Le nouveau programme entraînera la suppression de 150.000 emplois dans
les services publics, des réductions dans les dépenses sociales et les soins
de santé ainsi que des hausses d’impôts considérables pour les revenus
médians. La taxe à la valeur ajoutée sur la restauration et les boissons
passera de 13 à 23 pour cent. En Grèce, où l’économie est fortement
tributaire des petites entreprises, ceci signifie la ruine de milliers de
personnes et une aggravation de la récession.
Même Wolfgang Münchau, chroniqueur influent du Financial Times et,
jusqu’à ce jour un défenseur de l’austérité, est arrivé à la conclusion que
de telles mesures d’austérité sont « financièrement téméraires et
politiquement irresponsables. » Le programme, dans la situation actuelle,
est politiquement, moralement et économiquement difficile à justifier, »
a-t-écrit.
Néanmoins, l’Union européenne a exhorté le parlement grec à adopter le
programme. Le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, a
menacé l’Etat grec de banqueroute si le plan d’austérité était rejeté. « La
seule manière d’éviter un défaut immédiat est que le parlement soutienne le
plan économique révisé, » a-t-il dit dans une déclaration. Il doit être
adopté pour que la prochaine tranche d’aide financière soit octroyée. C’est
ce que je dis à tous ceux qui spéculent sur d’autres options : il n’y a pas
de plan B pour éviter le défaut. »
Pour ce qui est du premier ministre George Papandreou, il a passé des
journées entières en manœuvres politiques et actes d’intimidation pour
persuader les membres dissidents des son parti à s’incliner. Alors que la
grande majorité de la population grecque rejette le plan d’austérité – une
grève générale de 48 heures a paralysé le pays et des dizaines de milliers
de personnes ont manifesté devant le parlement – tous les députés du PASOK,
à l’exception d’un seul, ont voté en faveur de la loi, et ont été rejoints
par un représentant du parti d’opposition Nouvelle Démocratie.
L’ensemble du processus revêt des traits dictatoriaux. Même le quotidien
conservateur grec Kathimerini a conclu : « Nous n’avons plus affaire
à une démocratie… Un pays entier est devenu la province d’un empire plutôt
économique que politique qui, à son tour, a été pris en otage par plusieurs
sociétés d’investissement et agences de notation aux pouvoirs monstrueux et
aux aspirations cupides. »
Les marchés financiers et boursiers ont réagi positivement au vote. Ils
interprètent l’approbation du parlement grec comme un signal selon lequel
ils peuvent opérer à présent avec la même brutalité contre la classe
ouvrière que dans les autres pays européens. Des programmes d’austérité ont
déjà été introduits au Portugal, en Irlande, en Espagne et en
Grande-Bretagne. De prochains pays tels l’Italie, la France et
éventuellement des pays plus riches comme l’Allemagne figurent déjà à
l’ordre du jour.
Deux ans et demi après que l’effondrement de la banque américaine Lehman
Brothers a déclenché la plus vaste crise financière internationale depuis
les années 1930, le capital financier international est activement engagé à
récupérer aux dépens des travailleurs les milliers de milliards dépensés
pour renflouer les banques. Il introduit une contre-révolution visant à
anéantir tous les acquis sociaux accumulés par la classe ouvrière depuis la
Deuxième guerre mondiale.
Aux Etats-Unis, des réductions de salaires de 50 pour cent et des coupes
drastiques dans les dépenses publiques sont depuis longtemps à l’ordre du
jour dans les Etats endettés tels la Californie et le Wisconsin. Quiconque
pensait que l’Europe était à l’abri de tels excès en raison de ses
traditions d’Etat social a été détrompé. L’euro, qui a été introduit il y a
deux décennies et salué comme le garant d’une prospérité future, se révèle à
présent être un mécanisme pour la destruction du niveau de vie de la classe
ouvrière. Le terme « sauver l’euro » est devenu synonyme d’austérité et de
déclin social.
Pour la classe ouvrière européenne, les événements en Grèce doivent être
un avertissement. Il est nécessaire d'en tirer les leçons politiques. Sans
le soutien des syndicats et des soi-disant partis de « gauche », Papandreou
et ses bailleurs de fonds internationaux n’auraient jamais été à même de
triompher.
Sur le plan européen, ces organisations ont tout fait pour qu’il n’y ait
aucune solidarité avec les travailleurs grecs. Les partis sociaux-démocrates
ont entièrement soutenu les exigences de l’UE et ont soutenu la campagne de
diffamation contre les soi-disant « Grecs paresseux ». La même chose vaut
pour les sièges des syndicats qui ont refusé d’émettre la moindre parole de
solidarité.
En Grèce même, les syndicats sont étroitement affiliés au PASOK. Ils se
sont efforcés de freiner l’opposition massive contre les mesures d’austérité
en la maintenant sous contrôle. Ils ont organisé 15 grèves en guise de
protestation visant simplement à faire baisser la pression. Toutes les
grèves générales ont été limitées à 24 heures parce qu’ils savaient que le
gouvernement n’aurait pu tenir que pendant quelques jours face à une grève
générale illimitée.
Les nombreuses organisations pseudo-gauches du pays – telles SYRIZA,
ANTARSYA, etc. – ont défendu les syndicats et se sont dissimulées derrière
le caractère soi-disant « non politique » du mouvement « des indignés » sur
la place Syntagma pour réprimer tout débat sur une perspective
révolutionnaire. La revendication d'un rejet total de la dette était pour
ces forces un tabou tout comme l’appel à un gouvernement ouvrier. Au lieu de
cela, elles ont entretenu l’illusion que Papandreou et l’UE pouvaient être
persuadés d'adopter une autre politique.
La contre-révolution sociale qui a commencé en Grèce ne peut être bloquée
que par une offensive politique indépendante de la classe ouvrière. Elle ne
peut pas être stoppée par une ou deux grèves générales soigneusement
orchestrées ou par des tentatives d’exercer une pression sur le
gouvernement.
Il n’y a pas de solution à la crise actuelle dans le cadre du
capitalisme. La bourgeoisie grecque est intimement liée au capital financier
international. Le rejet du programme d’austérité par Nouvelle Démocratie est
totalement cynique. Si ce parti était au pouvoir il agirait de la même
manière que PASOK. La même chose s’applique aux organisations bourgeoises de
« gauche » dont les organisations internationales sœurs (Rifondazione
comunista en Italie, Die Linke en Allemagne, le Parti communiste en France)
ont soutenu des mesures d’austérité identiques lorsqu’elles étaient au
gouvernement.
La classe ouvrière est confrontée à une lutte pour le pouvoir. Elle doit
s’opposer au paiement de l’ensemble des dettes et lutter pour la mise ne
place d’un gouvernement ouvrier engagé à l’expropriation des grandes banques
et des grands groupes sans compensation en les plaçant sous contrôle social.
Ce n’est que sur cette base qu’il est possible de stopper la
contre-révolution sociale, d’utiliser les ressources disponibles pour le
bien de tous et de construire une société socialiste.
On ne peut concrétiser une telle perspective que dans un contexte
international. Les travailleurs grecs doivent rejeter toutes les tendances
nationalistes et nouer des liens étroits avec l’ensemble de la classe
ouvrière européenne et internationale qui est confrontée aux mêmes attaques.
Son but doit être la mise en place des Etats socialistes unis d’Europe.
Seuls le World Socialist Web Site et le Comité international de la
Quatrième Internationale luttent pour une telle perspective. Nous demandons
instamment aux travailleurs et aux jeunes en Grèce et de par l’Europe
d’entrer en contact avec le comité de rédaction du WSWS et de contribuer à
la construction des sections du Comité international en Europe.
(Article original paru le 30 juin 2011)