Entre le 16 et le 18 juin, les militants du PCF étaient amenés à élire
leur candidat pour les élections présidentielles de 2012. Jean-Luc
Mélenchon, secrétaire du Parti de Gauche, est devenu le premier
non-Communiste, depuis François Mitterrand en 1974, à représenter le PCF
pour les élections présidentielles de 2012. Ce Front de gauche est une
tentative de défendre le rôle de l’impérialisme français devant les énormes
conflits de classes, à une époque où les partis politiques traditionnels
sont complètement discrédités.
Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a dévoilé le résultat
final de la consultation des quelques 130.000 adhérents revendiqués du
parti, dont 70.000 à jour dans leurs cotisations. Finalement, 59,12% des
votants ont choisi l'option accord global sur le programme partagé, les
législatives et la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle.
Pierre Laurent a salué « le choix clair, net et massif ».
La candidature de Mélenchon pour les présidentielles de 2012 est
différente de celle de Mitterrand en 1974—notamment à cause de
l’effondrement entre-temps du PCF, anciennement parti hégémonique dans la
classe ouvrière, suite à sa participation dans le gouvernement Mitterrand
dans les années 1980 et à la chute de l’URSS en 1991. A la différence de
Mitterrand, Mélenchon est un personnage de second plan de la politique
bourgeoisie française. En dernière analyse, cependant, le but de l’exercice
reste le même : lutter contre le développement d'une conscience
révolutionnaire dans le prolétariat.
Dans les années 1970, l’association du PCF avec le communisme et la
révolution d’octobre devenait intolérable au parti après sa trahison de la
grève générale de 1968 et des luttes de la décennie suivante. Le PCF n’était
ni communiste ni révolutionnaire, mais il craignait de perdre son influence
sur la classe ouvrière en lutte. Il craignait que des couches ouvrières ne
parviennent à la conclusion que le PCF devrait prendre le pouvoir dans une
période révolutionnaire. Le PCF, qui n’avait aucune intention de le faire ne
voulait pas être débordé sur sa gauche par les travailleurs.
Pour éloigner le communisme de la conscience des masses, le PCF s’était
alors tourné vers Mitterrand et son Parti Socialiste (PS), doté d’un
programme bourgeois, donnant ainsi l’illusion que les perspectives
réformistes pouvaient défendre les travailleurs. Politiquement désarmée, la
classe ouvrière fut livrée à une bourgeoisie décidée à décimer toutes les
industries qui avaient été les plus actives durant les grèves. Après son
« tournant de la rigueur » en 1983, le gouvernement Mitterrand put imposer
de dures mesures d’austérité, tout en fermant de nombreuses usines
automobiles et sidérurgiques.
Aujourd’hui, le PCF et le PS sont fortement discrédités aux yeux des
travailleurs. Ils ont laissé le pouvoir à la droite en 2002 et ne l’ont plus
retrouvé. La radicalisation de la classe ouvrière en raison de la crise
économique et du vide laissé par ces deux anciens partis, qui avaient eu
comme base la classe ouvrière, fait craindre à la bourgeoisie de puissants
conflits de classes.
L’étiquette du communisme gêne encore le PCF, il souhaite que les
questions du socialisme soient éloignées des esprits. Mélenchon—ancien
ministre délégué à l’enseignement professionnel quand il était encore au
PS—remplit cette fonction à merveille pour les bureaucrates cyniques du PCF.
Capable de reprendre dans ses discours le ton démagogique des dirigeants du
PCF, il n’éveille aucune attente politique en dehors des idées reçues de la
« gauche » bourgeoise.
C’est aussi la fonction du Front de gauche, doté d’une étiquette ambigüe
de « gauche » tout en ayant une perspective nationaliste et militariste. Le
Front de gauche regroupe différentes tendances politiques tels le Parti de
Gauche avec Mélenchon, des staliniens et des pablistes avec Christian Piquet
(Gauche unitaire, ex-Ligue communiste révolutionnaire).
Le Front de gauche a comme modèle des formations semblables dans d’autres
pays d'Europe : en Allemagne Die Linke, et Izquierda Unida en Espagne. Ces
formations soutiennent les syndicats et empêchent la classe ouvrière de
lutter politiquement contre la bourgeoisie.
L’étiquette de « gauche » du Front de gauche peut être balayée d’un
revers de main en regardant le parcours de deux personnalités politiques
importantes de ce Front de gauche, et leur soutien à la politique de plus en
plus droitière du gouvernement Sarkozy. André Gerin, député du PCF, a
participé à la commission pour l’interdiction de la burqa, se moquant des
droits démocratiques de la classe ouvrière.
Dans son article du 21 juin intitulé « Le député André Gerin crée la
polémique au PCF en critiquant l'immigration », Le Monde cite André
Gerin: « 'Aujourd’hui limiter y compris l’immigration régulière devient
vital face une situation intenable et explosive dans des centaines de villes
populaires. C’est la seule manière d’endiguer le Front national en
démontrant que la situation n’a rien d’inéluctable et surtout qu’il n’y a
aucune raison d’accepter une fatalité du déclin démographique en France et
en Europe', affirme l'élu. Cette proposition rappelle celle du ministre de
l'intérieur, Claude Guéant, qui avait été fustigée par la gauche ».
Gerin démontre ainsi que le PCF compte répondre à la montée du FN en
adoptant sa politique. Pour « endiguer » le FN, Gerin compte faire la chasse
aux immigrés et essaie d'être plus frontiste que le Front, ce qui est aussi
l'attitude de Sarkozy. André Gerin n’a d’ailleurs jamais été sanctionné par
le PCF en 2009 pour sa participation à la commission anti-burqa.
Quant à Mélenchon, il est explicitement hostile à la perspective d’une
politique indépendante de la classe ouvrière pour la prise du pouvoir et le
socialisme, préférant invoquer une « révolution par les urnes ».
Il a soutenu l’agression française contre la Libye. Un article dans
Wordpress daté du 28 mars résumait ainsi les déclarations pro-guerre de
Mélenchon :« Le 10 mars 2011, il votait au Parlement européen une résolution
invitant les Etats membres à se ' tenir prêts' à une intervention militaire
contre la Libye. Le 20 mars, approuvant les frappes aériennes, il se demande
dans le Nouvel Obs s’il faut remercier Nicolas Sarkozy. 'La politique menée
est conforme à l’intérêt de la France,' renchérit-il dans Libération. ».
Ses positions anti-burqa étaient tout aussi droitières. Dans un article
du 14 janvier intitulé « Mélenchon veut des amendes », Le Figaro
relaie les propos de Mélenchon : « 'Il faut interdire le port du voile
intégral, c'est ma conviction personnelle, à la condition que la loi,
naturellement, soit respectueuse des principes républicains', a déclaré
l'eurodéputé sur France24 ».
Le prétexte de la défense des principes républicains pour mettre des
amendes aux femmes portant la burqa est le même que celui utilisé par le
gouvernement pour s’attaquer aux droits démocratiques de la classe ouvrière.
Mélenchon méprise les droits démocratiques de la classe ouvrière en
s’alignant sur la campagne raciste du gouvernement— campagne qui a fini par
légitimer le FN comme parti politique participant à la vie publique
officielle en France.
Mélenchon a aussi appelé au renforcement des frontières européennes,
geste aux connotations fortement nationalistes : « De même contre l’Europe
libérale passoire ouverte à tous les vents du libre-échange absurde qui
domine le monde, il faut exiger aux frontières de l’Union pendant cette
période d’exception un tamis douanier qui bloque le dumping social et
environnemental ».
Les propos de Mélenchon montrent que sa candidature et son Front de
gauche avec le PCF ne visent pas à défendre les intérêts de la classe
ouvrière, mais les intérêts stratégiques de la bourgeoisie française à
l’intérieur et à l’extérieur du pays. C’est notamment la logique de ses
propos visant à promouvoir un bloc commercial européen afin de limiter la
concurrence en provenance de pays émergents comme la Chine.
Le programme du Front de gauche a finalement le même but que le projet du
PS pour 2012 (voir aussi :
Le programme du Parti
Socialiste en France est dirigé contre la classe ouvrière). A la
veille de grandes luttes des classes, il tente, en adoptant une politique de
droite, d’empêcher que la classe ouvrière ne prenne un virage à gauche.