Le gouvernement conservateur canadien a annoncé que les
Forces armées canadiennes (FC) continueront de jouer un rôle de premier plan dans
l'agression impérialiste contre la Libye bien au-delà des deux prochaines
semaines.
En mars, les quatre partis représentés au parlement
canadien, tout comme le Parti Vert qui a depuis élu une première députée, ont
soutenu une motion du gouvernement autorisant les FC à déployer leurs forces
contre ce pays d'Afrique du Nord riche en pétrole pour les 90 prochains jours.
Le Canada s’est depuis imposé comme l'un des principaux
belligérants. À la fin du mois de mai, les sept avions de chasse CF-18 déployés
par les FC sur le théâtre libyen avait effectué 324 missions d'attaque et
largué 240 bombes à guidage laser. Seuls les États-Unis, la France et le
Royaume-Uni ont effectué plus de sorties aériennes et de bombardements sur la
Libye.
Le Canada a également déployé une frégate au large de la Libye
patrouillant devant Tripoli et d'autres ports libyens pour imposer un blocus
sur les armes. Les soldats canadiens de la Force opérationnelle interarmées-2,
une unité d'élite d’opérations spéciales, auraient été actifs en Libye
avant même que le Parlement n’ait formellement approuvé l'intervention
dans ce pays, et c’est un général canadien, le lieutenant-général
Charles Bouchard, qui a été chargé par l'OTAN de diriger la campagne pour
renverser le régime de Kadhafi et le remplacer par un autre encore plus servile
face aux intérêts occidentaux.
Alors qu'il assistait au sommet du G-8 en
France, le premier ministre Stephen Harper a annoncé que son gouvernement
allait demander l’autorisation au Parlement d’étendre la participation
des FC dans la guerre en Libye au-delà de la limite de 90 jours.
Dans son premier voyage à l’étranger depuis qu'il a
remporté une majorité parlementaire aux élections fédérales du 2 mai, Stephen
Harper a bien démontré que son gouvernement serait une source de guerre et de
réaction sur la scène mondiale.
Afin de renforcer la position diplomatique d'Israël, Harper aurait
empêché le communiqué du sommet du G-8 d'inclure tout soutien explicite à
l'appel du président américain Obama pour une
solution à deux États au conflit israélo-palestinien sur la base des frontières
d'avant 1967. La presse israélienne a affirmé que Stephen Harper a opposé son
veto à toute mention des frontières d'avant 1967 à la demande du premier
ministre israélien sioniste et extrémiste Benjamin Netanyahu. Les aides de
Harper ont insisté sur le fait que le premier ministre du Canada est un ardent
défenseur d'Israël depuis des années, admettant dans les faits qu’il a
coordonné sa position au sein du sommet du G-8 avec le gouvernement d'Israël.
Après le sommet, Harper s'est rendu à Athènes où
il a fortement appuyé les mesures d'austérité qui sont imposées contre la
classe ouvrière par le gouvernement du PASOK en Grèce afin de satisfaire les
grandes banques du monde et autres investisseurs internationaux.
Harper
a déclaré : « J’admire assurément la détermination du premier ministre
Papandréou, et les actions très difficiles qu'il a eu à entreprendre en réponse
à des problèmes que son gouvernement n'a pas créés. Nous sommes tout à fait à
ses côtés. » Quittant la Grèce, Harper s'est envolé pour l’Afghanistan,
où il a salué le rôle joué par les FC depuis dix ans dans l'invasion de
l'Afghanistan et la guerre contre-insurrectionnelle.
Le premier ministre du Canada a vanté l'intervention des FC et qualifié la
guerre en Afghanistan de succès retentissant.
En
fait, cette guerre — dont on peut faire remonter les origines à la Guerre
froide, alors que les États-Unis ont fait un champ de tirs de
l’Afghanistan — s'est révélée être un désastre total pour les
peuples de l'Afghanistan et du Pakistan voisin, ayant entraîné d'innombrables
morts dans ces deux pays, en plus d’avoir chassé des millions de
personnes de leurs foyers.
Même
du point de vue de Washington et de ses alliés de l'OTAN, la guerre n'a pas
donné les dividendes attendus. Le régime de Hamid Karzaï installé par les
États-Unis est largement méprisé par le peuple afghan et ne survit que grâce à
la présence massive et coûteuse des troupes des États-Unis et de l’OTAN.
Si
Harper est si affirmatif lorsqu’il loue l'intervention des FC en
Afghanistan, c'est parce qu'il voit dans le renforcement des FC, tout comme
l’élite politique et financière du pays, un tournant décisif de la
politique étrangère du Canada et un instrument majeur permettant d’acclimater
la population canadienne à la participation du pays dans des guerres partout
dans le monde. En fait, à peine Harper était-il revenu au pays qu'il a été
révélé que les FC cherchaient actuellement à établir un réseau de sept bases
militaires – en Extrême-Orient, dans le golfe Persique, en Afrique
orientale et occidentale, en Europe et dans les Caraïbes – de façon à
faciliter le déploiement rapide des FC dans d’éventuelles guerres.
En termes réels et après ajustement de l'inflation, les dépenses militaires
du Canada n’ont jamais été aussi élevées que maintenant depuis la fin de
la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, aucun parti, pas même le soi-disant NPD
de « gauche », n’a appelé à des réductions du budget militaire
lors de la campagne pour les élections fédérales du 2 mai.
À ce jour, les conservateurs n'ont pas fourni de détails quant à leur
motion parlementaire pour étendre le rôle de premier plan déjà joué par les FC
dans la guerre en Libye, sauf pour dire qu'elle sera déposée dans les prochains
jours.
Le
NPD, qui a été catapulté dans l'opposition officielle à la suite d'une
augmentation de plus de 10 pour cent de sa part du vote populaire le 2 mai, a,
pour sa part, refusé d'indiquer son attitude face à la participation continue
du Canada dans la guerre en Libye.
En
réponse à l'annonce de Harper, le critique des affaires étrangères du NPD, Paul
Dewar, a été prompt à souligner que le NPD s’était joint à tous les
autres partis pour autoriser l'intervention des FC en Libye. Dewar a par la
suite ajouté que la mission devait être clarifiée, puisque les puissances de
l'OTAN « semblent » être allé au-delà de la résolution d’origine de
l'ONU autorisant une intervention « humanitaire » en cherchant à
renverser le régime du colonel Mouammar Kadhafi. Dewar a dit : « Nous
allons devoir examiner cette question de près avant de décider de soutenir ou
non » une prolongation.
En dépit de ce que prétend Dewar, depuis le tout début, les demandes formulées par le
Canada et les autres puissances occidentales pour intervenir en Libye afin de
sauver des vies civiles n’ont été qu’un prétexte cynique. Celui-ci
a été invoqué pour justifier une intervention contre un pays non seulement
riche en pétrole, mais partageant également des frontières avec l'Égypte et la
Tunisie, deux pays où des soulèvements populaires viennent de détrôner des
dictatures soutenues par l'Occident depuis des décennies.
En
dépit de ce que Dewar prétend selon le fait qu'il est encore difficile de
savoir si l'OTAN et le gouvernement Harper visent un « changement de
régime » en Libye, les dirigeants occidentaux, dont le premier ministre du
Canada, depuis des semaines ne cessent de déclarer qu'ils ne mettront pas fin
au bombardement des villes en Libye tant que Kadhafi n’aura pas été
chassé du pouvoir. Et les forces de l'OTAN, agissant sous le commandement du
général canadien Bouchard, ont à plusieurs reprises visé Kadhafi et sa famille.
Le vote du NPD en mars appuyant le déploiement des FC contre la Libye
n'est que la dernière occasion où le parti social-démocrate du Canada a
facilité une guerre impérialiste. Le NPD a en effet appuyé en 1999 la campagne
de bombardements de l'OTAN contre la Yougoslavie, n’appelant à la fin de
la campagne que quelques jours seulement avant que l'OTAN elle-même ne mette fin
à la boucherie. Le NPD soutient aussi depuis
longtemps la participation du Canada dans la guerre en Afghanistan, notamment
le rôle prépondérant des FC dans la guerre contre-insurrectionnelle
dans la province de Kandahar, un bastion des talibans. Même après avoir
officiellement demandé que le Canada retire toutes ses troupes de combat de
l'Afghanistan, le NPD a changé à nouveau de position en décembre 2008 en
acceptant de siéger dans un éventuel gouvernement de coalition dirigé par les
Libéraux qui s’était engagé à poursuivre la guerre en Afghanistan
jusqu'en 2011.
Peu importe la position que prendra le NPD lors du vote de
la nouvelle motion des conservateurs sur la Libye, ce parti s'est de nouveau
avéré être un parti de la grande entreprise et pour la grande entreprise
– un parti qui ne peut plus servir d'instrument pour s'opposer aux
intérêts prédateurs de l'élite dirigeante canadienne à l'étranger. Pas plus
qu’il ne peut servir de moyen pour résister à l'assaut de classe
dirigeante sur le niveau de vie des travailleurs, les services publics et les
droits démocratiques au pays.