A la fin de leur sommet de deux jours dans la station balnéaire de
Deauville, les dirigeants du G8 ont exigé une intensification des programmes
d’austérité partout dans le monde. Ils ont aussi réitéré leur détermination
à renverser par la force militaire les régimes non coopératifs.
Il existe un lien étroit entre ces deux ordres du jour. Confrontées à la
crise économique la plus grave depuis les années 1930, les principales
puissances impérialistes sont en train de laminer tous les acquis sociaux
gagnés par les travailleurs durant la période d’après-guerre. Elles sont
parfaitement conscientes qu’un tel programme provoquera le genre
d’opposition de masse déjà rencontré en Egypte, en Tunisie, en Grèce, au
Portugal et plus récemment, en Espagne. La classe ouvrière aux Etats-Unis
elle aussi est une fois de plus en train de bouger.
La réaction des gouvernements de par le monde est de renforcer leur
propre appareil militaire afin de gérer l’opposition intérieure grandissante
à l’encontre de leur politique tout en menant un nombre croissant de guerres
coloniales à durée indéterminée et destinées à repartager le monde et ses
ressources.
Les moyens de sécurité massifs mis en place lors du sommet témoignent de
la militarisation de la vie sociale. Pour un coût de 200 millions d’euros,
les armées de policiers, de soldats et d’agents spéciaux déployés à
Deauville avaient pour but de protéger du monde extérieur les participants
aux sommets.
Dans le même temps, alors que les principaux gouvernements impérialistes
s’accordent sur la nécessité d’imposer un programme d’austérité et de
militarisme, ils sont profondément divisés quant à la manière de concilier
de telles mesures avec leurs propres intérêts nationaux. Derrière la photo
officielle affichant des sourires, des embrassades et des poignées de
mains,il y a eu de violents conflits. Cela apparaissait clairement dans les
pourparlers du sommet consacré à la crise financière internationale.
Les dirigeants européens ont été soumis à d’intenses pressions de la part
des pays non européens qui les ont invités à mettre de l’ordre chez eux et à
prendre des mesures efficaces afin d’enrayer la crise de l’euro qui
s’intensifie.
Le chef de cabinet adjoint du premier ministre japonais, Tetsuro
Fukuyama, a dit aux journalistes: « De nombreux dirigeants ont souligné que
le problème de la dette en Europe, la hausse des prix du pétrole, des
denrées alimentaires et des matières premières, ainsi que la surchauffe des
économies émergentes faisaient partie des facteurs qui font valoir une
pression à la baisse sur l’économie mondiale. »
A leur tour, les délégués américains au sommet ont mis en garde que la
crise continue de la dette européenne influençait à la baisse la valeur de
l’euro par rapport au dollar et menaçait l’industrie d’exportation
américaine.
Les dirigeants européens ont réagi aux critiques internationales en
intensifiant la pression sur le gouvernement grec pour l’application d’une
nouvelle série de mesures d’austérité et de privatisations. Les
préoccupations quant à l’aggravation de la crise de la dette en Grèce –
maillon le plus faible de la chaîne des pays européens lourdement endettés –
viennent après les avertissements émis par les membres dirigeants de la
Banque centrale européenne à savoir qu’une défaillance ou une
restructuration de la dette grecque déclencherait une réaction en chaîne
ayant des effets catastrophiques pour le système bancaire européen et
international. Une vaste portion des dettes de la Grèce, de l’Irlande, du
Portugal et de l’Espagne, totalisant un montant de près de 2 milliers de
milliards de dollars environ, est détenue par les banques européennes.
Au début de cette semaine, le premier ministre grec, George Papandreou,
n’avait pas réussi à obtenir le soutien des dirigeants de l’opposition pour
une nouvelle série de mesures de rigueur. Dans le contexte de protestations
et de manifestations presque quotidiennes en Grèce à l’encontre de nouvelles
réductions du niveau de vie et des emplois, les investisseurs craignent que
le gouvernement grec ne revienne sur sa promesse de lancer des attaques
supplémentaires à l’encontre de la population laborieuse.
La Grèce est devenue un banc d’essai pour le genre de mesures d’austérité
que les gouvernements européens sont déterminés à appliquer dans leur propre
pays. De la même manière, l’exemple grec prouve qu’une telle politique
pousse le pays dans une récession encore plus profonde en ne faisant
qu’aggraver ses problèmes économiques. Les élites européennes sont partagées
quant à la meilleure manière de procéder, et des couches de l’élite
financière et politique allemande insistent fortement pour une
restructuration de la dette grecque.
La dette européenne est à la fois éclipsée en termes absolus et en termes
relatifs par la dette américaine envers le reste du monde. Le gouvernement
américain, quant à lui, est déterminé à appliquer des coupes sociales
historiques dans les programmes de santé et de la retraite, dont Medicare et
Medicaid. Derrière le dos de la population américaine, les Partis démocrate
et républicain sont en train d'élaborer un mécanisme précis sur la manière
d’effectuer ces coupes sociales.
Les tensions croissantes entre les principaux pays du G8 ont également
été révélées pour ce qui est du deuxième point principal à l’ordre du jour
du G8 – la politique impérialiste en Afrique du Nord. A la fin du sommet, le
président américain Barack Obama, son homologue français, Nicolas Sarkozy et
le premier ministre britannique David Cameron, ont tous exprimé leur
détermination à poursuivre leur campagne irresponsable pour forcer le
dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, à quitter le pouvoir.
Mardi dernier, les forces de l’OTAN, dirigées par des avions de combat
britanniques ont mené leur plus intensive campagne de bombardement en Libye
depuis le début de la campagne de l’OTAN il y plus de deux mois. La
Grande-Bretagne s’apprête à envoyer des hélicoptères d’attaque Apache, et la
France a dit vouloir faire de même. Selon un article paru dans le journal
The Guardian, les hélicoptères Apache sont, pour les alliés de l’OTAN, le
moyen le plus efficace de tuer Kadhafi.
Toutefois, lors de déclarations faites à la fin du sommet, Obama ainsi
que Cameron ont clairement fait comprendre qu’ils s’attendaient à ce que
d’autres pays, dont l’Allemagne, qui s’est abstenue de soutenir la campagne
de la Libye, payent l’addition de leurs aventures militaires en aidant à
financer les intérêts commerciaux américains et britanniques visant à ouvrir
les économies des principaux pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
L’émergence d’un axe Etats-Unis/Grande-Bretagne/France comme la force
majeure de la campagne de l’OTAN contre la Libye a modifié l’équilibre des
forces internationales. Des commentateurs allemands ont été prompts à
souligner, qu’au cours de son récent voyage en Europe, Obama n’avait
délibérément pas prévu dans son calendrier l’Allemagne, principale économie
du continent.
Obama avait commencé son voyage en Irlande avant de se rendre en
Grande-Bretagne où il a célébré la traditionnelle « relation spéciale »
existant entre les deux partenaires transatlantiques. A la suite de sa
visite en France et des séances de photos avec le président français au
sommet de Deauville, Obama a survolé l’Allemagne pour atteindre sa dernière
escale, la Pologne, voisin oriental le plus proche de l’Allemagne.
Afin de satisfaire les intérêts de l’élite financière internationale, les
principales puissances impérialistes du monde recourent de plus en plus à
une politique de contre-révolution sociale dans leur pays et de guerre à
l’étranger. C’est ce qui est ressorti de la dernière réunion des pays du G8.
Au cours de l’application de leur programme, les principales puissances et
les blocs de pouvoir entrent de plus en plus en confrontation les uns avec
les autres.
Les divisions internationales qui ont causé deux guerres mondiales au
siècle passé ré-émergent dans le contexte d’une intensification de la crise
économique internationale. La seule alternative progressiste est
l’unification de la classe ouvrière européenne, américaine et mondiale sur
la base d’une perspective socialiste internationale.