et
les revenus élevés.
Ces demandes ont un caractère entièrement démagogique
et rituel. Qui croit sérieusement que le Parti libéral de Jean Charest ou le
Parti québécois de Pauline Marois vont un jour les mettre en œuvre ?
Et qui croit sérieusement que les appareils syndicaux vont organiser le type de
lutte nécessaire pour défendre les salaires, les emplois et le niveau de vie
des travailleurs contre l’assaut mondial des banques et des grandes
entreprises.
Alors
que les syndicats ont été autrefois associés aux grandes luttes sociales et aux
gains importants de la classe ouvrière, ils ont été transformés dans les trente
dernières années en appendices de la grande entreprise, sabotant les luttes des
travailleurs et subordonnant politiquement la classe ouvrière au PQ, ce parti
de la grande entreprise. Personne ne devrait oublier le rôle que les syndicats
ont joué pour imposer les compressions massives des dépenses sociales imposées
par le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard et Bernard Landry au nom du
déficit zéro. Les syndicats ont déjà capitulé devant les plans de compressions
budgétaires de Charest. Lors
des dernières négociations du secteur public, ils ont accepté une entente de
cinq ans, y compris des augmentations de salaire sous le taux de
l’inflation et la diminution du nombre des travailleurs, et le reste. Et
ils cachent délibérément aux travailleurs que le PQ critique le gouvernement
Charest de la droite pour ne pas couper assez rapidement dans les dépenses
sociales.
Le Parti de l’égalité socialiste soutient que,
pour défendre leurs emplois et leurs droits fondamentaux, les travailleurs
doivent organiser leurs luttes sur une nouvelle base, radicalement différente,
basée sur les conceptions suivantes :
La
classe ouvrière fait face à une lutte politique. En s’opposant aux compressions de Charest, les
travailleurs du Québec ne défient pas les politiques d’un gouvernement en
particulier, mais la stratégie de classe de toute la bourgeoisie. Au Canada et
de par le monde, la grande entreprise est déterminée à faire payer les
travailleurs pour la crise du capitalisme en détruisant ce qui reste de
l’État-Providence et en criminalisant les travailleurs qui veulent se
défendre.
En Grande-Bretagne, le gouvernement a annoncé des
coupes de plus de 100 milliards de dollars et veut abolir des centaines de
milliers de postes. En France, l’âge de retraite vient d’être repoussé.
En Grèce, au Portugal, en Espagne et en Irlande, les gouvernements imposent des
attaques draconiennes aux travailleurs à la demande des grandes banques
internationales. Aux États-Unis, l’administration du Wisconsin fait
face actuellement à une véritable révolte des travailleurs mobilisés par
centaine de milliers contre les compressions et une loi qui abolit le droit des
travailleurs à négocier collectivement leurs conditions de travail.
L’affirmation
qu’il n’y a pas d’argent est un mensonge. L’élite dirigeante exige la destruction des
services sociaux et publics au nom de la réduction des déficits budgétaires
massifs. Mais la société est en fait plus riche aujourd’hui que jamais à
cause de la productivité accrue du travail résultant de la révolution en
informatique et télécommunications. Ce qui empêche cette richesse d’être
utilisée non seulement pour maintenir, mais aussi étendre les services publics,
c’est l’organisation capitaliste de la vie socio-économique, où la
production et l’emploi sont subordonnés aux profits de la grande
entreprise. Au cours des trois dernières décennies, les revenus des riches ont
gonflé suite à une forte hausse dans l’exploitation des travailleurs.
Entretemps, des gouvernements libéraux, péquistes et conservateurs, aux niveaux
fédéral et provincial, ont réduit radicalement l’impôt sur
l’entreprise, le revenu et les gains en capitaux.
Les
travailleurs ont besoin de nouvelles organisations de lutte, basées sur un
programme socialiste et internationaliste.
Partout
dans le monde, les travailleurs font face à la réalité que les syndicats et les
soi-disant partis de gauche (les partis sociaux-démocrates et communistes
staliniens) les ont trahis, collaborant étroitement avec la grande entreprise
pour démanteler les services publics et imposer des baisses de salaires et des
suppressions d'emplois. L'orientation nationaliste et réformiste de ces
organisations est à la base de cette transformation : elles acceptent la
permanence du système capitaliste et prêtent allégeance à l'État national.
Au
Québec, les syndicats se sont intégrés à la direction patronale et à l'élite
dirigeante à travers toute une série de comités tripartites et institutions
corporatistes, comme le Fonds de solidarité. Si les bureaucrates syndicaux sont
récemment sortis de leur torpeur pour s'opposer à la « montée de la
droite » au Québec, c'est parce que les Péladeau, l'ADQ et d'autres
préconisent de mettre fin ou de rabaisser le rôle de ces relations tripartites,
menaçant ainsi les privilèges des bureaucrates syndicaux.
Mais
l'opposition des syndicats à la « montée de la droite » est
fondamentalement différente de celle des travailleurs et elle lui est
complètement opposée. Les syndicats lancent un appel aux libéraux et au PQ sur
la base du rôle qu'ils jouent pour maintenir la « paix sociale » au
Québec, et pour développer et faire respecter le « consensus
national » de la bourgeoisie. Si les travailleurs du Journal de Montréal
ont été laissés seuls à se battre, c'est parce que les syndicats savent que
l'organisation d'une lutte ouvrière de masse, qui aurait fait arrêter
l'impression du Journal et qui aurait défié l'assaut des tribunaux sur les
travailleurs, les aurait menés tout droit en confrontation avec l'ensemble de
l'élite québécoise et, selon leur point de vue, « aurait poussé Charest et
Marois dans les bras de Péladeau et de la droite ». En fait, les
différences entre le PQ, les libéraux et l'ADQ sont tactiques : ils
cherchent tous le meilleur moyen d'imposer la crise capitaliste à la classe
ouvrière.
Il
en sera de même dans la lutte contre les coupes budgétaires. Les syndicats vont
étouffer toute lutte qui dépasse les dénonciations rituelles et ultimement
futiles du gouvernement libéral. Car une lutte véritable se transformerait
inévitablement en mouvement politique et social de masse et en menace pour tout
l’establishment capitaliste.
Les
travailleurs et les jeunes du Québec doivent rompre la camisole de force
politique imposée par la bureaucratie syndicale en développant de nouvelles
organisations de lutte indépendantes de son contrôle. Ils doivent lutter pour
un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière, qui mette de
l’avant un programme socialiste visant à résoudre la crise économique aux
dépens de la grande entreprise et à développer une lutte commune avec les
travailleurs partout au Canada, ainsi qu’aux États-Unis et autour du
monde. Le nationalisme québécois s’est avéré être un piège, un moyen de
subordonner les travailleurs du Québec à la grande entreprise et de séparer
leurs luttes de celles lancées par les travailleurs ailleurs au Canada et à
l’échelle internationale.
Nous appelons tous les travailleurs et les jeunes à
venir à notre assemblée publique jeudi prochain (voir ci-dessous), à lire notre
site web quotidien, le wsws.org, et à se joindre à nous pour construire
le Parti de l’égalité socialiste, la section canadienne de la Quatrième
Internationale.