Le 10 juin, le gouvernement
grec du premier ministre George Papandreou a annoncé une nouvelle série de
sérieuses coupes dans les dépenses publiques et les programmes sociaux afin
d’être éligible aux prêts de l’Union européenne (UE) et du Fonds
monétaire international (FMI). Le gouvernement grec a du mal à rembourser ses
dettes vu que les banques internationales refusent de nouveaux prêts.
Les projets visent à réduire de 6,5 milliards d’euros les dépenses en
2011, et de 22 milliards supplémentaires entre 2012 et 2015. Le gouvernement
projette également des privatisations à hauteur de 50 milliards d’euros.
Les entreprises publiques et les biens publics prévus pour une vente totale ou
partielle comprennent : la banque postale, les ports grecs du Pirée (près
d’Athènes) et de Thessalonique, les Télécoms grecs (OTE), les compagnies
de l’eau d’Athènes et de Thessalonique, la raffinerie pétrolière Hellenic
Petroleum, la compagnie d’électricité PPC et divers ports, aéroports,
autoroutes et droits miniers.
Ces mesures représentent près du double de celles sur lesquelles
s’étaient antérieurement mis d’accord les autorités internationales
et le gouvernement grec. Ces mesures antérieures ont déjà eu des effets
désastreux sur l’économie grecque. Le chômage a grimpé à plus de 16 pour
cent tandis que l’économie s’est contractée de 5,5 pour cent au
premier trimestre de cette année.
Les privatisations et les coupes sociales – une combinaison de la
privatisation et de l’augmentation des impôts sur la consommation ainsi
que de réductions des dépenses et des services sociaux – font qu’en
Grèce la classe ouvrière est obligée de se soumettre à une dictature pure et
simple du capital grec et international. Ces mesures correspondent à un
transfert sans précédent de la richesse sociale vers les poches de l’aristocratie
financière.
Les réductions des prestations sociales s’élèveront cette année à 1
milliard d’euros, à 1,26 milliard d’euros en 2012, à 1 milliard en
2013, à 790 millions d’euros en 2014 et à 400 millions en 2015. La
réduction des salaires du secteur public totalisera 800 millions d’euros
en 2011, 660 millions d’euros en 2012, 398 millions d’euros en 2014
et 71 millions en 2015. La réduction des salaires dans le secteur public
s’effectuera au moyen d’un gel de l’embauche, d’une
baisse des salaires et du licenciement de 50 pour cent des employés de
l’Etat recrutés sur des contrats à durée déterminée.
Le ministre des Finances George Papaconstantinous a également proposé
d’autres mesures pour garantir que le parti d’opposition de droite,
le parti Nouvelle Démocratie (ND), soutienne le nouveau programme
d’austérité. Ceci inclut une baisse de l’impôt sur les sociétés
prévue dans le nouveau projet de loi fiscal devant être adopté en septembre.
Pour comprendre l’ampleur de ces réductions, les chiffres doivent être
mis en relation avec la population grecque qui compte 11 millions
d’habitants et avec la taille de son économie – environ 305
milliards d’euros en 2010. Ramené à une économie de la taille de celle
des Etats-Unis, ceci correspondrait à une réduction annuelle des dépenses
américaines de 250 à 275 milliards de dollars et une vente d’actifs
d’une valeur de 3 mille milliards de dollars. Ceci signifierait une
réduction tous les ans et pendant cinq ans du financement correspondant à la
moitié du programme d’assurance-maladie américain Medicare destiné aux
personnes âgées et à la liquidation d’environ 20 pour cent du principal
marché boursier le S&P 500 (Standard & Poor’s 500).
Il est significatif de noter que l’ampleur des coupes est relativement
proche de la réduction du déficit budgétaire définie en avril par le président
américain, Barack Obama, et s’élevant à 4 mille milliards de dollars sur
les 12 prochaines années.
Dimanche, des dizaines de milliers de personnes se sont une fois de plus
rassemblées dans des villes partout en Grèce pour manifester leur colère contre
les réductions et leur opposition à l’égard des principaux partis
politiques. Des manifestations de masse des soi-disant « indignés »
ont eu lieu à Athènes, Thessalonique et dans d’autres villes. Les énormes
protestations sont allées de pair avec des manifestations comportant des
milliers de personnes qui se sont rassemblées jour après jour et pendant plus
de deux semaines dans les principales villes de Grèce.
Ces protestations s’étaient inspirées de celles des manifestants indignados
qui avaient occupé ces dernières
semaines les places centrales des villes à travers toute l’Espagne. Elles
sont le signe d’une opposition populaire montante contre les mesures
d’austérité imposées par les banques à tous les pays en Europe et
internationalement.
Dans un effort pour reprendre le contrôle sur les mouvements de protestation
populaire, les syndicats grecs entament mercredi encore une nouvelle grève
générale de 24 heures. Ces grèves, organisées par les syndicats GSEE et ADEDY
qui sont affiliées au parti dirigeant PASOK, n’ont eu aucun impact sur
les coupes continues et brutales réalisées par le gouvernement Papandreou en
alliance avec l’aristocratie financière internationale.
Le journal Athens News a remarqué que les « syndicats, qui
avaient été totalement tenus à l’écart durant la poussée du gouvernement
pour imposer la rigueur, ont été hués et ont dû baisser leurs drapeaux
lorsqu’ils ont tenté de rejoindre la partie sans invitation. La décision
du syndicat général des travailleurs la semaine passée d’appeler à une
nouvelle grève nationale de 24 heures de plus, cette fois pour le 15 juin, sent
l’envie face au succès de cet appel populaire aux armes. »
En refusant les coupes sociales, la classe ouvrière en Grèce et
internationalement est en train d’entrer en lutte contre l’ensemble
de l’establishment politique et financier – une situation
qui a des implications révolutionnaires.
Le nouveau caractère des manifestations en Grèce a été le sujet d’un
commentaire de Yiannis Mavris, le directeur de l’Institut de sondage Public
Issue. Mavris remarqua qu’« un vaste rejet social des partis
gouvernementaux et de l’actuelle génération de politiciens est en train
de conduire à une mobilisation sociale générale. Le mois dernier, la
participation sociale à toutes sortes de manifestations et de genres de
protestation avait plus que doublé, passant de 12 à 25 pour cent, ce qui
équivaut à environ 2,2 millions de citoyens.
Les remarques de Mavris furent appuyées par une étude menée par son agence
Public Issue pour le compte du journal Kathimerini. L’étude a
trouvé que seuls 27 pour cent des personnes interrogées étaient disposées à
soutenir le parti social-démocrate PASOK de Papandreou lors des élections.
PASOK a perdu le soutien de 17 pour cent de l’électorat par rapport à son
vote en novembre 2009.
Dans le nouveau sondage, le parti conservateur ND avait une avance de 4 pour
cent sur PASOK mais son soutien avait également chuté de 2,5 pour cent de
points pour représenter 31 pour cent.
Le même sondage a trouvé que près des trois quarts (74 pour cent) de
l’échantillon choisi croient que ni le PASOK ni le ND n’est capable
de gouverner le pays correctement. Quatre-vingt-deux pour cent ont dit
qu’ils étaient actuellement mécontents de leurs vies, et 87 pour cent ont
pensé que le pays allait dans la mauvaise direction.
Dans ces conditions, les institutions financières internationales insistent
sur une capitulation totale et inconditionnelle aux exigences des banques. Le
représentant de haut rang du FMI en Grèce, Bob Traa, a dit : « La
Grèce se trouve à un moment critique et n’a pas de temps à perdre, ce
n’est pas le moment de ralentir. »
Dans le même temps, Traa a clairement fait comprendre que le FMI verserait
la prochaine tranche de son prêt à la Grèce, venant à échéance ce mois-ci, à la
condition que les pays de l’UE proposent une solution à long terme pour
le déclin économique croissant de la Grèce. Il a dit, « Je crois qu’il
y a un sommet des chefs d’Etat (en juin) en Europe où des problèmes ardus
doivent être abordés et où certaines décisions doivent être prises. »
Traa a aussi refusé toute restructuration de la dette grecque qui
impliquerait les principales banques et les investisseurs détenant des
obligations grecques qui leur imposeraient des pertes. »
Le gouvernement allemand a à maintes reprises réclamé une espèce de défaut
de paiement de la dette grecque en échange de coupes sociales massives. Selon
un article dans le journal économique allemand Handelsblatt, les désaccords
entre les principales puissances européennes quant à l’avenir de la Grèce
sont tellement profonds que les ministres de la zone euro devant se réunir le
20 juin pourraient bien ne pas parvenir à conclure un accord sur un nouveau
financement de la Grèce.
L’échec d’un accord mettrait en péril le prêt à venir du FMI à
la Grèce, menaçant à son tour de plonger l’ensemble du système financier
européen dans la crise.
Un autre signe des implications contre-révolutionnaires de la politique de
rigueur est la question récurrente d’éventuels coups d’Etat et de
guerre civile en Grèce.
Selon un article paru dans le journal allemand Bild, l’agence américaine
de renseignement CIA a mis en garde dans un rapport que les mesures
d’austérité imposées en Grèce pourraient conduire à une intensification
des conflits sociaux et à un éventuel coup d’Etat. De 1967 à 1974, la
Grèce avait été gouvernée par une junte militaire. L’article cite le
maire d’Athènes, Giorgos Kaminis, qui met en garde contre le
développement d’une guerre civile en Grèce : « Il y a un risque
que dans un court laps de temps Athènes ressemble à Beyrouth, la capitale
libanaise, durant les années 1970. »